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Ariane Web: Conseil d'État 401548, lecture du 10 mai 2017, ECLI:FR:Code Inconnu:2017:401548.20170510

Décision n° 401548
10 mai 2017
Conseil d'État

N° 401548
ECLI:FR:CECHR:2017:401548.20170510
Inédit au recueil Lebon
1ère - 6ème chambres réunies
Mme Sabine Monchambert, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats


Lecture du mercredi 10 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

1° Sous le n° 401548, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 15 juillet 2016 et 8 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération des fabricants de cigares et la société Coprova demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 mai 2016 relatif aux modalités d'inscription des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac, des produits du vapotage, des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et du papier à rouler les cigarettes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


2° Sous le n° 401608, par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 19 juillet 2016 et 8 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la fédération des fabricants de cigares demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 mai 2016 relatif aux modalités d'inscription des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac, des produits du vapotage, des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et du papier à rouler les cigarettes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 ;
- la directive déléguée 2014/109/UE de la Commission du 10 octobre 2014 ;
- la décision d'exécution (UE) 2015/1842 de la Commission du 9 octobre 2015 ;
- le code de la santé publique ;
- l'ordonnance n° 2016-623 du 19 mai 2016 :
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sabine Monchambert, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la fédération des fabricants de cigares et de la société Coprova.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 avril 2017, présentée par le ministre des affaires sociales et de la santé.



Considérant ce qui suit :

1. Sur le fondement des articles L. 3512-22, L. 3513-16 et L. 3514-4 du code de la santé publique issus de l'ordonnance du 19 mai 2016 portant transposition de la directive 2014/40/UE sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac et des produits connexes, le ministre des affaires sociales et de la santé a, par un arrêté du même jour, fixé les modalités d'inscription des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac, des produits du vapotage, des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et du papier à rouler les cigarettes. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la fédération des fabricants de cigares et la société Coprova doivent être regardées comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de cet arrêté relatives aux produits du tabac à fumer en tant qu'elles s'appliquent aux cigares et cigarillos.

Sur l'intervention, au soutien de la requête n° 401608, des sociétés J. Cortès France, Scandinavian Tobacco Group France et Villiger France :

2. Les sociétés J. Cortès France, Scandinavian Tobacco Group France et Villiger France justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation de l'arrêté attaqué. Ainsi, leur intervention au soutien de la requête de la fédération des fabricants de cigares est recevable.

Sur le cadre juridique du litige :

3. La directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 a, aux termes de son article 1er, " pour objectif le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant : (...) b) certains aspects de l'étiquetage et du conditionnement des produits du tabac, notamment les avertissements sanitaires devant figurer sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur, ainsi que les dispositifs de traçabilité et de sécurité qui s'appliquent aux produits du tabac afin de garantir le respect de la présente directive par ceux-ci (...) ". A cet effet, ses articles 8, 9, 10 et 11 définissent les obligations relatives aux avertissements sanitaires à apposer sur les produits du tabac à fumer, dont elle régit le contenu et la forme. L'article 8 de la directive énonce les dispositions générales applicables en la matière et prescrit aux Etats membres de veiller à ce que les avertissements sanitaires présents sur une unité de conditionnement ou tout emballage extérieur soient imprimés de façon inamovible, indélébile et pleinement visible. L'article 9 définit le contenu de l'avertissement général, qui peut être, au choix des Etats membres, soit " Fumer tue - Arrêtez maintenant ", soit " Fumer tue ", et du message d'information, selon lequel " La fumée du tabac contient plus de 70 substances cancérigènes ", à apposer sur les produits à fumer, ainsi que leur taille et leurs modalités d'étiquetage et d'impression. L'article 10 définit, quant à lui, le contenu, la taille et les modalités d'apposition des avertissements sanitaires combinés, comprenant un message d'avertissement, une photographie et des informations relatives au sevrage tabagique. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 11, qui concerne notamment les cigares et cigarillos : " Les Etats membres peuvent exempter les produits du tabac à fumer autres que les cigarettes, le tabac à rouler et le tabac à pipe à eau des obligations d'affichage du message d'information visé à l'article 9, paragraphe 2, et des avertissements sanitaires combinés visés à l'article 10 ". Dans l'hypothèse où les Etats membres font usage de cette faculté, ils doivent alors appliquer un régime d'étiquetage spécifique défini pour ces produits par l'article 11, qui limite le nombre et la taille des messages à apposer sur les unités de conditionnement en prenant en compte certaines des caractéristiques propres au conditionnement de ces produits.

