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Ariane Web: Conseil d'État 435282, lecture du 29 juin 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:435282.20200629

Décision n° 435282
29 juin 2020
Conseil d'État

N° 435282
ECLI:FR:CECHR:2020:435282.20200629
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Guillaume de LA TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, avocats


Lecture du lundi 29 juin 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société anonyme (SA) Europropulsion a demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle et de cotisation foncière des entreprises auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune de Kourou au titre, respectivement, de l'année 2009 et des années 2010 et 2011. Par un jugement nos 1600610, 1600611 du 1er juin 2017, ce tribunal a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire de cotisation foncière des entreprises à laquelle la société Europropulsion a été assujettie au titre de l'année 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

La société Europropulsion et le ministre de l'action et des comptes publics ont chacun relevé appel de ce jugement en tant qu'il leur faisait grief devant la cour administrative d'appel de Bordeaux. Par une ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019, le président de la section du contentieux a, sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, transmis le dossier de ces requêtes à la cour administrative d'appel de Paris.

Par un arrêt n°s 17PA22590, 17PA23310 du 26 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris, d'une part et sur l'appel de la société Europropulsion, a annulé pour irrégularité le jugement en tant qu'il a statué sur les impositions supplémentaires des années 2009 et 2011 puis, statuant par la voie de l'évocation, a prononcé la décharge de ces impositions et, d'autre part, a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des impositions supplémentaires de l'année 2010.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 octobre 2019 et 15 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2, 3 et 4 de cet arrêt.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention du 30 mai 1975 portant création d'une Agence spatiale européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume de La Taille Lolainville, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Europropulsion ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2020, présentée par la société Europropulsion ;




Considérant ce qui suit :

1. L'article XV de la convention portant création d'une Agence spatiale européenne conclue à Paris le 30 mai 1975 est intitulé " Statut juridique, privilèges et immunités ". Son 2 stipule que : " L'Agence, les membres de son personnel et les experts, ainsi que les représentants de ses Etats membres, jouissent de la capacité juridique, des privilèges et des immunités prévus à l'annexe I ". Pour son application, les différents articles de l'annexe I à la convention énumèrent successivement les privilèges et immunités qui bénéficient à l'Agence elle-même, à son directeur général, aux membres de son personnel, aux représentants des Etats membres auprès d'elle et aux experts qui, pour elle, exercent des fonctions ou accomplissent des missions. En particulier, le 1 de l'article V de cette annexe prévoit que : " Dans le cadre de ses activités officielles, l'Agence, ses biens et ses revenus sont exonérés des impôts directs. " L'article VII de cette même annexe précise que les activités officielles de l'Agence comprennent ses activités administratives ainsi que les activités qu'elle entreprend, conformément à sa mission, dans le domaine de la recherche et de la technologie spatiales ainsi que dans celui de leurs applications spatiales.

2. Il résulte des termes mêmes des stipulations du 1 de l'article V de l'annexe I à la convention du 30 mai 1975 portant création d'une Agence spatiale européenne, interprétées dans leur contexte et à la lumière de leur but, que l'exonération d'impôts directs qu'elles prévoient ne s'applique qu'à l'Agence elle-même.

3. Afin de prononcer ou de confirmer, selon l'année concernée, la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle ou de cotisation foncière des entreprises auxquelles la société Europropulsion avait été assujettie au titre des années 2009, 2010 et 2011 à raison de bâtiments mis à sa disposition par l'Agence, la cour administrative d'appel de Paris s'est fondée sur les stipulations précitées du 1 de l'article V de l'annexe I à la convention du 30 mai 1975. Ce faisant, et eu égard à leur champ d'application personnel tel qu'il vient d'être rappelé, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué prononçant ou confirmant la décharge des impositions en litige. Par voie de conséquence, il est également fondé à demander l'annulation de l'article 4 de cet arrêt, qui met à la charge de l'Etat le versement à la société Europropulsion d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de ce même article font obstacle à ce que, au titre des frais de l'instance de cassation, une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 de l'arrêt du 26 septembre 2019 de la cour administrative d'appel de Paris sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions de la société Europropulsion présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'action et des comptes publics et à la société anonyme Europropulsion.


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