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Ariane Web: Conseil d'État 434972, lecture du 9 juin 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:434972.20200609

Décision n° 434972
9 juin 2020
Conseil d'État

N° 434972
ECLI:FR:CECHR:2020:434972.20200609
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Bastien Lignereux, rapporteur
Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public
CABINET BRIARD, avocats


Lecture du mardi 9 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution partielle des retenues à la source qui ont été prélevées sur les dividendes de source française qu'il a perçus en 2013 et 2014. Par un jugement n° 1604725 du 19 septembre 2017, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17VE03385 du 29 mai 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 septembre et 27 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Karin Ciavaldini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Aux termes de l'article 187 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sous réserve des dispositions du 2, le taux de la retenue à la source prévue à l'article 119 bis est fixé à : / (...) 30 % pour tous les autres revenus / (...) ". En vertu de l'article 9 de la convention fiscale du 30 mai 1984 conclue entre la France et la Chine, alors applicable : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p. 100 du montant brut dans tous les cas. (...) ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., qui réside à Shanghai, a perçu en 2013 et 2014 des dividendes de sociétés françaises, qui ont, conformément aux dispositions du code général des impôts citées ci-dessus, été soumis à la retenue à la source qu'elles prévoient, au taux de 30 %. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre un jugement du tribunal administratif de Montreuil du 19 septembre 2017 rejetant sa demande tendant à la restitution partielle de ces retenues par application du taux de 10 % prévues par les stipulations conventionnelles citées ci-dessus.

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " Aux termes de l'article 4 B du même code dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...) ".

4. Aux termes de l'article 1er de la convention fiscale du 30 mai 1984 conclue entre la France et la Chine, alors applicable : " Le présent accord s'applique aux personnes qui sont des résidentes d'un Etat contractant ou des deux Etats contractants ". Aux termes de son article 4 : " 1. Au sens du présent accord, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction générale ou de tout autre critère de nature analogue. (...) ".

5. Il résulte des stipulations de l'article 4 de cette convention que, pour son application, la qualité de résident d'un Etat contractant est subordonnée à la seule condition que la personne qui s'en prévaut soit assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence ou d'un lien personnel analogue et non en raison de la seule existence de revenus y trouvant leur source. L'étendue de l'obligation fiscale à laquelle le contribuable est tenu dans cet Etat est, par elle-même, sans incidence sur la qualification de résident, ces stipulations n'excluant pas, dans leur rédaction applicable, que puissent être regardées comme résidents des personnes dont les seuls revenus pris en compte pour leur assujettissement à l'impôt dans cet Etat sont, en application des règles d'assiette applicables, les revenus qui y trouvent leur source.

6. Après avoir relevé que, travaillant en Chine où il résidait avec son épouse et ses enfants, il ne pouvait être regardé comme ayant son domicile fiscal en France en application de l'article 4 B du code général des impôts, la cour a jugé, pour rejeter l'appel de M. A..., qu'il ne pouvait davantage être regardé comme résident de Chine pour l'application de la convention du 30 mai 1984 dès lors qu'il n'y était imposé que sur ses salaires de source chinoise et non sur ses dividendes de source française, sans qu'il établisse que cette circonstance résultait, ainsi qu'il le soutenait, de l'application d'une exonération conditionnelle bénéficiant aux nouveaux résidents " impatriés " en Chine mais n'affectant pas le caractère en principe illimité de son obligation fiscale dans cet Etat. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'en se fondant ainsi sur ce que le requérant n'établissait pas être soumis à une obligation fiscale illimitée en Chine, alors qu'il lui appartenait seulement de rechercher si cet Etat l'assujettissait à l'impôt, le cas échéant sur certains seulement de ses revenus, en raison d'un lien personnel et non simplement de leur source locale, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que M. A... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.


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