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Ariane Web: Conseil d'État 430080, lecture du 10 juillet 2020, ECLI:FR:CECHS:2020:430080.20200710

Décision n° 430080
10 juillet 2020
Conseil d'État

N° 430080
ECLI:FR:CECHS:2020:430080.20200710
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Géraud Sajust de Bergues, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET ; SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats


Lecture du vendredi 10 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'une part, de suspendre l'exécution de la décision du 27 février 2019 par laquelle le vice-président du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France a annulé son inscription à l'examen professionnel d'accès par voie de promotion interne au grade de technicien principal de 2e classe, ensemble la décision du 11 mars 2019 portant rejet de son recours gracieux, et, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de l'autoriser à se présenter à cet examen à titre provisoire, ou de procéder au réexamen de sa situation dans un délai à définir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 1903031 du 8 avril 2019, le juge des référés de ce tribunal a fait droit à sa demande en suspendant l'exécution des deux décisions contestées et en enjoignant au président du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France de statuer à nouveau sur sa demande d'inscription aux épreuves de l'examen professionnel.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 7 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de M. A... B... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 14 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 94-415 du 24 mai 1994 portant dispositions statutaires relatives aux personnels des administrations parisiennes ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A... B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Melun que M. C... A... B..., fonctionnaire depuis 1992 de la Ville de Paris, où il était titulaire du grade de préposé principal de 1ère classe, et détaché depuis août 2018 sur un emploi d'adjoint technique principal de 1ère classe à la région Ile-de-France, pour être affecté au sein d'un lycée à Coulommiers (Seine-et-Marne), s'est inscrit à la session 2019 de l'examen professionnel d'accès par voie de promotion interne au grade de technicien principal de 2ème classe, organisé par le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France, qui devait se tenir le 11 avril 2019. Par une lettre du 27 février 2019, le vice-président du centre interdépartemental de gestion a annulé son inscription à cet examen professionnel au motif qu'étant en position de détachement, il n'avait pas la qualité de fonctionnaire territorial. Cette décision a été confirmée sur recours gracieux le 11 mars 2019. M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun de suspendre l'exécution de ces deux décisions. Par une ordonnance du 8 avril 2019, le juge des référés a, d'une part, fait droit à sa demande en suspendant la décision du 27 février 2019 et celle du 11 mars 2019, et, d'autre part, enjoint au président du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France de statuer à nouveau sur la participation de M. A... B... aux épreuves de l'examen professionnel d'accès par voie de promotion interne au grade de technicien territorial principal de 2ème classe pour la session 2019 dans des délais compatibles avec celle-ci. Le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France demande l'annulation des articles 1 à 3 de cette ordonnance.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".

3. D'une part, c'est sans erreur de droit ni dénaturation des faits de l'espèce que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a déduit de la circonstance que l'examen professionnel auquel le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région d'Ile-de-France avait interdit à M. A... B... de se présenter devait avoir lieu le 11 avril 2019, soit trois jours après la lecture de l'ordonnance attaquée, que la condition d'urgence requise par les dispositions précitées était remplie.

4. D'autre part, aux termes de l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983 modifiée : " L'accès des fonctionnaires de l'Etat, des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière./ (...) / Nonobstant toute disposition contraire prévue dans les statuts particuliers, les agents détachés sont soumis aux mêmes obligations et bénéficient des mêmes droits (...) que les membres du corps ou cadre d'emplois dans lequel ils sont détachés (...). ". Il résulte de ces dispositions qu'un fonctionnaire de la Ville de Paris placé en position de détachement sur un emploi de la fonction publique territoriale bénéficie des dispositions relatives à l'avancement applicables aux fonctionnaires du cadre d'emplois dans lequel il est détaché.

5. Par suite, c'est sans erreur de droit que le juge des référés du tribunal administratif de Melun a retenu qu'était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions litigieuses le moyen tiré de ce que le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France ne pouvait légalement refuser à M. A... B... le droit de s'inscrire à l'examen professionnel d'accès par voie de promotion interne au grade de technicien principal de 2ème classe au seul motif que, fonctionnaire titulaire relevant du corps des préposés de la Ville de Paris, M. A... B... était seulement détaché dans le cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France ne peut qu'être rejeté.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme qui est demandée à ce titre par le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France soit mise à la charge de M. A... B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, au titre de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France le versement à M. A... B... d'une somme de 3 000 euros.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France est rejeté.
Article 2 : Le centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France versera la somme de 3 000 euros à M. C... A... B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au centre interdépartemental de gestion de la grande couronne de la région Ile-de-France et à M. C... A... B....