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Ariane Web: Conseil d'État 433643, lecture du 10 juillet 2020, ECLI:FR:CECHR:2020:433643.20200710

Décision n° 433643
10 juillet 2020
Conseil d'État

N° 433643
ECLI:FR:CECHR:2020:433643.20200710
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Gilles Pellissier, rapporteur public
SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP GASCHIGNARD, avocats


Lecture du vendredi 10 juillet 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'hôpital de Bar-sur-Seine a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de la convention conclue le 3 mai 2011 avec la société Exelcia portant sur des prestations de services d'audit juridique en matière de TVA et taxes sur les salaires, ainsi que celle de son avenant du 3 décembre 2013, et de condamner la société Exelcia à lui rembourser la somme de 160 352 euros. Par un jugement n° 1500503 du 28 février 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NC00883 du 4 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de l'hôpital de Bar-sur-Seine, annulé ce jugement et condamné la société Exelcia à verser à l'hôpital de Bar-sur-Seine une somme de 145 352 euros.

Par un arrêt n° 19NC00350 du 18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'opposition formée par la société Exelcia contre cet arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 août et 18 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Exelcia demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 18 juin 2019 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son opposition ;

3°) de mettre à la charge de l'hôpital de Bar-sur-Seine la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean Sirinelli, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de la société Exelcia, et à la SCP Gaschignard, avocat de l'hôpital de Bar-sur-Seine ;


Considérant ce qui suit :

1. L'hôpital de Bar-sur-Seine a conclu le 30 mai 2011 avec la société Exelcia une convention portant sur des prestations de services d'audit juridique en matière de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les salaires. Un avenant a été signé le 3 décembre 2013 afin de préciser les modalités de la rémunération de la société Exelcia. L'hôpital de Bar-sur-Seine a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer l'annulation de la convention du 30 mai 2011 et de l'avenant du 3 décembre 2013 et de condamner la société Exelcia à lui rembourser la somme de 160 352 euros avec intérêts de droit en réparation des préjudices subis. Par un jugement du 28 février 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande comme manifestement irrecevable, par application des dispositions de l'article R. 351-4 du code de justice administrative, faute pour l'hôpital d'avoir recherché, conformément aux stipulations de l'article 13 de la convention, un accord amiable préalablement à son action contentieuse. Par un arrêt du 4 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appel de l'hôpital de Bar-sur-Seine, annulé ce jugement et, statuant par la voie de l'évocation, prononcé l'annulation de la convention et condamné la société Exelcia à verser à l'hôpital une somme de 145 352 euros. Par l'arrêt attaqué du 18 juin 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'opposition ultérieurement formée par la société Exelcia contre l'arrêt du 4 décembre 2018.

2. Les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie. Il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation.

3. La circonstance qu'un contrat soit entaché d'une irrégularité qui puisse conduire le juge à en prononcer l'annulation n'est pas de nature à rendre inapplicables les clauses de ce contrat qui sont relatives au mode de règlement des différends entre les parties, notamment celles qui organisent une procédure de règlement amiable préalable à toute action contentieuse. Il s'ensuit que les stipulations de telles clauses doivent être observées pour toutes les actions qui entrent dans le champ de leurs prévisions, sans qu'y échappent par principe les actions tendant à ce que le juge prononce l'annulation du contrat, quand bien même le juge serait effectivement conduit à y faire droit et prononcerait une telle annulation.

4. En l'espèce, par des motifs non contestés de l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a retenu que le contrat en litige devait être " regardé comme nul " en raison de son contenu qu'elle a jugé illicite. La cour en a déduit que les stipulations de l'article 13 de la convention, relatives au mode de règlement des litiges, étaient en conséquence inapplicables. En statuant ainsi, elle a commis une erreur de droit.

5. Toutefois, la cour administrative d'appel a souverainement relevé que les stipulations de l'article 13 de la convention contestée, qui organisent une procédure de règlement amiable des différends entre les parties avant toute saisine du juge administratif et déterminent le tribunal administratif compétent en premier ressort, concernent les litiges nés de l'exécution de la convention. Il en résulte qu'elles ne sont en l'espèce, eu égard à leur portée ainsi interprétée, pas applicables dans le cas d'une action contestant la validité de la convention et tendant à son annulation. Ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucune circonstance de fait supplémentaire, doit être substitué au motif erroné retenu par la cour dans l'arrêt attaqué, dont il justifie le dispositif.

6. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de la société Exelcia doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Exelcia la somme de 3 000 euros à verser à l'hôpital de Bar-sur-Seine.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Exelcia est rejeté.
Article 2 : La société Exelcia versera à l'hôpital de Bar-sur-Seine une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Exelcia et à l'hôpital de Bar-sur-Seine.


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