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Ariane Web: Conseil d'État 382969, lecture du 4 février 2015, ECLI:FR:CESEC:2015:382969.20150204

Décision n° 382969
4 février 2015
Conseil d'État

N° 382969
ECLI:FR:CESEC:2015:382969.20150204
Publié au recueil Lebon
Section du Contentieux
M. Jean-Marie Deligne, rapporteur
Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public
SCP DELVOLVE, avocats


Lecture du mercredi 4 février 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




VU LA PROCEDURE SUIVANTE :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...E..., Mme I...K..., Mme G...E..., M. A... C...et M. J... F...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'élection de M. H... B...à l'issue des élections qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de La Crèche (Deux-Sèvres).

Par un jugement n° 14001130 du 19 juin 2014, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur protestation.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 juillet et 19 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... E...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 14001130 du 19 juin 2014 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'élection de M. H... B...en qualité de conseiller municipal ;
3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, avocat de M. B... ;



1. Considérant qu'en vertu de l'article L. 231 du code électoral, ne peuvent être élus conseillers municipaux, d'une part, les agents salariés des communes qui les emploie, d'autre part, dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois, en vertu des 1° à 7° et 9° de cet article, certains magistrats et fonctionnaires de l'Etat, les entrepreneurs de services municipaux et, aux termes du 8° de cet article, dans sa rédaction issue de l'article 22 de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral : " Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de directeur de cabinet, directeur adjoint de cabinet ou chef de cabinet en ayant reçu délégation de signature du président, du président de l'assemblée ou du président du conseil exécutif (...) " ;

2. Considérant que les dispositions du 8e de l'article L. 231 du code électoral citées au point 1 doivent s'entendre, eu égard à leur objet, comme visant non le conseil régional ou le conseil départemental mais les collectivités dont ils sont les organes délibérants ; qu'entrent ainsi dans le champ de ces dispositions, qui sont d'interprétation stricte, d'une part, les établissements publics dépendant exclusivement d'une région ou d'un département, ainsi que des autres collectivités territoriales et établissements mentionnés par ces dispositions, d'autre part, ceux qui sont communs à plusieurs de ces collectivités ; que doivent être seulement regardés comme dépendant de ces collectivités ou établissements ou comme communs à plusieurs collectivités, pour l'application de ces dispositions, les établissements publics créés par ces seuls collectivités ou établissements ou à leur demande ; qu'en revanche, il ne ressort pas de ces dispositions que l'inéligibilité qu'elles prévoient s'étende aux personnes exerçant les fonctions qu'elles mentionnent dans d'autres établissements publics que ceux qui dépendent d'une ou plusieurs des collectivités et établissements qu'elles citent ou sont communs à plusieurs de ces collectivités ;

3. Considérant que les agents de l'Etat, dont les dispositions du premier alinéa et des 1° à 7° et 9° de l'article L. 231 du code électoral fixent les conditions d'inéligibilité aux conseils municipaux, ne sont pas inéligibles en application des dispositions du 8e de cet article lorsqu'ils ont été nommés par l'acte d'un représentant de l'Etat aux fonctions qu'elles mentionnent dans un établissement public dépendant des collectivités territoriales ou établissements qu'elles citent ;

4. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la protestation de M. E... et autres tendant à l'annulation de l'élection de M. H... B...à l'issue des élections qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de la désignation des conseillers municipaux de la commune de La Crèche (Deux-Sèvres) ; que M. E... relève appel de ce jugement ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les centres de gestion de la fonction publique territoriale sont des établissements publics locaux à caractère administratif dirigés par un conseil d'administration comprenant de quinze à trente membres. (...) Le conseil d'administration est composé de représentants élus des collectivités territoriales et des établissements publics affiliés, titulaires d'un mandat local " ; qu'aux termes de l'article 14 : " Les centres de gestion regroupent les collectivités et établissements qui leur sont affiliés à titre obligatoire ou volontaire en application de l'article 15. Ils assurent, pour les fonctionnaires de catégories A, B et C, les missions définies à l'article 23. " ; qu'aux termes de l'article 15 : " Sont obligatoirement affiliés aux centres de gestion les communes et leurs établissements publics qui emploient moins de trois cent cinquante fonctionnaires titulaires et stagiaires à temps complet. (...) L'affiliation est facultative pour les autres collectivités et établissements. (...) Les départements et les régions peuvent également s'affilier aux centres de gestion pour les seuls agents relevant des cadres d'emplois constitués pour l'application de l'article 109 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales en vue de l'accueil des personnels ouvriers et de service exerçant leurs missions dans les collèges ou les lycées. (...) " ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que les centres de gestion comprennent à titre obligatoire les communes et leurs établissements publics qui emploient moins de trois cent cinquante fonctionnaires et, d'autre part, que l'adhésion des départements à ces centres n'est que facultative ; que, dès lors, les centres de gestion ne peuvent être regardés comme des établissements publics du département au sens et pour l'application des dispositions du 8° de l'article L. 231 du code électoral ; qu'en outre, il ne ressort pas des dispositions précitées que les centres sont créés par le département ou à sa demande; que, par suite, le directeur du centre de gestion des Deux-Sèvres n'est pas, contrairement à ce que soutient le requérant, inéligible en application de ces dispositions ;

7. Considérant, en second lieu, que si M. E... soutient que M. B... serait inéligible en tant qu'entrepreneur de services municipaux, en application des dispositions du 6° de l'article L. 231 du code électoral, le centre de gestion des Deux-Sèvres, que M. B... dirigeait à la date de l'élection, ne peut être regardé comme une entreprise de services municipaux ; que, par suite, ce grief doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de l'élection de M. B... en qualité de conseiller municipal à la suite des opérations électorales du 30 mars 2014 dans la commune de La Crèche ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce même titre par M. B... ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., à M. H... B...et au ministre de l'intérieur.



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