4. Par l'ordonnance du 19 mai 2016, le Gouvernement a fait le choix de ne pas user de la faculté ouverte par l'article 11 de la directive mais d'appliquer à l'ensemble des produits du tabac à fumer le régime du triple étiquetage défini par les articles 9 et 10 de la directive. A cette fin, le 1° du I de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de cette ordonnance, prévoit que les unités de conditionnement et les emballages extérieurs des produits du tabac à fumer portent, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé, un avertissement sanitaire apposé deux fois, comportant notamment les informations relatives au sevrage tabagique, combiné avec une photographie, ainsi qu'un avertissement général et un message d'information, ces dispositions étant pénalement sanctionnées, de 100 000 euros d'amende, par les dispositions du 10° du I de l'article L. 3515-3 également inséré dans le code de la santé publique par l'ordonnance. Les dispositions critiquées de l'arrêté du 19 mai 2016, relatives aux unités de conditionnement des produits du tabac à fumer, fixent, pour l'application du I de l'article L. 3512-22, d'une part, les modalités d'apposition de l'avertissement général et du message d'information au regard des exigences de l'article 9 de la directive et, d'autre part, les modalités d'apposition des avertissements sanitaires combinés, en reprenant les exigences de l'article 10 de la directive, telles que complétées par la directive déléguée 2014/109/UE de la Commission du 10 octobre 2014 modifiant l'annexe II de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil en vue d'y inclure la bibliothèque de mises en garde assorties d'images à appliquer sur les produits du tabac, ainsi que par la décision d'exécution (UE) 2015/1842 de la Commission du 9 octobre 2015 relative aux spécifications techniques concernant la disposition, la présentation et la forme des avertissements sanitaires combinés concernant les produits du tabac à fumer.

Sur les moyens tirés, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'ordonnance du 19 mai 2016 :

5. En premier lieu, il résulte clairement de l'article 11 de la directive du 3 avril 2014 qu'il ne soumet à aucun critère le recours à la dérogation qu'il définit et n'introduit aucune limite à la possibilité d'appliquer les obligations déterminées par les articles 9 et 10 aux produits qu'il mentionne. Il en résulte qu'il était loisible au Gouvernement de choisir de soumettre l'étiquetage des cigares et cigarillos à l'obligation de comporter les trois mêmes catégories d'avertissements sanitaires que les cigarettes et le tabac à rouler. Compte tenu de l'objectif de santé publique qu'il a poursuivi, il ne résulte ni de la circonstance que d'autres Etats membres aient opté pour des solutions différentes, ni de celle que la consommation de cigares concernerait des clientèles différentes, moins touchées par l'addiction ou ne relevant pas, selon les requérantes, du public prioritairement visé par la directive, que le Gouvernement aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté ouverte par la directive de prévoir un régime différencié d'avertissements sanitaires.

