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Ariane Web: Conseil d'État 407352, lecture du 28 septembre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:407352.20180928

Décision n° 407352
28 septembre 2018
Conseil d'État

N° 407352
ECLI:FR:CECHR:2018:407352.20180928
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du vendredi 28 septembre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée (SARL) Marteling d'Eternes a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, ainsi que de l'amende prononcée à son encontre sur le fondement des dispositions de l'article 1759 du code général des impôts. Par un jugement no 1318108 du 12 décembre 2014, le tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 15PA00789 du 24 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 31 janvier et 2 mai 2017 et les 26 mars et 4 juin 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Marteling d'Eternes demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt,

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Marteling d'Eternes.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a notifié à la société Marteling d'Eternes le 19 octobre 2011, à l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009, une proposition de rectification en matière de taxe sur la valeur ajoutée et d'impôt sur les sociétés. La proposition de rectification comprenait également une demande de désignation des bénéficiaires des revenus réputés distribués. Par la réponse aux observations du contribuable du 13 février 2012, l'administration a maintenu les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et les suppléments d'impôt sur les sociétés et a prononcé à l'encontre de la société l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts en raison du défaut de réponse à la demande de désignation des bénéficiaires réels des revenus distribués. Par un avis du 28 septembre 2012, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie par la société, a confirmé les montants des rectifications envisagées. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée et l'amende ont été mis en recouvrement par avis du 8 avril 2013, reçu par la société le 23 avril suivant. Par courrier du 8 avril 2013, reçu par l'administration le lendemain, la société a sollicité la communication des documents obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication, sur le fondement de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. L'administration a estimé que cette demande était tardive comme ayant été formée après la date de la mise en recouvrement mais a finalement transmis les documents demandés le 26 avril 2013. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 24 novembre 2016 de la cour administrative de Paris qui rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 12 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajouté et de l'amende.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Aux termes de l'article L. 256 du même livre : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / (...) / L'avis de mise en recouvrement est individuel. Il est émis et rendu exécutoire par l'autorité administrative désignée par décret (...) / ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 ci-dessus que le droit pour le contribuable de demander la copie des documents que l'administration a obtenus en exerçant son droit de communication auprès de tiers, à l'occasion d'une procédure de contrôle et dont sont issus des éléments qu'elle a effectivement utilisés pour fonder les rectifications d'impôt envisagées, ne peut être mis en oeuvre qu'avant la mise en recouvrement des impositions, laquelle résulte de l'émission par le comptable public compétent d'un titre de perception rendu exécutoire dans les conditions réglementaires. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que la cour a jugé que les impositions en litige avaient été mises en recouvrement le 8 avril 2013, date de l'émission de l'avis, et non le 19 avril 2013, date de sa réception par le contribuable. La cour n'a pas davantage entaché son arrêt d'erreur de droit en jugeant que la demande de communication des documents envoyée à l'administration le jour de l'émission de l'avis avait été à bon droit regardée comme tardive pour n'avoir pas été formée avant la mise en recouvrement des impositions, alors même que le contribuable n'a été informé de la mise en recouvrement que postérieurement à celle-ci.

4. En second lieu, aux termes du 2 de l'article 272 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux périodes d'imposition en litige : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ". Le 4 de l'article 283 de ce code dispose, dans sa rédaction applicable, que : " Lorsque la facture ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée ". Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et se présentait à ses clients comme assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit manifeste qu'il n'aurait pas rempli les obligations l'autorisant à faire figurer cette taxe sur ses factures, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance.

5. La cour n'a pas méconnu les règles d'administration de la preuve en relevant, par des motifs non argués de dénaturation, qu'il résultait de l'instruction, d'une part, que les factures en litige comportaient des anomalies de mise en page et des erreurs, que tous leurs émetteurs ne correspondaient pas à un compte client ouvert auprès de la société Marteling d'Eternes et que des discordances avaient été relevées par le vérificateur, d'autre part, que la société n'avait produit aucun élément permettant de justifier de la réalité des prestations rendues en contrepartie des dépenses comptabilisées, pour en déduire que l'administration fiscale établissait le caractère fictif de ces factures.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Marteling d'Eternes n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Marteling d'Eternes est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL Marteling d'Eternes et au ministre de l'action et des comptes publics.


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