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Ariane Web: Conseil d'État 328102, lecture du 22 octobre 2010, ECLI:FR:CESSR:2010:328102.20101022

Décision n° 328102
22 octobre 2010
Conseil d'État

N° 328102
ECLI:FR:CESSR:2010:328102.20101022
Publié au recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Arrighi de Casanova, président
M. Xavier de Lesquen, rapporteur
SCP GADIOU, CHEVALLIER, avocats


Lecture du vendredi 22 octobre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi, enregistré le 19 mai 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 26 mars 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a condamné l'Etat à verser à la commune de Versailles une somme de 397 812 euros, assortie des intérêts au taux légal et des intérêts des intérêts, correspondant au coût des missions exercées par des agents communaux au nom de l'Etat dans les conditions prévues par la circulaire ministérielle du 3 mai 2002 relative à l'encaissement des amendes forfaitaires et des consignations émises par les agents de police municipale ;



Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la route ;

Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

Vu le décret n° 64-1333 du 22 décembre 1964 ;

Vu le décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 ;

Vu l'arrêté interministériel du 29 juillet 1993 pris pour l'application du décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Xavier de Lesquen, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Versailles,

- les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la commune de Versailles ;



Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales : Aucune dépense à la charge de l'Etat ou d'un établissement public à caractère national ne peut être imposée directement ou indirectement aux collectivités territoriales ou à leurs groupements qu'en vertu de la loi ; que, lorsque des dispositions législatives confient à des agents de collectivités territoriales ou de leurs groupements des missions à exercer au nom de l'Etat, elles mettent indirectement à la charge de ces collectivités territoriales ou groupements, sauf disposition contraire, les dépenses nécessaires à l'exercice de ces missions ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 2212-5 du même code, dans sa rédaction résultant de la loi du 15 avril 1999, les agents de police municipale sont chargés d'assurer l'exécution des arrêtés de police du maire et de constater par procès-verbaux les contraventions auxdits arrêtés. Sans préjudice des compétences qui leur sont dévolues par des lois spéciales, ils constatent également par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ; qu'en vertu tant de ces dispositions que de celles du 2° de l'article 21 du code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi du 15 novembre 2001, ainsi que de celles du 11° de l'article L. 130-4 du code de la route dans sa rédaction résultant de la loi du 12 juin 2003, les agents de police municipale ont notamment pour mission de constater par procès-verbaux les contraventions aux dispositions du code de la route, dont la liste est fixée par l'article R. 130-2 de ce dernier code ainsi que, dans la rédaction de l'article 21 du code de procédure pénale résultant de la loi du 18 mars 2003, de recueillir les éventuelles observations du contrevenant ; qu'en vertu des dispositions des articles 529 et 529-1 du code de procédure pénale, les contraventions des quatre premières classes réprimées par le code de la route, dont la liste figure au 1° de l'article R. 48-1 de ce code, font l'objet d'une amende forfaitaire pouvant être acquittée entre les mains de l'agent verbalisateur au moment de la constatation de l'infraction ;

Considérant que les dépenses nécessaires à l'exercice des missions confiées par ces dispositions législatives à des agents communaux agissant au nom de l'Etat sont constituées par les frais liés à la constatation par les agents de police municipale des contraventions aux dispositions du code de la route, ainsi qu'à la perception des amendes forfaitaires résultant de ces contraventions lorsqu'elle est effectuée par les agents verbalisateurs ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Versailles a condamné l'Etat à verser à la commune de Versailles une somme de 397 812 euros, au motif qu'il s'agissait de dépenses à la charge de l'Etat qui n'avaient été imposées aux communes que par une circulaire du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales du 3 mai 2002 et non par des dispositions législatives comme le prescrit l'article L. 1611-1 du code général des collectivités territoriales ;

Sur les frais d'établissement des avis de contravention, cartes de paiement et quittances remis aux contrevenants par les agents de police municipale :

Considérant que les frais d'établissement des avis de contravention et des cartes de paiement des amendes forfaitaires, mentionnés par les articles R. 49-1 et R. 49-10 du code de procédure pénale, qui sont remis aux contrevenants lors de la constatation des contraventions au code de la route, sont liés à cette constatation ; que les frais d'établissement des quittances, mentionnées aux articles R. 49-2 et R. 49-11, qui sont délivrées immédiatement par les agents verbalisateurs aux contrevenants qui s'acquittent des amendes forfaitaires entre leurs mains, sont liés à cette perception ; que ces frais constituent dès lors des dépenses nécessaires à l'exercice des missions confiées aux agents de police municipale par les dispositions législatives mentionnées ci-dessus, lesquelles ont ainsi mis ces dépenses à la charge des communes ; que la cour administrative d'appel a, dès lors, commis une erreur de droit en jugeant que des dépenses de cette nature supportées par la commune de Versailles, chiffrées par la cour à 125 795 euros, devaient être mises à la charge de l'Etat ; que son arrêt doit par suite être annulé, en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la commune de Versailles une somme de 125 795 euros au titre de ces dépenses ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de la cassation prononcée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la commune de Versailles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 25 octobre 2007, le tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme correspondant aux frais d'établissement d'avis de contravention, cartes de paiement et quittances remis aux contrevenants par les agents de police municipale ;

Sur les frais de fonctionnement de la régie de recettes de l'Etat créée par arrêté préfectoral auprès de la commune de Versailles :

Considérant que les amendes forfaitaires sont des recettes de l'Etat, que seuls des comptables publics de l'Etat sont habilités à encaisser en vertu de l'article 11 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ; que, comme le prévoient les dispositions de l'article 18 du même décret, des régisseurs de recettes peuvent être chargés d'opérations d'encaissement pour le compte des comptables publics de l'Etat ; que les articles 2 et 20 de l'arrêté interministériel du 29 juillet 1993, pris sur le fondement de l'article 2 du décret du 20 juillet 1992 relatif aux régies de recettes et aux régies d'avances des organismes publics, permettent, dans leur rédaction résultant d'un arrêté du 22 juillet 2003, aux préfets de créer des régies de recettes de l'Etat auprès des communes et groupements de communes qui emploient des agents de police municipale ; que, toutefois, ni l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales, ni son article L. 2212-5-1, ni aucune autre disposition législative ne met directement ou indirectement à la charge des communes les frais de fonctionnement des régies de recettes mises en place par l'Etat auprès des communes pour l'encaissement, par les comptables publics de l'Etat, des amendes pouvant résulter des procès-verbaux établis par les agents de police municipale ; que la cour administrative d'appel n'a dès lors pas commis d'erreur de droit en jugeant que les frais de fonctionnement d'une telle régie de recettes de l'Etat, créée par un arrêté préfectoral auprès de la commune de Versailles, supportés par cette dernière et chiffrés par la cour à 272 017 euros, devaient être mise à la charge de l'Etat ; que le ministre n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation de son arrêt, en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la commune de Versailles cette somme au titre de ces frais ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Versailles en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 26 mars 2009 est annulé, en tant qu'il condamne l'Etat à verser à la commune de Versailles une somme de 125 795 euros correspondant aux frais d'établissement d'avis de contravention, cartes de paiement et quittances remis aux contrevenants par les agents de police municipale.

Article 2 : Les conclusions de l'appel de la commune de Versailles sont rejetées, en tant qu'elles tendent à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Versailles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Versailles, au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


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