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Ariane Web: Conseil d'État 408199, lecture du 30 mars 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:408199.20180330

Décision n° 408199
30 mars 2018
Conseil d'État

N° 408199
ECLI:FR:CECHR:2018:408199.20180330
Inédit au recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Cédric Zolezzi, rapporteur
Mme Laurence Marion, rapporteur public
SCP SEVAUX, MATHONNET ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du vendredi 30 mars 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité de 952 527 euros en réparation des conséquences dommageables de la vaccination contre le virus H1N1 dont il a fait l'objet le 5 janvier 2010. Par un jugement n° 1301166 du 11 décembre 2014, le tribunal administratif a condamné l'ONIAM à lui verser une indemnité de 61 900 euros.

Par un arrêt n° 15MA00106 du 19 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille, sur la requête de M.A..., a porté à 76 900 euros le montant de l'indemnisation due par l'ONIAM.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 février et 22 mai 2017 et le 24 janvier 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Cédric Zolezzi, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. A...et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., qui avait reçu le 5 janvier 2010, dans le cadre d'une campagne de vaccination contre le virus H1N1 organisée par un arrêté du 4 novembre 2009 du ministre de la santé et des sports pris sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, une injection du vaccin " Pandemrix ", a présenté le 12 janvier suivant une paralysie faciale droite, avec impossibilité de fermer l'oeil droit, qui n'a pas régressé par la suite ; qu'imputant cette paralysie, qui entraînait des troubles importants et l'avait contraint à abandonner son activité d'artisan-plombier, à la vaccination, il a recherché une indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre des dispositions de l'article L. 3131-4 du même code ; que, par un jugement du 11 décembre 2014, le tribunal administratif de Toulon a reconnu l'imputabilité de l'invalidité à la vaccination et mis à la charge de l'ONIAM le versement d'une indemnité de 61 900 euros ; que cette indemnité a été portée à 76 900 euros par un arrêt du 19 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille ; que l'intéressé se pourvoit en cassation contre cet arrêt par des moyens relatifs à la réparation de ses préjudices professionnels ;

2. Considérant que l'arrêt attaqué rejette les conclusions de M. A...tendant à la réparation de ses pertes futures de revenus au motif que, s'il résulte de l'instruction que l'invalidité dont il est atteint rend impossible la poursuite de son activité professionnelle d'artisan-plombier, " une activité de gestion n'excédant pas un quart de temps est possible ", et qu'ainsi l'intéressé ne justifie pas être inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; que l'arrêt met, en revanche, à la charge de l'ONIAM une somme de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de l'invalidité au motif " qu'il résulte de l'instruction que, du fait de la paralysie faciale qui rend impossible la poursuite de la profession qu'il exerçait depuis 1980 et du caractère très limité des activités susceptibles d'être effectuées, M. A...subira d'importantes difficultés pour retrouver un emploi sans subir de déclassement professionnel " ;

3. Considérant qu'après avoir constaté que M.A..., âgé de 53 ans lors de l'apparition de la paralysie faciale, avait été contraint d'abandonner l'activité professionnelle de plombier qu'il exerçait depuis 30 ans et ne pouvait désormais effectuer que des activités de caractère " très limité ", une activité de nature administrative n'étant notamment envisageable que dans la limite d'un quart de temps, la cour administrative d'appel a porté une appréciation entachée de dénaturation en retenant que l'invalidité n'entraînerait à l'avenir aucune perte de revenus professionnels pour l'intéressé et en se bornant à mettre à la charge de l'ONIAM, au titre de l'incidence professionnelle, une somme de 20 000 euros ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le requérant est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il statue sur la réparation de ces deux postes de préjudice ;

4. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros à verser à M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2016 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de M. A...tendant à la réparation par l'ONIAM de pertes de revenus professionnels futurs et d'une incidence professionnelle.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille dans la limite de la cassation prononcée à l'article 1er.
Article 3 : L'ONIAM versera à M. A...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.