Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 406576, lecture du 22 octobre 2018, ECLI:FR:CECHR:2018:406576.20181022

Décision n° 406576
22 octobre 2018
Conseil d'État

N° 406576
ECLI:FR:CECHR:2018:406576.20181022
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du lundi 22 octobre 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Sud Trading Company a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge des retenues à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1205584 du 6 février 2014, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14MA01551 du 3 novembre 2016, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 3 janvier et 3 avril 2017 et le 20 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sud Trading Company demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Sud Trading Company.



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité, la société Sud Trading Company, qui exerce une activité de conception et de vente de gadgets et objets de fête dont la fabrication est confiée à des prestataires établis en Chine, a été assujettie à des retenues à la source sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 novembre 2016 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 6 février 2014 du tribunal administratif de Montpellier qui avait rejeté sa demande de décharge.

Sur les motifs de l'arrêt relatifs à la régularité de la procédure d'imposition

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

3. Après avoir, d'une part, relevé que la proposition de rectification adressée le 10 novembre 2011 à la société requérante précisait la nature de l'impôt concerné ainsi que les années et la base d'imposition et, d'autre part, estimé, par une motivation suffisante et non entachée de dénaturation, qu'elle exposait de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles les prestations ayant donné lieu à l'application d'une retenue à la source ont été regardées comme utilisées en France pour l'application de l'article 182 B du code général des impôts, la cour a pu en déduire, sans contradiction de motifs et sans méconnaître les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, que cette proposition était suffisamment motivée.

Sur les motifs de l'arrêt relatifs au bien fondé de l'imposition

4. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I- Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ". Il résulte de ces dispositions que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.

5. En premier lieu, il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué que les sommes soumises à la retenue à la source ont été versées à trois sociétés établies à Hong-Kong en rémunération de missions consistant, d'abord, à rechercher et à identifier les sociétés chinoises disposant d'ateliers susceptibles de fabriquer en série les objets conçus et commercialisés par la société requérante, ensuite, à assurer une fonction de suivi et de surveillance des opérations de production et de contrôle qualité sur la chaîne de fabrication et, enfin, à contrôler la conformité de la marchandise et de son conditionnement avant son expédition vers la France. Dès lors que les services ainsi décrits ont été effectivement utilisés par la société requérante pour opérer en France des choix de gestion relatifs, d'une part, à la phase de mise en production des objets qu'elle avait conçus et, d'autre part, à la phase de commercialisation des biens produits en Chine conformément à ses prescriptions, la cour, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit et a donné aux faits de l'espèce leur exacte qualification juridique en jugeant que les sommes en cause devaient être regardées comme rémunérant des prestations utilisées en France, au sens du c du I de l'article 182 B du code général des impôts citées au point 4 ci-dessus.

6. En second lieu, en jugeant que la société Sud Trading Company ne pouvait utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative référencée 5 B-24 77 du 26 juillet 1977, dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas, la cour, qui a statué par des motifs suffisants, n'a entaché son arrêt ni d'une erreur de droit, ni d'une dénaturation ou d'une inexacte qualification des faits de l'espèce.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud Trading Company n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Sud Trading Company est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS Sud Trading Company et au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi