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Ariane Web: Conseil d'État 399893, lecture du 18 janvier 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:399893.20170118

Décision n° 399893
18 janvier 2017
Conseil d'État

N° 399893
ECLI:FR:CECHR:2017:399893.20170118
Publié au recueil Lebon
6ème - 1ère chambres réunies
M. Didier Ribes, rapporteur


Lecture du mercredi 18 janvier 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE




Vu l'arrêt n° 15NT02248 du 18 mai 2016, enregistré le 19 mai 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, avant de statuer sur la requête de M. B...C...et de Mme C...E..., reprise à son compte par leur avocat, Me A...D..., tendant à l'annulation de l'article 3 du jugement du 23 juillet 2015 par lequel le tribunal administratif de Nantes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions prises par la commission de recours contre les refus de visas d'entrée en France puis par le ministre de l'intérieur, de refus d'un visa de long séjour à Mme C...E...et la demande d'exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal suspendant l'exécution de la première de ces décisions, a décidé que l'État verserait à Me D... une somme de 750 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la part correspondante à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'État, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) Lorsque l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle relève appel du jugement du tribunal administratif en ce qu'il statue sur la demande présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, cet appel doit-il être présenté, à peine d'irrecevabilité en vertu de l'article R. 811-7 du code de justice administrative, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 de ce même code ou peut-il être dispensé de ministère d'avocat eu égard aux particularités du litige ainsi soumis au juge d'appel '

2°) Pour l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, pour déterminer la somme susceptible d'être accordée à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, y a-t-il lieu de se référer à la part contributive de l'État résultant de l'application du barème fixé par l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 ou à la rétribution effectivement accordée à l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle après application, le cas échéant, des réductions prévues par les textes applicables, notamment par les articles 38 de la loi du 10 juillet 1991 et 109 du décret du 19 décembre 1991 '

3°) En cas de non-lieu prononcé par le tribunal administratif,

a) le tribunal doit-il, pour l'application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combiner ces dispositions avec celles de l'article 111 du décret du 19 décembre 1991, notamment son dernier alinéa '

b) En cas de réponse positive à la précédente question, comment ces dispositions se combinent-elles '

En particulier quel est l'office du président du tribunal administratif ou de son délégué, chargé, en application de l'article 112 du décret du 19 décembre 1991, de prendre la décision administrative mentionnée à l'article 111 du même décret '


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public.

REND L'AVIS SUIVANT :

1. Aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Les auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif peuvent renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État et poursuivre contre la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle le recouvrement des émoluments auxquels ils peuvent prétendre. / Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'État, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. / Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'État. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'État. / (...) ".

2. L'article R. 811-7 du code de justice administrative dispose que : " Les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. / Lorsque la notification de la décision soumise à la cour administrative d'appel ne comporte pas la mention prévue au troisième alinéa de l'article R. 751-5, le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête dans les conditions fixées à l'article R. 612-1. / Toutefois, sont dispensés de ministère d'avocat : / 1° Les requêtes dirigées contre les décisions des tribunaux administratifs statuant sur les recours pour excès de pouvoir formés par les fonctionnaires ou agents de l'État et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que par les agents ou employés de la Banque de France contre les actes relatifs à leur situation personnelle ; / 2° Les litiges en matière de contraventions de grande voirie mentionnés à l'article L. 774-8. / Les demandes d'exécution d'un arrêt de la cour administrative d'appel ou d'un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la cour et frappé d'appel devant celle-ci sont également dispensées de ministère d'avocat ". L'article R. 431-2 du même code précise : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d'une somme d'argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d'un litige né d'un contrat. / La signature des requêtes et mémoires par l'un de ces mandataires vaut constitution et élection de domicile chez lui ".

3. Il résulte des dispositions des articles R. 811-7 et R. 431-2 du code de justice administrative qu'un requérant exerçant la profession d'avocat ne peut, en principe, assurer sa propre représentation dans une instance à laquelle il est personnellement partie. Toutefois, eu égard à l'objet du litige, relatif à l'application des dispositions régissant l'aide juridictionnelle et né à l'occasion d'une instance dans laquelle un client de l'avocat était partie, les dispositions de l'article R. 811-7 du code de justice administrative ne font pas obstacle à ce que l'avocat d'un bénéficiaire de l'aide juridictionnelle assure sa propre représentation dans le cadre de la contestation d'une décision juridictionnelle en tant qu'elle statue sur la demande qu'il avait présentée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il en va également ainsi lorsque l'avocat entend contester la décision prise, en application de l'article 104 du décret du 19 décembre 1991, par le président de la juridiction sur le montant de la contribution de l'État à la rétribution de la mission d'aide juridictionnelle assurée par l'avocat.

