Conseil d'État
N° 255095
ECLI:FR:CESSR:2005:255095.20050110
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Patrick Quinqueton, rapporteur
M. Olléon Laurent, commissaire du gouvernement
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats
Lecture du lundi 10 janvier 2005
Vu le recours, enregistré le 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 2 juin 1998 du tribunal administratif de Paris décidant le remboursement à la société Gillan Beach de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par celle-ci en 1993 pour un montant de 394 831, 30 F (60 191,64 euros) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Gillan Beach,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Gillan Beach, établie au Royaume-Uni, a organisé à Nice deux salons nautiques du 18 au 20 février 1993 et du 25 au 27 mai 1993 ; qu'elle a fourni aux exposants une prestation globale comprenant la mise à disposition de stands, leur aménagement, les moyens de communication nécessaires, et le service d'hôtesses d'accueil ; qu'elle a demandé, sur le fondement de l'article 242-0 M de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les achats de biens et services effectués en France à cette fin, pour un montant de 394 831,30 F (60 191,64 euros) ; que ce remboursement lui a été refusé par l'administration fiscale au motif que l'organisation de foires et salons en France est une prestation réputée se situer en France dès lors qu'elle y est matériellement exécutée, en application du 4° de l'article 259 A du code général des impôts ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris accordant à la société Gillan Beach le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle demandait ;
Considérant qu'en vertu de l'article 242-0 M de l'annexe II au code général des impôts, les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle et n'y ont pas réalisé, durant la même période, de livraisons de biens ou de prestations de services entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, au sens notamment de l'article 259 A du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article 259 du même code : Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ; que par dérogation à ces dispositions et en application du 2° et du 4° de l'article 259 A, est réputé se situer en France le lieu des prestations de services se rattachant à un immeuble situé en France et le lieu des prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, récréatives et prestations accessoires ainsi que leur organisation, lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France ;
Considérant que l'organisation d'un salon nautique, qui consiste à permettre, par une prestation globale, aux exposants de commercialiser des biens nautiques, ne relève pas de manière claire de la catégorie des prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, récréatives et prestations accessoires ainsi que leur organisation mentionnée au 4° de l'article 259 A du code général des impôts, invoqué à titre principal par le ministre, et qui résulte de la transposition du point c, premier tiret, du paragraphe 2 de l'article 9 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant toutefois que le ministre se prévaut d'une interprétation commune des Etats membres, formulée dans le compte rendu de la 52ème réunion, les 28 et 29 mai 1997, du comité de la taxe sur la valeur ajoutée créé par l'article 29 de la sixième directive, selon laquelle la fourniture par un assujetti d'un ensemble complexe de services à un exposant dans le cadre d'une foire commerciale ou d'une manifestation similaire est taxable comme une prestation unique dans l'Etat membre où la foire ou l'exposition est située, en application de l'article 9 paragraphe 2 point a) ou de l'article 9 paragraphe 2 point c), premier tiret, de la sixième directive, dispositions transposées en droit français aux 2° et 4° de l'article 259 A du code général des impôts ;
Considérant qu'il y a lieu de rechercher une application uniforme au sein de la Communauté européenne des règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée fixées, en ce qui concerne les prestations de services, par l'article 9 de la sixième directive ; qu'il convient donc de vérifier, pour répondre au moyen du ministre tiré de la méconnaissance par l'arrêt de la cour administrative d'appel des dispositions du code général des impôts transposant celles de l'article 9 paragraphe 2 de la sixième directive, si une prestation globale fournie aux exposants dans un salon, telle que celle effectuée par la société Gillan Beach, est susceptible de se rattacher à l'article 9 paragraphe 2 point c), premier tiret, de la sixième directive, à l'article 9 paragraphe 2 point a) de cette directive ou à toute autre catégorie de prestations de services mentionnée à cet article 9 paragraphe 2 ;
Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige et qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 234 CE et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il est sursis à statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir si une prestation globale fournie par un organisateur aux exposants dans une foire ou un salon est susceptible de se rattacher à l'article 9 paragraphe 2 point c), premier tiret, de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, à l'article 9 paragraphe 2 point a) de cette directive ou à toute autre catégorie de prestations de services mentionnée à cet article 9 paragraphe 2.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, à la société Gillan Beach ainsi qu'au président de la Cour de justice des Communautés européennes.
