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Ariane Web: Conseil d'État 423609, lecture du 1 juillet 2019, ECLI:FR:CECHR:2019:423609.20190701

Décision n° 423609
1 juillet 2019
Conseil d'État

N° 423609
ECLI:FR:CECHR:2019:423609.20190701
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Liza Bellulo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT, ROBILLOT, avocats


Lecture du lundi 1 juillet 2019
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise (SPLAAD) a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013, 2014 et 2015 dans les rôles des communes de Saint-Apollinaire et Quetigny (Côte-d'Or) à raison de parcelles qu'elle a acquises pour les besoins du projet d'aménagement Eco Parc-Dijon Bourgogne. Par un jugement n° 1601305 du 28 juin 2017, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté cette demande.

Par une décision n° 413738 du 25 mai 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Dijon.

Par un nouveau jugement n° 1801446 du 21 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la société.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 27 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce dernier jugement ;

2°) réglant définitivement l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi du 24 mars 1914 ;
- la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 ;
- le code de justice administrative ;





Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Liza Bellulo, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, Robillot, avocat de la société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise (SPLAAD) a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés non bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 à 2015 à raison de parcelles qu'elle a acquises en sa qualité d'aménageur du " Parc d'activités de l'Est dijonnais ". Par un jugement du 28 juin 2017, le tribunal administratif a rejeté cette demande. Par une décision du 25 mai 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le tribunal administratif de Dijon. La SPLAAD se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon, statuant sur renvoi, a rejeté à nouveau sa demande.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut (...) renvoyer l'affaire devant la même juridiction statuant, sauf impossibilité tenant à la nature de la juridiction, dans une autre formation (...) ". Il résulte de ces dispositions que la formation de jugement appelée à délibérer à nouveau sur une affaire à la suite d'une annulation par le Conseil d'Etat de la décision précédemment prise sur cette même affaire ne peut comprendre aucun magistrat ayant participé au délibéré de cette décision, sauf impossibilité structurelle de renvoyer l'affaire devant une autre formation de jugement.

3. Il ressort des mentions du jugement rendu le 21 juin 2018 par le tribunal administratif, statuant après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, qu'il a été rendu par le même magistrat désigné en application de l'article R. 222-13 du code de justice administrative que celui qui avait déjà statué sur le litige par le jugement du 28 juin 2017 annulé par le Conseil d'Etat. En l'absence de toute impossibilité, pour le tribunal administratif de Dijon, de statuer après renvoi dans une formation autrement composée, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement qu'elle attaque a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et à demander son annulation pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi.

4. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

5. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 1393 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés non bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". L'article 1415 du même code dispose que : " La taxe foncière sur les propriétés bâties, la taxe foncière sur les propriétés non bâties et la taxe d'habitation sont établies pour l'année entière d'après les faits existants au 1er janvier de l'année de l'imposition ". Aux termes du I de l'article 1509 du code général des impôts, issu de l'article 2 de la loi du 24 mars 1914 : " La valeur locative des propriétés non bâties établie en raison du revenu de ces propriétés résulte des tarifs fixés par nature de culture et de propriété, conformément aux règles tracées par l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908 ". L'article 18 de cette instruction, que le II de l'article 18 de la loi de finances rectificative du 30 décembre 1998 a rendue opposable aux tiers, énonce : " En vue de simplifier la formation du tarif provisoire et les autres opérations de l'évaluation, les natures de culture ou de propriété sont rangées, suivant leur analogie, en treize grandes catégories : / 1° Terres ; / 2° Prés et prairies naturels, herbages et pâturages ; / 3° Vergers et cultures fruitières d'arbres et arbustes, etc. ; / 4° Vignes ; / (...) 9° Jardins autres que les jardins d'agrément et terrains affectés à la culture maraîchère, florale et d'ornementation ; pépinières, etc. ; / 10° Chantiers, lieux de dépôt, terrains à bâtir, rues privées, etc. (...) ". Pour l'application de ces dispositions combinées, un terrain qui est destiné, par la volonté de son propriétaire, à supporter des constructions, doit être classé dans la catégorie des terrains à bâtir sauf si le propriétaire se trouvait, au 1er janvier de l'année d'imposition, pour des raisons tirées des règles relatives au droit de construire, dans l'impossibilité d'y édifier des constructions ou de les vendre à cette fin.

