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Ariane Web: Conseil d'État 425111, lecture du 17 juin 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:425111.20200617

Décision n° 425111
17 juin 2020
Conseil d'État

N° 425111
ECLI:FR:CECHS:2020:425111.20200617
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème chambre
M. Fabio Gennari, rapporteur
Mme Sophie Roussel, rapporteur public
SCP ZRIBI, TEXIER, avocats


Lecture du mercredi 17 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté en date du 21 novembre 2017 par lequel le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer une carte de séjour en qualité de salarié. Par une ordonnance n° 1711072 du 29 janvier 2018, le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°s 18VE00389-18VE00391 du 28 juin 2018, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B... contre cette ordonnance.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 octobre 2018, 29 janvier et 4 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi, Texier, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., de nationalité bangladaise, a sollicité le 20 juin 2017 du préfet du Val-d'Oise son admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 21 novembre 2017, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. La cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'il a formé contre l'ordonnance du 29 janvier 2018 par laquelle le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté comme tardive sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté.

2. Aux termes du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. ". Aux termes du II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " Conformément aux dispositions du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification par voie administrative d'une obligation de quitter sans délai le territoire français fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester cette obligation et les décisions relatives au séjour, à la suppression du délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément. ". Il résulte de ces dispositions que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire peuvent faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative dans un délai de quarante-huit heures à compter de leur notification par voie administrative.

3. En jugeant que, bien que l'arrêté du préfet du Val-d'Oise en date du 21 novembre 2017 ait été notifié à M. B... par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une telle notification, dès lors qu'elle comportait l'indication du délai de recours contentieux de quarante-huit heures fixé par les dispositions précitées du II de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait eu pour effet de faire courir ce délai, alors que, ainsi qu'il a été dit, seule une notification par voie administrative est de nature à faire courir ce délai, la cour a commis une erreur de droit. M. B... est, par suite, fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Zribi, Texier, l'avocat de M. B..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 28 juin 2018 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Zribi, Texier la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.


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