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Ariane Web: Conseil d'État 426966, lecture du 7 juin 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:426966.20190607

Décision n° 426966
7 juin 2019
Conseil d'État

N° 426966
ECLI:FR:CECHR:2019:426966.20190607
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
Mme Isabelle Lemesle, rapporteur
Mme Anne Iljic, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO, avocats


Lecture du vendredi 7 juin 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, Mme B...A...demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt du 15 novembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 31 janvier 2017 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de permis de construire opposé le 8 mars 2016 par le maire de Saint-Genès-Champanelle (Puy-de-Dôme), de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Anne Iljic, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de Mme B...A...;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte de ces dispositions que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. L'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement ".

3. La requérante soutient que ces dispositions portent une atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, en ce qu'elles ont pour effet de priver une personne ayant acquis un immeuble sans savoir qu'il avait été irrégulièrement édifié de la possibilité, s'il vient à être détruit ou démoli, de le reconstruire à l'identique dans un délai de dix ans. Elle fait valoir que le législateur aurait dû réserver la situation du pétitionnaire de bonne foi qui n'est pas à l'origine de l'irrégularité opposée par l'administration et se trouve dans l'impossibilité d'apporter la preuve de la régularité de la construction initiale.

4. Les restrictions apportées par les règles d'urbanisme aux conditions d'exercice du droit de propriété sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la maîtrise de l'occupation des sols et du développement urbain. En adoptant les dispositions de l'article L. 111-15 du code de l'urbanisme, le législateur a apporté à ces restrictions une dérogation favorable à l'exercice du droit de propriété, en prévoyant la possibilité de reconstruire à l'identique un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. En précisant les conditions de mise en oeuvre de cette dérogation, notamment en subordonnant cette possibilité à la condition que le bâtiment détruit ou démoli ait été régulièrement édifié, le législateur, qui n'était pas tenu de réserver la situation du pétitionnaire de bonne foi ayant acquis un bien irrégulièrement édifié ou se trouvant dans l'impossibilité d'apporter la preuve de la régularité de la construction initiale, n'a pas porté d'atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de propriété protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Par ailleurs, les dispositions critiquées n'emportant pas privation du droit de propriété, elles n'entrent pas dans le champ de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a, par suite, pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.




D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeA....
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et à la commune de Saint-Genès-Champanelle.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


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