6. D'autre part, les articles L. 311-1, R. 311-5 et R. 311-7 du code de l'urbanisme, dans leur version applicable aux années d'imposition en litige, prévoyaient qu'à l'intérieur des zones d'aménagement concerté (ZAC) les terrains sont aménagés en vue d'y édifier des constructions ou de les céder ou les concéder ultérieurement, à cette fin, à des utilisateurs publics ou privés. Les constructions y sont autorisées lorsque les zones d'aménagement concerté sont situées dans les zones urbaines, dites " zones U ", alors définies par l'article R. 123-5 du même code, et peuvent l'être, soit lors de la réalisation de l'opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes, en vertu des deux premiers alinéas de l'article R. 123-6 de ce code alors applicable, lorsque les zones d'aménagement concerté sont situées au sein de zones désignées comme à urbaniser, dites " zones AU ", si les voies publiques et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate ont une capacité suffisante pour desservir les futures constructions.

7. Il résulte de ce qui précède que le propriétaire de terrains compris dans une zone d'aménagement concerté ne peut être regardé comme étant dans l'impossibilité d'y édifier des constructions pour des raisons tirées des règles relatives au droit de construire, que la zone d'aménagement concerté relève d'une zone urbaine ou d'une zone désignée comme étant à urbaniser, quand bien même, dans ce dernier cas, la délivrance d'autorisations individuelles d'urbanisme resterait subordonnée à la réception de travaux de viabilisation et d'aménagement non encore achevés. Il s'ensuit que les parcelles acquises par un aménageur dans le cadre d'une zone d'aménagement concerté, lorsqu'elles se situent, au 1er janvier de l'année d'imposition, dans une zone urbaine ou dans une zone désignée comme étant à urbaniser, doivent être classées dans la catégorie des terrains à bâtir, au sens et pour l'application du I de l'article 1509 du code général des impôts, sauf pour leur propriétaire à établir qu'une partie d'entre elles a vocation à recevoir une autre affectation.

8. En premier lieu, il est constant que la société requérante était propriétaire, à la date du fait générateur des impositions en litige, des parcelles assujetties.

9. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que, par délibération du 15 novembre 2007, le conseil de communauté de l'agglomération dijonnaise a créé la ZAC dénommée " Parc d'activités de l'Est dijonnais ", au sein de laquelle sont situées les parcelles litigieuses. Il suit de là et de ce qui a été dit au point 7 qu'en se bornant à alléguer que certaines parcelles faisaient l'objet de baux agricoles précaires, la société requérante n'établit pas qu'elles auraient conservé, au sens de la loi fiscale, la qualité de terrains à affectation agricole postérieurement à la création de la ZAC qui les destine à supporter des constructions ou des équipements publics, ni ne soutient que tout ou partie d'entre elles aurait vocation à recevoir une autre affectation prévue par l'instruction ministérielle du 31 décembre 1908. Est par ailleurs sans incidence la circonstance que la société requérante n'a pas vocation, aux termes de l'article 2-2 de la convention d'aménagement conclue le 10 juillet 2009, à édifier elle-même des constructions. Il s'ensuit que les terrains litigieux étaient destinés, par la volonté de leur propriétaire, à supporter des constructions.

10. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la ZAC est située, aux termes du plan local d'urbanisme de la commune de Quetigny approuvé le 10 janvier 2006 par le conseil municipal, en zone à urbaniser à vocation économique (AUe). Par une délibération du 5 février 2008, la commune de Quetigny a classé la zone d'aménagement concerté en zone 1AUe, dite " opérationnelle ", relevant ainsi des deux premiers alinéas de l'article R. 123-6 du code de l'urbanisme. Il découle de ce qui précède et de ce qui a été dit au point 7 que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce qu'une autorisation individuelle d'urbanisme aurait été inévitablement refusée en raison de l'absence de réalisation préalable des travaux de viabilisation et d'aménagement. Dès lors, aucune raison tirée des règles relatives au droit de construire ne faisait obstacle à ce que la SPLAAD édifiât des constructions sur les terrains litigieux ou les vendît à cette fin.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'administration était fondée à classer les parcelles litigieuses, au titre des années 2013 à 2015, dans la catégorie des terrains à bâtir en vue de la détermination de la valeur locative foncière, au sens et pour l'application du I de l'article 1509 du code général des impôts.

12. Dès lors, la demande de la société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, devant le tribunal administratif et le Conseil d'Etat.



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 21 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise devant le tribunal administratif de Dijon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société publique locale d'aménagement de l'agglomération dijonnaise et au ministre de l'action et des comptes publics.


Voir aussi