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Ariane Web: Conseil d'État 443570, lecture du 4 septembre 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:443570.20200904

Décision n° 443570
4 septembre 2020
Conseil d'État

N° 443570
ECLI:FR:CEORD:2020:443570.20200904
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP MELKA - PRIGENT, avocats


Lecture du vendredi 4 septembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Le syndicat autonome de la fonction publique territoriale de la Réunion (SAFPTR) a demandé au juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST) de le rétablir dans ses droits syndicaux par l'octroi d'autorisations spéciales d'absence pour la réunion de la section syndicale du 7 septembre 2020, dans un délai de deux jours à compter de la notification de l'ordonnance et sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par une ordonnance n° 2000696 du 27 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion a enjoint au président de la CIREST d'accorder, dans un délai d'une semaine, ces autorisations d'absence.

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la CIREST demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de rejeter les demandes de première instance présentées par le SAFPTR ;

3°) de mettre à la charge du SAFPTR la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- l'ordonnance contestée est entachée d'irrégularité en ce qu'elle n'a été informée de l'instance que lors de la notification de l'ordonnance du juge des référés et qu'elle n'a, par suite, pas pu présenter d'observations écrites ou orales, en méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure ;
- elle est mal-fondée en ce que le juge des référés ne pouvait considérer qu'il était porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté syndicale dès lors que les agents ne pouvaient prétendre à des autorisations d'absence hors contingent prévues à l'article 16 du décret n° 85-397 du 3 avril 1985, dans la mesure où les autorisations d'absence demandées visaient à participer non à la réunion de l'organisme directeur du syndicat, mais au comité de direction de la section syndicale de ce syndicat et, ne relevant dès lors pas de l'article 16 du décret, ne pouvaient être accordées que dans la limite du contingent d'autorisations d'absence, sur le fondement de l'article 17 du décret.
Par mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2020, le SAFPTR conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la CIREST la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, et notamment son préambule ;
- le code du travail ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-397 du 3 avril 1985 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la CIREST, et d'autre part, le SAFPTR ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 septembre 2020, à 14 heures :

- Me E..., avocate au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocate de la CIREST ;

- la représentante de la CIREST ;

- Me Froger, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat du SAFPTR ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a prononcé la clôture de l'instruction.



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ".

2. Il résulte de l'instruction que Mmes N... I... et L... O... et MM. D... H..., B... K..., M... F..., C... J... et A... G..., agents de la communauté intercommunale Réunion Est (CIREST), ont demandé à bénéficier le 7 septembre 2020 d'une autorisation spéciale d'absence, sur le fondement de l'article 16 du décret du 3 août 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale, pour participer à une reunion du comité directeur de la section syndicale du syndicat autonome de la fonction publique territoriale de la Réunion (SAFPTR) au sein de la CIREST. Par une décision du 20 août 2020, le président de la CIREST a refusé de faire droit à ces demandes au motif que la section syndicale du SAFPTR de la CIREST n'ayant pas été constituée et déclarée conformément à l'article L. 2131-3 du code du travail, elle ne disposait pas de la personnalité juridique lui permettant de prétendre à bénéficier des autorisations spéciales d'absence prévues par les articles 15 et 16 du décret du 3 avril 1985. Par une ordonnance du 27 août 2020, le juge des référés du tribunal administratif de La Réunion, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint à la CIREST d'octroyer ces autorisations spéciales d'absence pour la réunion du 7 septembre 2020, dans un délai d'une semaine à compter de la notification de l'ordonnance. La CIREST relève appel de cette ordonnance.

