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Ariane Web: Conseil d'État 425584, lecture du 29 mai 2019, ECLI:FR:CECHS:2019:425584.20190529

Décision n° 425584
29 mai 2019
Conseil d'État

N° 425584
ECLI:FR:CECHS:2019:425584.20190529
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Vincent Daumas, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats


Lecture du mercredi 29 mai 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Le département de la Seine-Saint-Denis a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 10 septembre 2018 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a fixé à 1,2 % le taux d'évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement pour les années 2018 à 2020. Par une ordonnance n° 1809997 du 7 novembre 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 novembre et 7 décembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de la Seine-Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 10 septembre 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Daumas, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat du département de la Seine-Saint-Denis ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil que, par un arrêté du 10 septembre 2018, le préfet de la Seine-Saint-Denis a, en application du VI de l'article 29 de la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, fixé le taux annuel d'évolution des dépenses réelles de fonctionnement du département de la Seine-Saint-Denis à 1,2 % pour les années 2018 à 2020. Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté et au juge des référés de ce même tribunal la suspension de cette décision, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance du 7 novembre 2018, le juge des référés a rejeté sa demande de suspension. Le département de la Seine-Saint-Denis se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Il résulte de ces dispositions que la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d'une demande tendant à la suspension d'une telle décision, d'apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. En relevant, d'une part, qu'il ne serait possible de déterminer si l'évolution des dépenses réelles de fonctionnement du département de la Seine-Saint-Denis excèderait 1,2 % en 2018 qu'à partir de mars et avril 2019, après arrêté des comptes de gestion, alors que ces dépenses, hors allocations individuelles de solidarité, avaient progressé de seulement 1,1 % par an en moyenne depuis dix ans et que, s'agissant de ces allocations, la part d'évolution supérieure à 2 % serait déduite pour la comparaison des exercices 2018 et 2017 et, d'autre part, que l'Etat s'était engagé à consolider divers mécanismes de péréquation ou dotations au profit du département de la Seine-Saint-Denis ou de la généralité des départements et à apporter un concours financier accru pour la prise en charge des mineurs non accompagnés, et en en déduisant qu'en l'état de l'instruction, le département de la Seine-Saint-Denis n'apportait pas d'éléments suffisants de nature à établir ni que l'évolution de ses dépenses réelles de fonctionnement serait structurellement supérieure à 1,2 % par an pour les années 2018 à 2020 et lui imposerait par conséquent, pour respecter ce taux, de modifier immédiatement les politiques qu'il mène, ni que, dans l'hypothèse où tel serait le cas, il ne pourrait pas supporter le montant de l'éventuel prélèvement sur les recettes du département prévu en cas de dépassement de ce taux, fixé au terme d'une procédure contradictoire mise en oeuvre avec le préfet de la Seine-Saint-Denis et plafonné à 2 % des recettes réelles de fonctionnement de l'année considérée, pour juger que la condition d'urgence requise par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'était pas remplie, le juge des référés, qui a suffisamment motivé sa décision, a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi du département de la Seine-Saint-Denis doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du département de la Seine-Saint-Denis est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au département de la Seine-Saint-Denis, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au préfet de la Seine-Saint-Denis.