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Ariane Web: Conseil d'État 434785, lecture du 7 février 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:434785.20200207

Décision n° 434785
7 février 2020
Conseil d'État

N° 434785
ECLI:FR:CECHS:2020:434785.20200207
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Carine Chevrier, rapporteur
M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public
CABINET BRIARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du vendredi 7 février 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association des habitants et amis du Chesnay (AHAC) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 7 août 2019 par lequel le maire du Chesnay-Rocquencourt a accordé à la commune le permis d'aménager une station de bus ainsi que ses abords au croisement des avenues Dutartre et du Dr Schweitzer et de la décision de commencer ces travaux d'aménagement. Par une ordonnance n° 1906306 en date du 6 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande et suspendu l'exécution des décisions attaquées.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 23 septembre 2019 et le 10 janvier 2020, la commune du Chesnay-Rocquencourt demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'association des habitants et amis du Chesnay la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des transports ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Louis Dutheillet de Lamothe, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de la commune du Chesnay-Rocquencourt et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'association des habitants et amis du Chesnay ;

Vu, la note en délibéré, enregistrée le 16 janvier 2020, présentée par la commune du Chesnay-Rocquencourt ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Versailles que, dans le cadre de la réorganisation des réseaux de bus reliant Versailles, le-Chesnay-Rocquencourt, la Celle Saint-Cloud et Viroflay décidée par le syndicat des transports d'Ile-de-France, IDF Mobilités, avec l'accord de la communauté d'agglomération de Versailles Grand Parc dont la commune du Chesnay-Rocquencourt est membre depuis le 1er janvier 2014, et suite à la délibération favorable de son conseil municipal en date du 6 décembre 2018 puis du 3 juillet 2019, le maire du Chesnay-Rocquencourt a, le 7 août 2019, délivré à la commune un permis d'aménager la voirie afin de créer des quais pour l'arrêt des bus ainsi que d'aménager leurs abords, au croisement des avenues Dutartre et du Dr Schweitzer sur le territoire de sa commune et autorisé le démarrage immédiat de ces travaux. Par une ordonnance du 6 septembre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a suspendu l'exécution de ces décisions au vu de l'urgence et du doute sérieux, en l'état de l'instruction, quant à la compétence de la commune. La commune du Chesnay-Rocquencourt se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. En premier lieu, l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier objectivement et concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant et de l'ensemble des circonstances de chaque espèce, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue.

4. En appréciant concrètement les effets de la décision par laquelle le permis a été délivré et l'exécution immédiate de travaux d'aménagement de voirie a été engagée, travaux qui ne sont pas achevés, qui se traduisent par l'engagement de budgets importants et sont difficilement réversibles et en jugeant, par suite, que la condition d'urgence était remplie sans retenir que l'intérêt public prépondérant de l'opération ne puisse lui être opposé, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit, ni entaché son ordonnance d'irrégularité et d'insuffisance de motivation.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales qui précise les compétences des communautés d'agglomération : " La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) 2° En matière d'aménagement de l'espace communautaire : (...) définition, création et réalisation d'opérations d'aménagement d'intérêt communautaire au sens de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ; organisation de la mobilité au sens du titre III du livre II de la première partie du code des transports, sous réserve de l'article L. 3421-2 du même code ; (...) ". S'agissant des opérations d'aménagement de l'espace communautaire, les statuts de l'agglomération de Versailles Grand parc disposent, dans leur article 4-I 2, d'une part, que la communauté d'agglomération exerce, en lieu et place des communes membres, la compétence obligatoire relative à l'organisation de la mobilité au sens du titre III du livre II de la première partie du code des transports, sous réserve de l'article L. 3421-2 du même code et, dans leur article 4-II 1 d'autre part, qu'elle exerce, parmi les compétences optionnelles, celle relative à la création ou aménagement et entretien de voirie d'intérêt communautaire. Il résulte de ce qui précède que, en relevant la réorganisation des réseaux de bus décidée par le syndicat des transports d'Ile-de-France avec l'accord de la communauté d'agglomération de Versailles Grand parc, dont la commune est membre, ainsi que la compétence obligatoire de la communauté d'agglomération pour l'organisation de la mobilité sur le territoire intercommunal et en jugeant, au vu de la nature des travaux autorisés par le permis d'aménager dont l'exécution immédiate a été décidé, qui concernent des aménagements de voirie nécessaires au bon fonctionnement de ce réseau de bus, que, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'incompétence de la commune était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions du 7 août 2019, le juge des référés n'a pas, eu égard à l'office que lui attribuent les articles L. 511-1 et L 521-1 du code de justice administrative, commis d'erreur de droit. Au surplus, contrairement à ce qu'allègue la commune requérante, le moyen tiré de l'absence de nouvelle délibération de la commune postérieurement aux élections municipales telle que prévue par l'article L. 422-3 du code de l'urbanisme, est inopérant s'agissant de compétences relatives à l'organisation de la mobilité qui relève de la compétence de plein droit de la communauté d'agglomération.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la commune du Chesnay-Rocquencourt doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Chesnay-Rocquencourt, une somme au titre de ces mêmes dispositions.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune du Chesnay-Rocquencourt est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de l'association des habitants et amis du Chesnay présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune du Chesnay-Rocquencourt.
Copie en sera adressée à l'association des habitants et amis du Chesnay (AHAC), à la communauté d'agglomération de Versailles Grand Parc et à IDF Mobilités.