6. En deuxième lieu, il est loisible au législateur ou, en cas d'application de l'article 38 de la Constitution, au Gouvernement intervenant par voie d'ordonnance dans les limites de l'habilitation dont il dispose, d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

7. Si les dispositions contestées imposent des sujétions nouvelles aux entreprises du secteur, qui devront adapter leurs parcs de machines à étiqueter et tenir compte de la grande variété des conditionnements de cigares et cigarillos, l'ordonnance critiquée a entendu renforcer la prise de conscience des consommateurs quant à la nocivité des produits du tabac, y compris autres que les cigarettes. Eu égard à l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé ainsi poursuivi, qui ne se réduit pas aux seules actions de prévention en faveur des jeunes fumeurs, et compte tenu de la portée des contraintes qu'elles imposent et dont l'entrée en vigueur a d'ailleurs été différée pour les fabricants de cigares, les dispositions du I de l'article L. 3512-22 ne sauraient être regardées comme portant à la liberté d'entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel :

8. D'une part, aux termes du 1 de l'article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière (...) ".

9. D'autre part, aux termes de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général (...) ".

10. Les contraintes résultant de l'arrêté attaqué en matière d'apposition d'avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des cigares et cigarillos visent, en réduisant l'attractivité de l'ensemble des produits du tabac et en modifiant la perception qu'en ont les consommateurs par une information appropriée sur les risques encourus, à en réduire la consommation et poursuivent ainsi un objectif légitime de protection de la santé, eu égard à la nocivité de la consommation de tabac et de l'exposition à la fumée du tabac. Si les requérantes font valoir l'accroissement sensible de la taille des avertissements sanitaires, au détriment des autres éléments, telles les marques, pouvant être apposés sur les conditionnements, les dispositions attaquées, qui ne privent les opérateurs d'aucun droit de propriété, ne peuvent être regardées, au regard de ce but, comme faisant supporter aux fabricants et importateurs de cigares et cigarillos requérantes une charge disproportionnée, contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel, ou comme portant une atteinte disproportionnée à leur liberté d'expression.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique :

11. Aux termes du I de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 mai 2016 : " Les unités de conditionnement et les emballages extérieurs portent, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre chargé de la santé : / 1° Pour les produits du tabac à fumer : (...) b) un avertissement général ; / c) Un message d'information. Ce message est apposé deux fois lorsque ces produits sont conditionnés dans des boîtes pliantes à couvercle basculant (...) ". Il résulte de l'article 2 de la décision n° 401536 rendue ce jour par le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, que l'article 1er de l'ordonnance est annulé en tant que le c) du 1° du I de l'article L. 3512-22 qu'il insère dans le code de la santé publique comporte la phrase " Ce message est apposé deux fois lorsque ces produits sont conditionnés dans des boîtes pliantes à couvercle basculant ".

12. Le I de l'article 8 de l'arrêté attaqué du 19 mai 2016, qui a pour objet de définir les modalités d'apposition de l'avertissement général et du message d'information sur les unités de conditionnement se présentant " sous la forme d'une boîte pliante à couvercle basculant, et dont la surface latérale se sépare en deux lors de l'ouverture ", prévoit, d'une part, que l'avertissement général et le message d'information sont apposés dans leur intégralité sur les plus grandes parties de ces deux surfaces séparées et, d'autre part, que l'avertissement général est apposé une seconde fois, sur " la partie intérieure de la surface supérieure, visible lorsque l'unité de conditionnement est ouverte ". Ces dispositions, en tant qu'elles prévoient que l'avertissement général doit être apposé une seconde fois sur le type de conditionnement qu'elles régissent, sont contraires aux dispositions de l'article L. 3512-22 inséré dans le code de la santé publique par l'article 1er de l'ordonnance du 16 mai 2016, sans que le ministre des affaires sociales et de la santé puisse utilement se prévaloir de ce que l'arrêté est conforme aux dispositions de cet article dans leur rédaction issue de l'article 7 de l'ordonnance du 22 décembre 2016, postérieure à l'arrêté attaqué. Par suite, les requérantes sont fondées à demander l'annulation, en tant qu'elles s'appliquent aux cigares et cigarillos, des dispositions du deuxième alinéa du I de l'article 8 de l'arrêté attaqué, qui sont divisibles des autres dispositions de l'arrêté.