4. L'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution. / L'État affecte annuellement à chaque barreau une dotation représentant sa part contributive aux missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau. / Le montant de cette dotation résulte, d'une part, du nombre de missions d'aide juridictionnelle accomplies par les avocats du barreau et, d'autre part, du produit d'un coefficient par type de procédure et d'une unité de valeur de référence. / (...) ". En vertu de l'article 38 de la même loi, " la contribution versée par l'État est réduite, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, lorsqu'un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation est chargé d'une série d'affaires présentant à juger des questions semblables ". L'article 70 de la même loi précise que : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de la présente loi, et notamment : / (...) / 8° Les modalités suivant lesquelles est réduite la part contributive de l'État en cas de pluralité de parties au cas prévu par l'article 38 ; / (...) ". L'article 104 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispose que : " Les sommes revenant aux avocats et aux avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation sont réglées sur justification de la désignation au titre de l'aide juridictionnelle et production d'une attestation de mission délivrée par le greffier en chef ou le secrétaire de la juridiction saisie. / Cette attestation mentionne la nature de la procédure, les diligences effectuées et, selon le cas : / - le montant de la contribution de l'État à la rétribution de l'avocat après, le cas échéant, application de la réduction prévue à l'article 109 ou imputation de la somme perçue par lui au titre de l'aide juridictionnelle pour des pourparlers transactionnels ayant échoué ou une procédure participative n'ayant pas abouti à un accord total ; (...) / L'attestation est délivrée ou remise à l'auxiliaire de justice au moment où le juge rend sa décision ou, au plus tard, en même temps que lui en est adressée une expédition, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article 108 et de l'article 108-1. / Les difficultés auxquelles donne lieu l'application du présent article sont tranchées sans forme par le président de la juridiction ". L'article 109 du même décret précise que : " La part contributive versée par l'État à l'avocat choisi ou désigné pour assister plusieurs personnes dans une procédure reposant sur les mêmes faits en matière pénale ou dans un litige reposant sur les mêmes faits et comportant des prétentions ayant un objet similaire dans les autres matières est réduite de 30 % pour la deuxième affaire, de 40 % pour la troisième, de 50 % pour la quatrième et de 60 % pour la cinquième et s'il y a lieu pour les affaires supplémentaires ".

5. Le montant de la part contributive de l'État à la rétribution d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle, en deçà duquel ne saurait être fixée par le juge administratif la somme mise à la charge de l'autre partie non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, résulte de l'application du barème fixé par l'article 90 du décret du 19 décembre 1991 et, le cas échéant, des réductions prévues par les textes applicables, notamment par les articles 38 de la loi du 10 juillet 1991 et 109 du décret du 19 décembre 1991.

6. L'article 111 du décret du 19 décembre 1991 dispose que : " En cas d'extinction de l'instance pour une autre cause qu'un jugement ou une transaction, le juge peut, sur demande de l'avocat, allouer à celui-ci une rétribution dont il fixe le montant en fonction des diligences accomplies au cours de l'instance et, le cas échéant, des pourparlers transactionnels ayant échoué ou d'une procédure participative n'ayant pas abouti à un accord total, sans qu'il y ait lieu à l'imputation prévue au premier alinéa de l'article 118-8. / Il en est de même, à la demande de l'avocat, en cas de radiation ou de retrait du rôle ou, devant les juridictions administratives, en cas de non-lieu ou de désistement. / Dans tous les cas, le montant de cette rétribution ne peut excéder la moitié de celle fixée par le barème applicable en aide totale sans autre imputation à ce titre ". L'article 112 du même décret précise que " les décisions mentionnées aux articles 110 et 111 sont prises par le président de la juridiction saisie ou son délégué. Toutefois, dans le cas où l'affaire est ou a été portée devant une juridiction du premier degré de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, elles sont prises respectivement par le président du tribunal de grande instance ou le président du tribunal administratif ou leur délégué ".

7. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : / 1° Donner acte des désistements ; / 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ; / 3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ; / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1 ou la charge des dépens ; / (...) ".

8. En cas de non-lieu, qu'il soit prononcé par une ordonnance en application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ou par un jugement du tribunal administratif, la part contributive de l'État à la rétribution de l'avocat intervenant au titre de l'aide juridictionnelle est calculée conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 111 du décret du 19 décembre 1991. La somme mise le cas échéant à la charge de l'autre partie non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peut être inférieure au montant de la part contributive de l'État ainsi calculé.

Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Nantes, à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.





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