3. Aux termes des dispositions de l'article 8 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats ". Aux termes des dispositions de l'article 59 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Des autorisations spéciales d'absence qui n'entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels sont accordées : 1° Aux représentants dûment mandatés des syndicats pour assister aux congrès professionnels syndicaux fédéraux, confédéraux et internationaux et aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations dont ils sont membres élus. Les organisations syndicales qui sont affiliées à ces unions, fédérations ou confédérations disposent des mêmes droits pour leurs représentants ; (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article et notamment, pour les autorisations spéciales d'absence prévues au 1°, le niveau auquel doit se situer l'organisme directeur dans la structure du syndicat considéré et le nombre de jours d'absence maximal autorisé chaque année (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 12 du décret du 3 avril 1985 relatif à l'exercice du droit syndical dans la fonction publique territoriale : " A la suite de chaque renouvellement général des comités techniques, la collectivité territoriale, l'établissement public ou le centre de gestion attribue un crédit de temps syndical aux organisations syndicales, compte tenu de leur représentativité (...) Le crédit de temps syndical comprend deux contingents : 1° Un contingent d'autorisation d'absence (...) ". Aux termes de l'article 14 du même décret : " Le contingent d'autorisations d'absence mentionné au 1° de l'article 12 est calculé au niveau de chaque comité technique, à l'exclusion des comités techniques facultatifs, proportionnellement au nombre d'électeurs inscrits sur la liste électorale du comité technique, à raison d'une heure d'autorisation d'absence pour 1 000 heures de travail accomplies par ceux-ci (...) Les agents bénéficiaires sont désignés par les organisations syndicales parmi leurs représentants en activité dans la collectivité ou l'établissement concerné (...) ". Aux termes de l'article 15 du même décret : " Les autorisations d'absence mentionnées aux articles 16 et 17 sont accordées, sous réserve des nécessités du service, aux représentants des organisations syndicales mandatés pour assister aux congrès syndicaux ainsi qu'aux réunions de leurs organismes directeurs, dont ils sont membres élus ou pour lesquels ils sont nommément désignés conformément aux dispositions des statuts de leur organisation. / Les demandes d'autorisation doivent être formulées trois jours au moins avant la date de la réunion. Les refus d'autorisation d'absence font l'objet d'une motivation de l'autorité territoriale ". Aux termes de l'article 16 du même décret : " Dans le cas de participations aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations de syndicats non représentées au Conseil commun de la fonction publique, la durée des autorisations spéciales d'absence accordées à un même agent, au cours d'une année, ne peut excéder dix jours. Les syndicats nationaux et locaux ainsi que les unions régionales, interdépartementales et départementales de syndicats qui leur sont affiliés disposent des mêmes droits. / Cette limite est portée à vingt jours par an dans le cas de participation aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des organisations syndicales internationales, ou aux congrès et aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations représentées au Conseil commun de la fonction publique. Les syndicats nationaux et locaux ainsi que les unions régionales, interdépartementales et départementales de syndicats qui leur sont affiliés disposent des mêmes droits ". Aux termes, enfin, de l'article 17 du même décret : " Les représentants syndicaux mandatés pour participer aux congrès ou aux réunions statutaires des organismes directeurs d'organisations syndicales d'un autre niveau que ceux mentionnés à l'article 16 peuvent bénéficier d'autorisations d'absence imputées sur les crédits d'heure définis en application de l'article 14 ".

4. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les organisations syndicales des agents de la fonction publique territoriale constituent au sein de chaque collectivité ou établissement public au sein desquels elles sont représentées, des sections locales dotées d'organismes directeurs. Elles ne font pas non plus obstacle à ce que les mêmes organisations syndicales désignent comme bénéficiaires des autorisations d'absence des membres de ces sections pour participer aux réunions des organismes directeurs déterminés par leurs statuts, dans la limite du contingent d'autorisations d'absence mentionné au 1° de l'article 12 du décret du 3 avril 1985. Par suite, la circonstance que la section syndicale constituée au sein de la CIREST par le SAFPTR soit dépourvue de la personnalité morale ne saurait faire obstacle à ce que les représentants de ce syndicat au sein de cet établissement public intercommunal puissent prétendre au bénéfice d'autorisations d'absence pour participer à une réunion du comité directeur du SAFPTR.

5. Toutefois ces dispositions ne permettent l'octroi d'une autorisation spéciale d'absence prévue par l'article 16 du décret du 3 avril 1985, c'est-à-dire hors du contingent fixé par l'article 14, que pour participer aux congrès ou aux réunions des organismes directeurs des organisations syndicales visées par l'article 16, c'est-à-dire à des activités institutionnelles syndicales d'un niveau déterminé. Le bénéfice d'autorisations d'absence sur le fondement de l'article 16 du décret de 1985 ne peut également être reconnu pour participer aux congrès ou réunions des comités directeurs d'organisations syndicales d'un autre niveau, les agents souhaitant participer à de telles réunions devant solliciter des autorisations d'absence qui s'imputent sur le contingent d'autorisations d'absence prévu par l'article 14 du décret de 1985. Si, en vertu de l'article 16 du décret, les syndicats locaux disposent des mêmes droits pour leurs congrès et réunions de leurs organismes directeurs, seuls les congrès et réunions des comités directeurs de ces syndicats, et non ceux des sections syndicales qui ont pu être créées au sein des collectivités ou établissements au sein desquels ces organisations syndicales sont représentées, peuvent donner lieu à des autorisations d'absence hors contingent prévues par l'article 16.

6. Il résulte de ce qui précède que le SAFPTR n'est pas fondé à soutenir que la CIREST a porté une atteinte manifestement illégale à la liberté syndicale en refusant de faire droit à ses demandes d'autorisations spéciales d'absence présentées sur le fondement de l'article 16 du décret de 1985 pour permettre à sept agents de participer à la réunion du comité directeur de la section syndicale du SAFPTR au sein de la CIREST. Il y a lieu, en conséquence, d'annuler l'ordonnance attaquée et de rejeter la demande présentée par le SAFPTR devant le juge des référés.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit à la demande du SAFPTR tendant à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la CIREST. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande présentée par la CIREST sur le même fondement.



O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 27 août 2020 du juge des référés du tribunal administratif de La Réunion est annulée.
Article 2 : La demande du SAFPTR est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la CIREST et le SAFPTR au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté intercommunale Réunion Est et au syndicat autonome de la fonction publique territoriale de La Réunion.