N° 255095
ECLI:FR:CESSR:2005:255095.20050110
Mentionné au tables du recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Martin, président
M. Patrick Quinqueton, rapporteur
M. Olléon Laurent, commissaire du gouvernement
SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ, avocats
Lecture du lundi 10 janvier 2005
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours, enregistré le 13 mars 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 20 décembre 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé à l'encontre du jugement du 2 juin 1998 du tribunal administratif de Paris décidant le remboursement à la société Gillan Beach de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée par celle-ci en 1993 pour un montant de 394 831, 30 F (60 191,64 euros) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Patrick Quinqueton, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Gillan Beach,
- les conclusions de M. Laurent Olléon, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Gillan Beach, établie au Royaume-Uni, a organisé à Nice deux salons nautiques du 18 au 20 février 1993 et du 25 au 27 mai 1993 ; qu'elle a fourni aux exposants une prestation globale comprenant la mise à disposition de stands, leur aménagement, les moyens de communication nécessaires, et le service d'hôtesses d'accueil ; qu'elle a demandé, sur le fondement de l'article 242-0 M de l'annexe II au code général des impôts, le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les achats de biens et services effectués en France à cette fin, pour un montant de 394 831,30 F (60 191,64 euros) ; que ce remboursement lui a été refusé par l'administration fiscale au motif que l'organisation de foires et salons en France est une prestation réputée se situer en France dès lors qu'elle y est matériellement exécutée, en application du 4° de l'article 259 A du code général des impôts ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son recours dirigé contre le jugement du tribunal administratif de Paris accordant à la société Gillan Beach le remboursement de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle demandait ;
Considérant qu'en vertu de l'article 242-0 M de l'annexe II au code général des impôts, les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a été régulièrement facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable ou, à défaut, leur domicile ou leur résidence habituelle et n'y ont pas réalisé, durant la même période, de livraisons de biens ou de prestations de services entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, au sens notamment de l'article 259 A du code général des impôts ; qu'aux termes de l'article 259 du même code : Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle ; que par dérogation à ces dispositions et en application du 2° et du 4° de l'article 259 A, est réputé se situer en France le lieu des prestations de services se rattachant à un immeuble situé en France et le lieu des prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, récréatives et prestations accessoires ainsi que leur organisation, lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France ;
Considérant que l'organisation d'un salon nautique, qui consiste à permettre, par une prestation globale, aux exposants de commercialiser des biens nautiques, ne relève pas de manière claire de la catégorie des prestations culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, éducatives, récréatives et prestations accessoires ainsi que leur organisation mentionnée au 4° de l'article 259 A du code général des impôts, invoqué à titre principal par le ministre, et qui résulte de la transposition du point c, premier tiret, du paragraphe 2 de l'article 9 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
Considérant toutefois que le ministre se prévaut d'une interprétation commune des Etats membres, formulée dans le compte rendu de la 52ème réunion, les 28 et 29 mai 1997, du comité de la taxe sur la valeur ajoutée créé par l'article 29 de la sixième directive, selon laquelle la fourniture par un assujetti d'un ensemble complexe de services à un exposant dans le cadre d'une foire commerciale ou d'une manifestation similaire est taxable comme une prestation unique dans l'Etat membre où la foire ou l'exposition est située, en application de l'article 9 paragraphe 2 point a) ou de l'article 9 paragraphe 2 point c), premier tiret, de la sixième directive, dispositions transposées en droit français aux 2° et 4° de l'article 259 A du code général des impôts ;
Considérant qu'il y a lieu de rechercher une application uniforme au sein de la Communauté européenne des règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée fixées, en ce qui concerne les prestations de services, par l'article 9 de la sixième directive ; qu'il convient donc de vérifier, pour répondre au moyen du ministre tiré de la méconnaissance par l'arrêt de la cour administrative d'appel des dispositions du code général des impôts transposant celles de l'article 9 paragraphe 2 de la sixième directive, si une prestation globale fournie aux exposants dans un salon, telle que celle effectuée par la société Gillan Beach, est susceptible de se rattacher à l'article 9 paragraphe 2 point c), premier tiret, de la sixième directive, à l'article 9 paragraphe 2 point a) de cette directive ou à toute autre catégorie de prestations de services mentionnée à cet article 9 paragraphe 2 ;
Considérant que cette question est déterminante pour la solution du litige et qu'elle présente une difficulté sérieuse ; qu'il y a lieu, par suite, d'en saisir la Cour de justice des Communautés européennes en application de l'article 234 CE et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il est sursis à statuer sur le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir si une prestation globale fournie par un organisateur aux exposants dans une foire ou un salon est susceptible de se rattacher à l'article 9 paragraphe 2 point c), premier tiret, de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, à l'article 9 paragraphe 2 point a) de cette directive ou à toute autre catégorie de prestations de services mentionnée à cet article 9 paragraphe 2.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, à la société Gillan Beach ainsi qu'au président de la Cour de justice des Communautés européennes.