Sur l'incompétence de l'arrêté attaqué, s'agissant des dimensions des unités de conditionnement :

13. L'arrêté attaqué a été pris, dans celles de ses dispositions critiquées par les requérantes, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique, qui renvoie à un arrêté du ministre chargé de la santé la fixation des conditions dans lesquelles les unités de conditionnement et les emballages extérieurs des produits du tabac portent les avertissements sanitaires qu'il détermine.

14. Le I de l'article 8 de l'arrêté du 19 mai 2016, après avoir défini, dans ses deux premiers alinéas, les modalités d'apposition de l'avertissement général et du message d'information spécifiques aux unités de conditionnement se présentant " sous la forme d'une boîte pliante à couvercle basculant, et dont la surface latérale se sépare en deux lors de l'ouverture ", prévoit que : " Les surfaces latérales de ce type d'unité de conditionnement sont d'une hauteur supérieure ou égale à 16 millimètres ".

15. Si les dispositions des articles R. 3512-22 et R. 3512-24 du code de la santé publique renvoient à un arrêté le soin de préciser les caractéristiques des unités de conditionnement parallélépipédiques de cigarettes et de tabac à rouler, elles ne régissent pas les caractéristiques des unités de conditionnement des autres produits du tabac à fumer. Par suite, le ministre des affaires sociales et de la santé ne tirait compétence, ni de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique, ni des articles R. 3512-22 et R. 3512-24 du même code, pour fixer la hauteur minimale des surfaces latérales des unités de conditionnement autres que de cigarettes ou de tabac à rouler qui se présentent sous forme de " boîtes pliantes à couvercle basculant, et dont la surface latérale se sépare en deux lors de l'ouverture ". Dès lors, les dispositions du troisième alinéa du I de l'article 8 de l'arrêté attaqué sont entachées d'incompétence en tant qu'elles régissent les produits autres que les cigarettes et le tabac à rouler. En conséquence, il y a lieu d'annuler, en tant qu'elles s'appliquent aux cigares et cigarillos, les dispositions de cet alinéa, qui sont divisibles des autres dispositions de l'arrêté attaqué.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance de l'objectif de clarté, d'intelligibilité et de prévisibilité de la norme et du principe de légalité des délits et des peines :

16. En premier lieu, l'article 6 de l'arrêté attaqué prévoit que chaque unité de conditionnement ainsi que tout emballage extérieur des produits du tabac à fumer porte un avertissement sanitaire combiné qui, d'une part, recouvre " 65 % de la surface extérieure avant et arrière de l'unité de conditionnement et de tout emballage extérieur. Les unités de conditionnement cylindriques affichent deux avertissements sanitaires combinés, équidistants l'un de l'autre, chacun couvrant 65 % de la moitié de sa surface bombée respective " et, d'autre part, " apparaît contre le bord supérieur d'une unité de conditionnement et de tout emballage extérieur, et est orienté de la même façon que les autres informations figurant éventuellement sur cette surface de conditionnement ".

17. Tout d'abord, ces dispositions, qui constituent l'exacte transposition du c) et du e) du paragraphe 1 de l'article 10 de la directive qui a vocation à régir l'ensemble des produits du tabac à fumer, doivent s'interpréter à la lumière de son objet qui, selon son article 1er, est le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres concernant notamment les avertissements sanitaires devant figurer sur les unités de conditionnement et sur tout emballage extérieur, en vue, en particulier, " de respecter les obligations de l'Union découlant de la convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) " de mai 2003, à laquelle sont parties l'Union européenne et ses Etats membres. Ainsi que le rappelle le considérant 24 de la directive, l'article 11 de cette convention prévoit que chaque partie prend des mesures efficaces pour faire en sorte que toutes les formes de conditionnement des produits du tabac portent des mises en garde sanitaires devant couvrir une superficie importante des " faces principales " du conditionnement. Dans ces conditions, la notion de " surface extérieure avant et arrière " doit nécessairement s'entendre, s'agissant de boîtes parallélépipédiques, comme visant, d'une part, la plus visible des deux faces extérieures ayant la surface la plus importante et, d'autre part, la face opposée et qu'elle peut ainsi viser, le cas échéant, le couvercle de la boîte et la base de celle-ci. Il s'en déduit que l'avertissement doit nécessairement être placé de telle sorte que son bord supérieur coïncide avec le bord correspondant de cette surface, c'est-à-dire, dans le cas d'une apposition sur le couvercle de la boîte, l'arête la plus proche de la face qui supporte la charnière d'articulation du couvercle.

