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Ariane Web: Conseil d'État 413264, lecture du 24 avril 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:413264.20190424

Décision n° 413264
24 avril 2019
Conseil d'État

N° 413264
ECLI:FR:CECHS:2019:413264.20190424
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. Charles-Emmanuel Airy, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET, avocats


Lecture du mercredi 24 avril 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 mai 2013 par lequel le maire de la commune de Cran-Gevrier l'a radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 23 avril 2013 et de mettre à la charge de la commune une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1303625 du 22 décembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 16LY00672 du 13 juin 2017, la cour administrative d'appel de Lyon, sur appel de MmeB..., a annulé ce jugement ainsi que l'arrêté du 6 mai 2013.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 6 novembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune nouvelle d'Annecy, venant aux droits de la commune de Cran-Gevrier, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de MmeB... ;

3°) de mettre à la charge de Mme B...la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles-Emmanuel Airy, auditeur,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la commune d'Annecy et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de Mme B...;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 5 et 8 avril 2019, présentées par Mme B...;


Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., assistant qualifié de conservation du patrimoine et des bibliothèques de première classe employée au sein de la bibliothèque de la commune de Cran-Gevrier, a été placée en congé de maladie du 23 janvier 2006 au 1er juin 2009, puis, en conséquence de l'annulation par le tribunal administratif de Grenoble de la décision la plaçant d'office en position de disponibilité à compter du 2 juin 2009, en position de congé de maladie à compter de cette même date par arrêté du maire de Cran-Gevrier du 10 février 2011. Mme B...a fait l'objet, par arrêté du 5 mars 2013, d'un reclassement sur un emploi de documentaliste auprès de la direction générale des services de la commune. Mme B...ne s'est toutefois pas présentée à son nouveau poste et a adressé à la commune le 2 avril 2013 un certificat médical, daté du 29 mars 2013, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 31 mai 2013. La commune, par un courrier reçu le 17 avril 2013, a mis l'intéressée en demeure de reprendre ses fonctions au plus tard le 23 avril 2013 et l'a informée qu'à défaut de reprendre son service, il serait procédé à sa radiation des cadres. N'ayant pas déféré à cette mise en demeure, elle a été radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 23 avril 2013 par un arrêté du maire de la commune de Cran-Gevrier du 6 mai 2013. La commune nouvelle d'Annecy, venant aux droits de la commune de Cran-Gevrier, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 13 juin 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 décembre 2015 rejetant le recours pour excès de pouvoir formé par Mme B... contre cette décision de radiation des cadres et fait droit à cette demande.

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

3. L'agent qui se trouve en position de congé de maladie est regardé comme n'ayant pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, il ne peut en principe faire l'objet d'une mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 2 ci-dessus, son licenciement pour abandon de poste. Il en va toutefois différemment lorsque l'agent, reconnu apte à reprendre ses fonctions par le comité médical départemental, se borne, pour justifier sa non présentation ou l'absence de reprise de son service, à produire un certificat médical prescrivant un nouvel arrêt de travail sans apporter, sur l'état de santé de l'intéressé, d'éléments nouveaux par rapport aux constatations sur la base desquelles a été rendu l'avis du comité médical.

4. La cour administrative d'appel de Lyon, après avoir relevé que Mme B... avait adressé le 2 avril 2013 un certificat médical de prolongation, daté du 29 mars 2013, prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 31 mai 2013, en a déduit que l'intéressée se trouvait en position de congé de maladie à la date à laquelle elle avait été mise en demeure de reprendre son poste, ce qui faisait obstacle à ce que le maire, sauf à faire procéder préalablement à une contre-visite médicale, prononce sa radiation des cadres pour abandon de poste. En statuant ainsi, sans rechercher si le certificat d'arrêt de travail apportait des éléments nouveaux sur l'état de santé de Mme B...par rapport à ceux dont avait disposé le comité médical départemental, qui s'était prononcé en faveur de son aptitude à reprendre son service par un avis du 20 octobre 2010, confirmé le 18 décembre 2012, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt droit être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond.

6. En premier lieu, en vertu des articles 23-1 et 41 de la loi du 26 janvier 1984, lorsqu'un emploi permanent est créé ou devient vacant, l'autorité territoriale en informe le centre de gestion compétent qui assure la publicité de cette création ou de cette vacance, à peine d'illégalité des nominations. Il ressort des pièces du dossier que l'emploi à plein temps d'assistant qualifié de conservation du patrimoine de première classe correspondant au poste de reclassement de Mme B...a fait l'objet des mesures de publicité requises par ces dispositions, dès lors qu'il figure dans la liste des déclarations de créations et de vacances d'emploi arrêtée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Savoie le 15 février 2011. La seule circonstance qu'il figure également dans la liste des déclarations de créations et de vacances d'emploi annulées au 10 octobre 2012 n'implique pas nécessairement que ce poste aurait été supprimé. Ainsi, le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de ce que l'arrêté du 5 mars 2013 du maire de la commune de Cran-Gevrier aurait procédé au reclassement de Mme B...dans un emploi de documentaliste de la direction générale des services inexistant doit, en tout état de cause, être écarté.

7. En second lieu, le comité médical, ainsi qu'il a été dit, comme la commission de réforme, par avis du 7 mars 2012 confirmé le 20 novembre 2012, ont estimé que si Mme B... était définitivement inapte à occuper son ancien poste, elle était apte à occuper son poste de reclassement. Il ne résulte pas des pièces du dossier que le certificat médical du 29 mars 2013, qui prescrit une prolongation des précédents arrêts de travail à raison de la même pathologie, apportait sur l'état de santé de l'intéressé des éléments nouveaux, qui n'auraient pas été soumis au comité médical. Il n'est en outre pas contesté que MmeB..., si elle invoque sans précision l'inadéquation entre l'emploi de reclassement et son état de santé, n'a pas saisi le comité médical supérieur d'une contestation des avis du comité médical départemental. Si l'intéressée allègue par ailleurs que la commission de réforme a statué le 7 mars 2012, soit plus d'une année avant la décision de radiation, sans prendre en compte le rapport d'expertise psychiatrique établi le 24 janvier 2012 par le docteur A...préconisant, à cette date, une prolongation d'arrêt de travail de six mois, cette commission a bien enregistré, le 30 janvier 2012, le courrier transmettant cette expertise et s'est à nouveau prononcée, le 20 novembre 2012 soit quelques semaines avant l'arrêté de reclassement, sur la situation de l'intéressée en confirmant son avis initial. MmeB..., qui n'était pas en situation d'absence régulière à la date à laquelle elle a été mise en demeure de reprendre son service, ne pouvant ainsi être regardée comme apportant une justification d'ordre médical de nature à expliquer qu'elle n'ait pas déféré à cette mise en demeure, la commune de Cran-Gevrier était en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font par ailleurs obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d'Annecy, qui n'est pas, dans la présente espèce, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 13 juin 2017 est annulé.
Article 2 : La requête de Mme B...présentée devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Annecy et de Mme B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Annecy et à Mme C... B....