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Ariane Web: Conseil d'État 432791, lecture du 13 novembre 2020, ECLI:FR:CEORD:2020:432791.20201113

Décision n° 432791
13 novembre 2020
Conseil d'État

N° 432791
ECLI:FR:CEORD:2020:432791.20201113
Inédit au recueil Lebon

M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH, avocats


Lecture du vendredi 13 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société C Propre a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols au paiement d'une indemnité de 96 830,87 euros en réparation des conséquences dommageables de son éviction irrégulière de la procédure de passation d'un marché de nettoyage, majorée des intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2015 et du produit de leur capitalisation. Par un jugement n° 1503106 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Nîmes a condamné l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols à verser à la société C Propre une indemnité de 3 500 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2015, a ordonné la capitalisation de ces intérêts à la date du 6 juillet 2016 et a rejeté le surplus des conclusions de la société C Propre.

Par un arrêt n°s 18MA01161, 18MA01291 du 20 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appels de la société C Propre et de l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols, porté le montant de l'indemnité mise à la charge de l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols au profit de la société C Propre à 35 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour de l'arrêt et capitalisation de ces intérêts, et annulé ce jugement en ce qu'il a de contraire à cet arrêt.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 juillet et 22 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société C propre la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 ;
- le décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 20 octobre 2020, présentée par l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols a lancé, en novembre 2014, un avis public d'appel à concurrence en vue de l'attribution d'un marché ayant pour objet le nettoyage des parties communes et abords de ses immeubles dans le secteur d'Alès (lot n° 1), le secteur de Grande Couronne (lot n° 2) et le secteur de Bagnols-sur-Cèze (lot n° 3). Cinq offres ont été présentées au titre des lots n° 1 et 2, six au titre du lot n° 3. Le 2 février 2015, l'office a invité par courriel la société C Propre, candidate aux trois lots, à lui apporter des précisions sur ses prix unitaires. Au terme de l'examen des offres, celles de la société C Propre ont été rejetées pour les trois lots, par des courriers datés du 12 février 2015, au motif qu'elles étaient anormalement basses. Par un arrêt du 20 mai 2019, contre lequel l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a porté à 35 000 euros, y compris les intérêts échus à la date de l'arrêt et capitalisation de ces derniers, le montant de l'indemnité mise à sa charge au profit de la société C Propre par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1503106 du 25 janvier 2018 et annulé ce jugement en ce qu'il avait de contraire à l'arrêt.

2. Aux termes de l'article 24 du décret du 30 décembre 2005 fixant les règles applicables aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs mentionnés à l'article 3 de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics : " I. - Le pouvoir adjudicateur vérifie la conformité des offres aux exigences indiquées dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation. Il élimine les offres non conformes et attribue le marché en se fondant sur les critères prévus au II. / II. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères, notamment le délai de livraison ou d'exécution, le coût global d'utilisation, la rentabilité, la qualité, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques environnementales, la valeur technique, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, le prix, la date de livraison, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; /2° Soit sur le seul critère du prix. (...) " Aux termes de l'article 26 du même texte : " Si une offre paraît anormalement basse, le pouvoir adjudicateur peut la rejeter par décision motivée après avoir demandé par écrit les précisions qu'il juge utiles et vérifié les justifications fournies. / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / (...) / 4° Les dispositions relatives aux conditions de travail en vigueur là où la prestation est réalisée ; (...) "

3. Le fait, pour un pouvoir adjudicateur, de retenir une offre anormalement basse porte atteinte à l'égalité entre les candidats à l'attribution d'un marché public. Il résulte des dispositions précitées que, quelle que soit la procédure de passation mise en oeuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature, ainsi, à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre.

4. En premier lieu, en appréciant le caractère suffisant des justifications du prix de son offre apportées par la société C Propre en réponse à la demande de l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols, au regard tant de la précision de cette demande que du prix proposé par la société candidate, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

5. En deuxième lieu, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que la société C Propre avait apporté les justifications suffisantes pour permettre au pouvoir adjudicateur de vérifier que son offre n'était pas manifestement sous-évaluée.

6. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en faisant peser sur l'office public requérant la charge de la preuve du caractère anormalement bas de l'offre manque en fait.

7. En dernier lieu, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait entaché son arrêt d'une erreur de droit en condamnant l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols à verser une indemnité de 33 000 euros à la société C Propre au titre de son manque à gagner résultant de son éviction des lots n° 1 et n° 3, alors qu'en l'absence de clause fixant un montant minimum en valeur ou en quantité dans le cadre des marchés à bons de commande, cette société ne pouvait se prévaloir de l'existence d'un préjudice certain, n'a pas été invoqué devant la cour. Ce moyen n'est pas né de l'arrêt attaqué et n'est pas d'ordre public. Par suite, l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols ne peut utilement le soulever pour contester le bien-fondé de l'arrêt qu'il attaque.

8. Il résulte de ce qui précède que l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 mai 2019.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société C Propre qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'office public de l'habitat Alès Agglomération - Logis Cévenols.
Copie en sera adressée à la société C Propre et à la société Auxi net.