18. Ensuite, si les requérantes soutiennent que la surface de 65 % n'est pas compatible avec les autres dispositions législatives et réglementaires imposant l'apposition des timbres fiscaux, l'étiquetage des prix, les marquages destinés à l'identification et à la traçabilité et les dispositifs de sécurité, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des photos de conditionnement produites, que l'apposition des avertissements sanitaires combinés ferait obstacle au respect des autres obligations invoquées.

19. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté attaqué régit de façon complète la taille et le positionnement de l'avertissement sanitaire combiné, devant être apposé deux fois, tant pour les unités de conditionnement parallélépipédiques que pour les unités de conditionnement cylindriques.

20. En deuxième lieu, le II de l'article 7 de l'arrêté attaqué prévoit, par des dispositions applicables à toutes les unités de conditionnement sous la seule réserve des dispositions particulières de l'article 8 pour les boîtes pliantes à couvercle basculant, que l'avertissement général et le message d'information " couvrent 50 % des surfaces sur lesquelles ils sont imprimés et ont une largeur supérieure ou égale à 20 millimètres ", " sont centrés sur la surface qui leur est réservée " et que, " dans le cas d'unités de conditionnement parallélépipédiques et pour tout emballage extérieur, ils sont apposés parallèlement à l'arête latérale de l'unité de conditionnement ou de l'emballage extérieur ".

21. De telles dispositions, imposant que l'avertissement général et le message d'information couvrent dans tous les cas 50 % des surfaces sur lesquelles ils sont imprimés et aient une largeur supérieure ou égale à 20 millimètres, alors au surplus que le paragraphe 3 de l'article 9 de la directive du 3 avril 2014 ne prévoit ces exigences que pour certains conditionnements, sont inapplicables aux conditionnements cylindriques de petite taille, tels que les conditionnements de cigares vendus à l'unité. Par suite, les requérantes sont fondées à soutenir qu'elles méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme ainsi que, eu égard aux sanctions pénales dont leur méconnaissance est assorties, le principe de légalité des délits.

22. En troisième lieu, le premier alinéa du I de l'article 8 de l'arrêté attaqué, qui vise les unités de conditionnement se présentant " sous la forme d'une boîte pliante à couvercle basculant, et dont la surface latérale se sépare en deux lors de l'ouverture ", impose que, dans ce cas, " l'avertissement général et le message d'information apparaissent dans leur intégralité sur les plus grandes parties de ces deux surfaces séparées ".

23. Ces dispositions reprennent celles du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 9 de la directive, qui ont un champ d'application limité aux paquets de cigarettes et au tabac à rouler en paquets parallélépipédiques et visent ainsi une catégorie de boîtes plus restreinte que les " unités de conditionnement comportant un couvercle basculant " mentionnées par l'article 11 de la directive, pour les produits du tabac à fumer autres que les cigarettes, le tabac à rouler et le tabac à pipe à eau. Toutefois, elles ont été prises pour l'application de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique, qui mentionne quant à lui les " boîtes pliantes à couvercle basculant ", quel que soit au demeurant le produit du tabac à fumer qui y est conditionné.

24. Dans ces conditions, et alors au surplus que les dispositions du deuxième alinéa du paragraphe 3 de l'article 9 de la directive ne s'appliquent pas à tous les produits du tabac à fumer, les requérantes sont fondées à soutenir que ces dispositions méconnaissent l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme ainsi que le principe de légalité des délits.

