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Ariane Web: Conseil d'État 420525, lecture du 30 avril 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:420525.20190430

Décision n° 420525
30 avril 2019
Conseil d'État

N° 420525
ECLI:FR:CECHS:2019:420525.20190430
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Fabio Gennari, rapporteur
M. Guillaume Odinet, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP GASCHIGNARD ; SCP DIDIER, PINET, avocats


Lecture du mardi 30 avril 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme B...ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 décembre 2013 par lequel le maire de Larmor-Baden (Morbihan) a délivré à la SNC Ker Eden un permis de construire un bâtiment d'accueil, un ensemble sanitaire et une piscine sur le terrain au lieu-dit " Ker Eden " où elle exploite un camping, ainsi que l'arrêté du 30 juin 2014 par lequel le maire de Larmor-Baden a délivré à cette même société un permis de construire modificatif portant sur le changement de l'emplacement de la piscine et sur la création d'une haie végétale. Par un jugement n° 1402461, 1403338 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leurs demandes.

Par un arrêt n° 17NT00806, 17NT00842 du 3 avril 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la SNC Ker Eden et de la commune de Larmor-Baden, annulé ce jugement et rejeté les demandes de M. et MmeB....


1°/ Sous le numéro 420525, par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 11 mai, 7 juin et 6 août 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels formés par la SNC Ker Eden et la commune de Larmor-Baden ;

3°) de mettre à la charge de la SNC Ker Eden et de la commune de Larmor-Baden la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



2°/ Sous le numéro 427631, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 4 février et 19 mars 2019, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à exécution de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Larmor Baden et de la SNC Ker Eden une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de La Burgade, avocat de M.B..., de la SCP Didier, Pinet, avocat de la SNC Ker Eden, et de la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Larmor-Baden ;




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

2. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 4 décembre 2013 par lequel le maire de Larmor-Baden (Morbihan) a délivré à la SNC Ker Eden un permis de construire un bâtiment d'accueil, un ensemble sanitaire et une piscine sur le terrain au lieu-dit " Ker Eden " où elle exploite un camping, ainsi que l'arrêté du 30 juin 2014 par lequel le maire de Larmor-Baden a délivré à cette même société un permis de construire modificatif portant sur le changement de l'emplacement de la piscine et sur la création d'une haie végétale. Par un jugement du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à leurs demandes. Toutefois, par un arrêt du 3 avril 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement en estimant que M. et Mme B...n'avaient pas intérêt pour agir à l'encontre des permis contestés et que leurs demandes étaient en conséquence irrecevables.

4. Pour juger que M. et Mme B...ne justifiaient pas d'un intérêt pour agir contre les permis de construire qu'ils attaquaient, la cour administrative d'appel a considéré qu'il n'apparaissait pas que les constructions et aménagements envisagés par les arrêtés contestés modifieraient les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance de leur bien. En statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme B... étaient des voisins immédiats du terrain d'assiette des constructions projetées et que les constructions et aménagements en cause, qui prévoient notamment le déplacement de deux des bâtiments du camping existants, parmi lesquels figure celui qui accueille les sanitaires, l'agrandissement significatif de ces mêmes bâtiments et la création d'une vaste piscine, étaient de nature, eu égard aux nuisances visuelles, sonores et olfactives qu'ils sont susceptibles d'engendrer, à avoir une incidence directe sur les conditions de jouissance de leur bien par M. et MmeB..., la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt sont, par suite, devenues sans objet. Il n'y a dès lors pas lieu d'y statuer.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNC Ker Eden et de la commune de Larmor-Baden la somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de la SNC Ker Eden et de la commune de Larmor-Baden à ce titre ne peuvent être que rejetées.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 3 avril 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 427631 de M.B....

Article 4 : La SNC Ker Eden et la commune de Larmor-Baden verseront chacune à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la SNC Ker Eden et de la commune de Larmor-Baden tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., à la SNC Ker Eden et à la commune de Larmor-Baden.