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Ariane Web: Conseil d'État 437464, lecture du 10 janvier 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:437464.20200110

Décision n° 437464
10 janvier 2020
Conseil d'État

N° 437464
ECLI:FR:CEORD:2020:437464.20200110
Inédit au recueil Lebon



Lecture du vendredi 10 janvier 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. C... D... et Mme A... B... épouse D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou, à titre subsidiaire, au préfet de la Loire-Atlantique de leur proposer un hébergement susceptible de les accueillir avec leurs deux jeunes enfants, dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 1914042 du 23 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Par une requête, enregistrée le 7 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme D... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de faire droit à leur demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que, dépourvus d'hébergement et accompagnés de leurs deux enfants en bas âge, ils se trouvent dans une situation de particulière vulnérabilité ;
- la préfecture de la Loire-Atlantique et l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont porté une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit à un hébergement d'urgence et à leur droit d'asile en leur refusant l'accès à un hébergement d'urgence malgré la situation de détresse sociale dans laquelle ils se trouvent.


Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :


1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. Il appartient au juge des référés saisi en appel de porter son appréciation sur ce point au regard de l'ensemble des pièces du dossier, et notamment des éléments recueillis par le juge de première instance dans le cadre de la procédure écrite et orale qu'il a diligentée.


2. Si la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leur demande, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile, le caractère grave et manifestement illégal d'une telle atteinte s'apprécie en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et de la situation du demandeur. Ainsi, le juge des référés ne peut faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 du code de justice administrative en adressant une injonction à l'administration que dans le cas où, d'une part, le comportement de celle-ci fait apparaître une méconnaissance manifeste des exigences qui découlent du droit d'asile et où, d'autre part, il résulte de ce comportement des conséquences graves pour le demandeur d'asile, compte tenu notamment de son âge, de son état de santé ou de sa situation familiale. Il incombe au juge des référés d'apprécier, dans chaque situation, les diligences accomplies par l'administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l'âge, de l'état de santé et de la situation familiale de la personne intéressée.
3. Il résulte de l'instruction diligentée par le juge des référés du tribunal administratif de Nantes que M. et Mme D..., ressortissants algériens, sont entrés en France avec leurs deux enfants le 26 novembre 2019 sous couvert d'un visa Schengen de 15 jours. Leurs demandes d'asile ont été enregistrées en procédure dite " normale " le 9 décembre 2019 par la préfecture de la Loire-Atlantique. Ils ont accepté le même jour le bénéfice des conditions matérielles d'accueil par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sans toutefois qu'une proposition de logement ne leur ait été faite. M. et Mme D... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou, à défaut, à la préfecture de la Loire-Atlantique de leur proposer un hébergement susceptible de les accueillir avec leurs deux enfants. Par une ordonnance du 23 décembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur requête. M. et Mme D... relèvent appel de cette ordonnance.


4. Pour rejeter la requête de M. et Mme D..., le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a, d'une part, eu égard tant au caractère récent de la date à laquelle les requérants ont accepté les conditions matérielles d'accueil qu'à la saturation du dispositif d'accueil dans le département de la Loire-Atlantique, considéré que l'absence de prise en charge immédiate de M. et Mme D... par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui faisait valoir en outre qu'ils percevraient l'allocation pour demandeurs d'asile majorée, ne pouvait être regardée comme constituant une atteinte grave et manifestement illégale à leur droit d'asile. D'autre part, et en l'absence d'éléments de nature à établir que les membres de la famille D... seraient dans une situation prioritaire de détresse médicale ou psychique, il a considéré que l'Etat ne pouvait être regardé comme leur ayant porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit à un hébergement d'urgence. Les requérants n'apportent en appel aucun élément nouveau susceptible d'infirmer l'appréciation ainsi retenue par le juge des référés de première instance.


5. Il résulte de tout ce qui précède qu'il est manifeste que l'appel de M. et Mme D... ne peut être accueilli. Leur requête, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peut dès lors qu'être rejetée, selon la procédure prévue par l'article L. 522-3 du même code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C... D... et Mme A... B... épouse D....
Copie en sera adressée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au ministre de l'intérieur et au préfet de la Loire-Atlantique.