25. En dernier lieu, si les requérantes soutiennent que l'arrêté attaqué ne permet pas de connaître avec précision la façon dont les avertissements sanitaires doivent être positionnés pour chaque type de conditionnement, la marge ainsi laissée aux fabricants et aux importateurs ne méconnaît ni l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, ni le principe de légalité des délits. Au demeurant, il résulte de son article 1er et de son article 24 tel qu'il a été interprété par l'arrêt de la Cour de justice du 4 mai 2016, Philip Morris Brands SARL et a. c/ Secretary of State for Health, C-547/14, que la directive du 3 avril 2014 a entendu harmoniser entièrement les règles applicables aux avertissements sanitaires à faire figurer sur les unités de conditionnement et sur les emballages extérieurs et que, s'il appartenait au législateur ou au Gouvernement intervenant par voie d'ordonnance sur le fondement de l'article 38 de la Constitution de choisir d'appliquer aux cigares et cigarillos le régime général défini par les articles 9 et 10 de la directive ou bien d'opter pour le régime spécifique de son article 11 et s'il était loisible au ministre des affaires sociales et de la santé d'illustrer les obligations résultant des textes par une " infographie " permettant d'en faciliter l'exacte interprétation par l'ensemble des professionnels concernés, le ministre ne pouvait en revanche subordonner la mise sur le marché de ces produits du tabac à des exigences supplémentaires par rapport à celles découlant du régime choisi.

26. Par suite, sauf en ce qui concerne les dispositions du II de l'article 7 et du premier alinéa du I de l'article 8, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions de l'arrêté qu'elles critiquent méconnaissent l'objectif d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme, le principe de légalité des délits, non plus que, pour les mêmes motifs tirés du manque de précision des obligations prévues, la liberté d'entreprendre.

Sur la date d'adoption de l'arrêté attaqué et les mesures transitoires qu'il prévoit :

27. L'arrêté attaqué, dont les dispositions critiquées ont été prises pour l'application de l'article L. 3512-22 du code de la santé publique dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 mai 2016, a été pris le même jour que cette ordonnance et comporte, à son article 17, les mêmes dispositions transitoires que le II de l'article 6 de cette ordonnance. Par suite, les requérantes, qui ne critiquent pas la légalité de l'ordonnance sur ce point, ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté, d'une part, méconnaîtrait, eu égard à la date de son adoption, le principe de sécurité juridique et, d'autre part, méconnaîtrait le principe d'égalité et serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il prévoit un régime transitoire différent pour les cigares et pour les cigarillos.

28. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes sont seulement fondées à demander l'annulation, en tant qu'ils s'appliquent aux cigares et cigarillos, du II de l'article 7 et du I de l'article 8 de l'arrêté qu'elles attaquent, qui sont divisibles des autres dispositions du même arrêté.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat des sommes de 2 000 et 1 000 euros à verser respectivement à la fédération des fabricants de cigares et à la société Coprova au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par les sociétés J. Cortès France, Scandinavian Tobacco Group France et Villiger France, intervenantes, qui n'ont pas la qualité de partie à l'instance.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention des sociétés J. Cortès France, Scandinavian Tobacco Group France et Villiger France est admise.
Article 2 : Le II de l'article 7 et le I de l'article 8 de l'arrêté du 19 mai 2016 relatif aux modalités d'inscription des avertissements sanitaires sur les unités de conditionnement des produits du tabac, des produits du vapotage, des produits à fumer à base de plantes autres que le tabac et du papier à rouler les cigarettes sont annulés en tant qu'ils s'appliquent aux cigares et cigarillos.
Article 3 : L'Etat versera à la fédération des fabricants de cigares et à la société Coprova des sommes respectives de 2 000 et 1 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions des sociétés J. Cortès France, Scandinavian Tobacco Group France et Villiger France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de la fédération des fabricants de cigares et de la société Coprova est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la fédération des fabricants de cigares, à la société Coprova, à la société J. Cortes France, à la société Scandinavian Tobacco Group France, à la société Villiger France et à la ministre des affaires sociales et de la santé.