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Ariane Web: Conseil d'État 384869, lecture du 18 novembre 2015, ECLI:FR:CECHR:2015:384869.20151118

Décision n° 384869
18 novembre 2015
Conseil d'État

N° 384869
ECLI:FR:CESSR:2015:384869.20151118
Inédit au recueil Lebon
10ème / 9ème SSR
M. Vincent Villette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP SPINOSI, SUREAU, avocats


Lecture du mercredi 18 novembre 2015
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A...C...et Mme B...D...ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 9 novembre 2010 et 21 février 2011 par lesquelles l'inspecteur d'académie de la Lozère avait rejeté leur demande d'opposition à l'inscription de données relatives à leur enfant dans les traitements automatisés de données personnelles dénommés " base élèves premier degré " (BE1D) et " base nationale des identifiants élèves " (BNIE). Par un jugement n° 1101688 du 11 octobre 2012, le tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 12LY24711 du 22 avril 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. C...et Mme D...contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 29 septembre 2014, 29 décembre 2014 et 30 septembre 2015, M. C... et Mme D...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt et, réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle relative à la portée de l'exigence, prévue à l'article 8 de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995, de détermination des conditions dans lesquelles un numéro national d'identification ou un identifiant de portée générale peut faire l'objet d'un traitement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la directive 95/46/CE du parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- le décret n° 2005-1309 du 20 octobre 2005 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. C...et de Mme D...;



1. Considérant que, par une décision du 9 novembre 2010, confirmée le 21 février 2011, l'inspecteur d'académie de la Lozère a rejeté la demande d'opposition, présentée par M.C..., à l'inscription de données relatives à son enfant dans les traitements automatisés de données personnelles dénommés " base élèves 1er degré (BE1D) " et " base nationale des identifiants élèves (BNIE) " ; que M. C...et Mme D...se pourvoient contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, a confirmé le rejet, par le tribunal administratif de Nîmes de leur demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers, et aux libertés : " Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement " ; que l'article 94 du décret du 20 octobre 2005, pris pour l'application de cette loi, dispose : " Le responsable du traitement répond à la demande présentée par l'intéressé dans le délai de deux mois suivant sa réception (...) Sauf lorsque la demande est manifestement abusive, les décisions du responsable du traitement de ne pas donner une suite favorable à la demande qui lui est présentée sont motivées et mentionnent les voies et délais de recours ouverts pour les contester. " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, pour écarter le moyen tiré d'une insuffisance de motivation des décisions contestées de l'inspecteur d'académie, la cour administrative d'appel de Lyon a estimé, par une appréciation souveraine, que ces décisions répondaient précisément aux demandes des requérants en se fondant notamment sur des considérations de droit ; qu'en statuant ainsi, elle n'a pas commis une erreur de droit ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que la cour a relevé que les motifs invoqués par les intéressés pour faire valoir leur droit d'opposition prévu à l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 n'avaient aucune incidence sur la situation personnelle de leur fille ; qu'elle en a déduit que ces motifs n'étaient pas légitimes au sens de cet article ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, dès lors que le droit pour une personne de s'opposer à ce que les données la concernant fassent l'objet d'un traitement doit reposer sur des raisons prépondérantes et légitimes tenant à sa situation particulière ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en raison de son champ sectoriel, la " base nationale des identifiants élèves " ne peut être regardée comme un identifiant de portée générale au sens de l'article 8 de la directive du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données ; que, dans ces conditions et en tout état de cause, il n'y a pas lieu, pour le Conseil d'Etat, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle portant sur l'exigence de détermination des conditions dans lesquelles un tel identifiant peut faire l'objet d'un traitement ;

6. Considérant, en dernier lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

7. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que la méconnaissance de ces stipulations par les traitements litigieux constituerait un motif légitime, la cour a recherché si les requérants démontraient la réalité d'un risque de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée ou à l'intérêt supérieur de l'enfant qu'elles garantissent ; qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. C...et de Mme D...est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...C..., à Mme B...D...et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


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