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Ariane Web: Conseil d'État 419074, lecture du 18 juillet 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:419074.20180718
Decision n° 419074
Conseil d'État

N° 419074
ECLI:FR:CECHR:2018:419074.20180718
Publié au recueil Lebon
5ème et 6ème chambres réunies
M. Alain Seban, rapporteur


Lecture du mercredi 18 juillet 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE




Vu la procédure suivante :

Par un jugement n° 1602583 du 20 mars 2018, enregistré le 19 mars 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Poitiers, avant de statuer sur la demande de M. B...A...tendant à l'annulation de la décision du 26 octobre 2016 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) au titre de son affectation à la circonscription de police de Rochefort depuis le 1er septembre 2009, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1° En l'absence d'arrêté interministériel opposable pour la période antérieure au 16 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions dans lesquelles l'affectation ouvre droit à l'avantage spécifique d'ancienneté, le ministre, saisi en qualité d'autorité hiérarchique, était-il tenu de rejeter la demande '

2° Dans le cas contraire, le ministre avait-il la possibilité de statuer seul sur une telle demande, sans consulter les autres ministres cités par le décret et compétents pour édicter un arrêté interministériel '

3° Dans ce cas, sur quels critères pouvait-il se prononcer compte tenu de l'absence de caractère rétroactif de l'arrêté interministériel de 2015 '



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, notamment son article 60 ;
- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, notamment son article 11 ;
- la loi n° 95-115 du 4 février 1995 ;
- la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 ;
- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;
- le décret n° 97-848 du 10 septembre 1997 ;
- le décret n° 99-1055 du 15 décembre 1999 ;
- les décrets n°s 2014-1750 et 2014-1751 du 30 décembre 2014 ;
- l'arrêté du ministre des finances et des comptes publics, du ministre de l'intérieur, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports du 3 décembre 2015 fixant la liste des circonscriptions de police prévues au 1° de l'article 1er du décret n° 95-313 du 21 mars 1995 relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'Etat affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles ;
- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
REND L'AVIS SUIVANT


1. L'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994, dispose que : " Les fonctionnaires de l'Etat et les militaires de la gendarmerie affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'Etat dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret. " Selon l'article 1er du décret du 21 mars 1995 pris pour l'application de ces dispositions législatives, les quartiers urbains où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles doivent correspondre " en ce qui concerne les fonctionnaires de police, à des circonscriptions de police ou à des subdivisions de ces circonscriptions désignées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité, du ministre chargé de la ville, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ".

2. La liste des circonscriptions de police ouvrant droit à l'avantage spécifique d'ancienneté a d'abord été fixée, sur le fondement de ces dispositions, par un arrêté du 17 janvier 2001. Le Conseil d'Etat, statuant au contentieux ayant, par voie d'exception, constaté l'illégalité de cet arrêté par sa décision n° 327428 du 16 mars 2011, les ministres compétents ont pris, le 3 décembre 2015, un nouvel arrêté, publié au Journal officiel de la République française le 16 décembre suivant.

3. L'illégalité de l'arrêté du 17 janvier 2001 n'implique pas que l'administration serait tenue de rejeter les demandes des fonctionnaires de police tendant à l'attribution de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015. Saisi d'une telle demande, le ministre de l'intérieur doit y faire droit, sous réserve, s'agissant du versement de rappels de traitement, de l'application des dispositions relatives à la prescription des créances sur l'Etat, si l'agent était affecté à une circonscription de police, ou une subdivision d'une telle circonscription, où se posaient des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée.

4. Si, en vertu des dispositions de l'article 1er du décret du 21 mars 1995, l'inscription d'une circonscription de police sur la liste de celles qui correspondent à des quartiers où se posent des problèmes sociaux ou de sécurité particulièrement difficiles relève des ministres chargés de la sécurité, de la ville, de la fonction publique et du budget, le ministre de l'intérieur, saisi d'une demande d'un fonctionnaire relative à des services antérieurs à l'entrée en vigueur de l'arrêté du 3 décembre 2015, n'excède pas sa compétence en opposant un refus au motif que ces services n'ont pas été accomplis dans une circonscription où se posent de tels problèmes, sans avoir préalablement consulté les autres ministres. Rien ne s'oppose à ce qu'il fonde son appréciation sur les critères et la méthodologie qui ont été mis en oeuvre pour élaborer l'arrêté du 3 décembre 2015.

5. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Poitiers et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.




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