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Ariane Web: Conseil d'État 372282, lecture du 17 janvier 2014, ECLI:FR:CESSR:2014:372282.20140117

Décision n° 372282
17 janvier 2014
Conseil d'État

N° 372282
ECLI:FR:CESSR:2014:372282.20140117
Publié au recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
Mme Maryline Saleix, rapporteur
Mme Nathalie Escaut, rapporteur public
SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats


Lecture du vendredi 17 janvier 2014
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 septembre et 3 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Expatrium International Ltd, dont le siège est Wilberforce House Station Road, à Londres Nw4 4qe, Grande-Bretagne ; la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1306052 du 4 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté son appel tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1305110 du juge des référés du 8 juillet 2013 rejetant sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à la procédure de flagrance fiscale dont elle a fait l'objet, le 19 juin 2013, sur le fondement de l'article L. 16-0BA du livre des procédures fiscales et à la décharge de l'amende prévue à l'article 1740 B du code général des impôts ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2011-1978 de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maryline Saleix, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la Societe Expatrium International Ltd ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise qu'au cours d'une procédure de visite et de saisie diligentée le 19 juin 2013 au domicile de M.A... sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, les agents de la direction nationale d'enquêtes fiscales ont dressé un procès-verbal de flagrance fiscale, en application de l'article L. 16 0-BA du même livre à l'encontre de la société Expatrium International Ltd, dont M. A...était le dirigeant ; que la société se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif a rejeté son appel tendant à l'annulation de l'ordonnance du 8 juillet 2013 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a rejeté sa demande tendant à mettre fin à la procédure de flagrance fiscale et à la décharge de l'amende prévue par l'article 1740 B du code général des impôts ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 16-0BA du livre des procédures fiscales : " Lorsque, dans le cadre des procédures mentionnées aux articles L. 16 B, L. 16 D et L. 80 F, (...) les agents de l'administration des impôts ayant au moins le grade de contrôleur constatent pour un contribuable se livrant à une activité professionnelle et au titre des périodes pour lesquelles l'une des obligations déclaratives prévues aux articles 170, 172, 223 et 287 du code général des impôts n'est pas échue, l'un au moins des faits suivants : 1° L'exercice d'une activité que le contribuable n'a pas fait connaître à un centre de formalité des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, sauf s'il a satisfait, au titre d'une période antérieure, à l'une de ses obligations fiscales déclaratives (..... ) ils peuvent, en cas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale de la nature de celle mentionnée au premier alinéa, dresser à l'encontre de ce contribuable un procès-verbal de flagrance fiscale (...) " ; qu'aux termes du V de cet article : " Le juge du référé administratif mentionné à l'article L. 279, saisi dans un délai de huit jours à compter de la réception du procès-verbal de flagrance fiscale mentionné au I, met fin à la procédure s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de cette procédure. / Le juge du référé statue dans un délai de quinze jours. Faute d'avoir statué dans ce délai, le juge des référés est dessaisi au profit du tribunal administratif qui se prononce en urgence. / La décision du juge du référé est susceptible d'appel devant le tribunal administratif dans le délai de huit jours. Le tribunal se prononce en urgence. ... " ; qu'il résulte de ces dispositions que la mise en oeuvre de la procédure de flagrance fiscale qu'elles prévoient est notamment subordonnée à la constatation de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement des créances fiscales nées de l'activité exercée par le contribuable ; qu'il incombe au juge du référé, saisi d'une demande tendant à mettre fin à cette procédure, comme au tribunal administratif statuant en appel, de juger s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure, en vérifiant notamment si, au vu des éléments qui lui sont soumis par les parties, l'existence de telles circonstances est suffisamment caractérisée par l'administration fiscale dans le procès-verbal de flagrance fiscale ;

3. Considérant, en premier lieu, que si la société Expatrium International Ltd soutient, d'une part, que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que les facultés offertes par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 instaurant une assistance mutuelle entre Etats-membres en matière de recouvrement des créances fiscales feraient disparaître tout risque de non-recouvrement, il ressort de ses écritures d'appel qu'elle mentionnait elle-même que cette directive avait été transposée par l'article 59 de la loi de finances rectificative pour 2011 du 28 décembre 2011 aux articles L. 283 A et suivants du livre des procédures fiscales ; qu'ainsi, en jugeant que l'article L. 283 A ne faisait pas obstacle à l'application de la procédure de flagrance fiscale, le tribunal a suffisamment motivé la réponse au moyen dont il était saisi sur ce point ; qu'il n'a, par ailleurs, commis aucune erreur de droit en écartant ce moyen, dès lors que la faculté de recourir à l'assistance d'un Etat-membre de l'Union européenne fiscales ne saurait faire obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de flagrance fiscale prévue par les dispositions citées au point 2 ci-dessus ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si la société soutient que le tribunal ne s'est pas prononcé sur les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement d'une créance fiscale, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis qu'elle se bornait sur ce point à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations du paragraphe n° 10 de la documentation administrative de base référencée BOI-CF-COM-20-30 du 12 septembre 2012 ; qu'en jugeant que l'article L. 80 A de ce livre n'était pas applicable à la procédure d'imposition, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

5. Considérant, en troisième lieu, que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas méconnu l'article L. 16-0BA du livre des procédures fiscales en jugeant que la seule circonstance que l'administration connaissait depuis 2009 la situation de la société et de son dirigeant n'était pas susceptible d'avoir une influence sur la régularité de la procédure ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que le tribunal administratif, qui était saisi d'un moyen tiré de ce que l'activité de consultant en mobilité internationale n'était pas exercée par la société mais à titre personnel par son dirigeant, a relevé que le procès-verbal de flagrance fiscale du 19 juin 2013 mentionnait l'existence, dans l'ordinateur du dirigeant, saisi à son domicile en France, de documents retraçant l'ensemble des éléments de la gestion comptable et commerciale de la société Expatrium International Ltd ; qu'il a estimé, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, que la société n'apportait aucun élément de nature à établir que cette activité de consultant n'aurait pas été exercée par elle ; qu'il a pu en déduire que le procès-verbal n'était entaché d'aucune irrégularité sur ce point ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que le moyen tiré d'une atteinte aux principes de libre circulation et de liberté d'établissement n'a pas été soulevé devant le tribunal administratif ; que, par suite, la société requérante ne peut utilement critiquer le bien-fondé du jugement qu'elle attaque sur ce point ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'il n'appartient pas au juge du référé, saisi en application des dispositions citées au point 2 du V de l'article L. 16-0BA du livre des procédures fiscales, de statuer sur le bien-fondé de l'amende infligée en application de l'article 1740 B du code général des impôts ; que, dès lors, en écartant la demande de la société tendant à la décharge de l'amende qui lui aurait été infligée sur le fondement de ces dispositions, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Expatrium International Ltd n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Expatrium International Ltd est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Expatrium International Ltd et au ministre de l'économie et des finances.


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