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Ariane Web: Conseil d'État 406122, lecture du 10 mai 2017, ECLI:FR:CECHR:2017:406122.20170510

Décision n° 406122
10 mai 2017
Conseil d'État

N° 406122
ECLI:FR:CECHR:2017:406122.20170510
Publié au recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Marc Firoud, rapporteur


Lecture du mercredi 10 mai 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE




Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 15VE02962 du 16 décembre 2016, enregistré le 20 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la cour administrative d'appel de Versailles, avant de statuer sur l'appel du préfet de l'Essonne tendant à l'annulation du jugement n° 1505463 du 14 août 2015 par lequel le tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions en date du 11 août 2015 par lesquelles le préfet de l'Essonne a décidé la remise de M. B...A...aux autorités espagnoles et a ordonné son placement en rétention administrative, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) La méconnaissance de l'obligation d'information prévue par l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 peut-elle être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'autorité administrative refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande '

2°) Cette obligation d'information constitue-t-elle pour le demandeur d'asile une garantie au sens de la jurisprudence issue de la décision d'assemblée du Conseil d'Etat en date du 23 décembre 2011, M. C...et autres, n° 335033, p. 64 au recueil Lebon '

3°) Dans l'affirmative, la délivrance des informations prévues à l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 postérieurement au relevé des empreintes digitales du demandeur d'asile prive-t-elle ce dernier de la garantie instituée par ces dispositions ' Y a-t-il lieu de distinguer selon les informations en cause '

Le ministre de l'intérieur a présenté des observations, enregistrées le 24 avril 2017.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 du 30 janvier 2014 ;
- la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2015-1166 du 21 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Firoud, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

REND L'AVIS SUIVANT :

1. Le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système " Eurodac " pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin a créé un système, dénommé " Eurodac ", dont l'objet est de contribuer à déterminer l'Etat membre qui, en vertu de la convention de Dublin, est responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans un Etat membre et de faciliter à d'autres égards l'application de la convention de Dublin. Ce mécanisme repose sur la constitution d'une base de données centrale informatisée, dans laquelle sont enregistrées les données dactyloscopiques des demandeurs d'asile, d'une unité centrale chargée de gérer cette base de données centrale pour le compte des Etats membres et d'une infrastructure de communication entre les Etats membres et la base de données centrale.

2. L'article 4 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, qui figure au chapitre II relatif aux demandeurs d'asile, est intitulé : " Collecte, transmission et comparaison des empreintes digitales ".

Le paragraphe 1 de cet article énonce que : " 1. Chaque Etat membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'asile âgé de 14 ans au moins et transmet rapidement à l'unité centrale les données visées à l'article 5, paragraphe 1, points a) à f). La procédure de relevé des empreintes digitales est déterminée conformément à la pratique nationale de l'Etat membre concerné et dans le respect des dispositions de sauvegarde établies dans la convention européenne des droits de l'homme et dans la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant ".

3. L'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, qui figure au chapitre VI relatif à l'utilisation des données, à la protection des données, à la sécurité et à la responsabilité, porte sur les droits des personnes concernées.

Les dispositions du paragraphe 1 instituent un droit pour toute personne visée par ce règlement à bénéficier d'une information devant être fournie par l'Etat membre dont les services effectuent le relevé de ses empreintes digitales pour assurer leur traitement par le système " Eurodac ". Cette obligation d'information, qui doit être faite dans une langue dont il est raisonnable de penser que la personne intéressée la comprend, porte sur : l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de son représentant ; la raison pour laquelle les données vont être traitées par le système " Eurodac " ; les destinataires des données ; lorsqu'il s'agit notamment d'un demandeur d'asile, l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées ; enfin, l'existence d'un droit d'accès aux données la concernant et d'un droit de rectification de ces données. Le même paragraphe précise que : " Dans le cas de personnes visées à l'article 4 (...), les informations visées au premier alinéa sont fournies au moment où les empreintes digitales sont relevées ".

Les dispositions des paragraphes 2 et 3 prévoient que, dans chaque Etat membre, toute personne concernée peut, conformément aux lois, réglementations et procédures de cet Etat, exercer notamment un droit d'accès, de rectification et d'effacement des données la concernant qui sont enregistrées dans la base de données centrale. Les dispositions du paragraphe 4 prévoient en outre que : " Si les droits de rectification et d'effacement sont exercés dans un autre Etat membre que celui qui a transmis les données, les autorités de cet Etat membre prennent contact avec les autorités de l'Etat membre ou des Etats membres en question afin que celles-ci vérifient l'exactitude des données et la licéité de leur transmission et de leur enregistrement dans la base de données centrale ".

4. Ces dispositions du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ont été reprises à l'identique par le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/213, qui s'est substitué au règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 à compter du 20 juillet 2015.

L'article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, relatif à la collecte, à la transmission et à la comparaison des empreintes digitales, impose aux Etats membres de relever sans tarder et de transmettre dès que possible et au plus tard soixante-douze heures suivant l'introduction de la demande de protection internationale les données concernant les demandeurs d'asile.

L'article 29 relatif aux droits des personnes concernées édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées. Le paragraphe 3 de cet article prévoit, au bénéfice des personnes concernées, la réalisation d'une brochure commune aux Etats membres dont le modèle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dans laquelle figurent au moins les informations visées au paragraphe 1 du même article et celles visées à l'article 4, paragraphe 1, du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les paragraphes 4 et 5 reconnaissent à toute personne concernée un droit d'accès, de rectification et d'effacement des données la concernant qui sont enregistrées dans le système central.

5. A la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 18, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, aujourd'hui reprises à l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection.

6. Il s'en suit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point précédent que la deuxième et la troisième questions posées par la cour administrative d'appel de Versailles sont sans objet.

Le présent avis sera notifié à la cour administrative d'appel de Versailles, au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Il sera publié au Journal officiel de la République française.





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