Conseil d'État
N° 433139
ECLI:FR:CECHS:2020:433139.20201118
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mercredi 18 novembre 2020
Vu la procédure suivante :
Le préfet de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2015 par lequel le maire de Mormoiron a délivré à M. A... C... un permis de construire destiné à régulariser l'extension d'un bâtiment agricole et le changement partiel de destination de ce hangar en logement. Par un jugement n 1503176 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ce déféré.
Par un arrêt n° 17MA03896 du 28 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le préfet de Vaucluse contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 18 septembre 2019 au secrétariat du Conseil d'Etat, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;
- la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 ;
- l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... D..., conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. C... et de la commune de Mormoiron ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 mai 2015, le maire de Mormoiron a délivré à M. C... un permis de construire destiné à régulariser l'extension d'un hangar agricole et le changement partiel de destination de ce hangar en logement. Par un jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme irrecevable le déféré formé par le préfet de Vaucluse contre cet arrêté au motif que la délivrance des permis de construire dans la commune relevant de la compétence de l'Etat, il appartenait au préfet, s'il l'estimait illégal, de le retirer. Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel que le préfet de Vaucluse a formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, applicable à la date d'approbation de la carte communale de Mormoiron, le 27 décembre 2001 : " Dans les communes où une carte communale ou un plan local d'urbanisme a été approuvé, le permis de construire est délivré par le maire au nom de la commune. Toutefois, lors de sa délibération approuvant la carte communale, le conseil municipal peut décider que les permis de construire sont délivrés au nom de l'Etat (...). / Le transfert de compétence au maire agissant au nom de la commune est définitif (...) ".
3. L'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme a ensuite été modifié par l'article 68 de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat pour prévoir, de même que l'article L. 422-1 du même code qui en a repris les dispositions à compter du 1er octobre 2007 par l'effet de l'article 15 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme, que le transfert, aux communes qui se dotaient de cartes communales, de la compétence pour délivrer les permis de construire n'intervenait que " si le conseil municipal en a décidé ainsi ", tout en rappelant que, lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif. Enfin, cet article L. 422-1 a été modifié par le V de l'article 134 de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové pour prévoir que : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ".
4. Ni les dispositions de la loi du 2 juillet 2003, ni celles de la loi du 24 mars 2014 n'ont entendu remettre en cause la compétence du maire pour délivrer le permis de construire au nom de la commune dans toutes les communes où le transfert de compétence à cette collectivité était déjà intervenu, à titre définitif, en vertu des dispositions de l'article L. 421 2-1 du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure. Par suite, s'il résulte des dispositions de l'article L. 422-1 de ce code, dans leur rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, que, dans les communes qui s'étaient dotées d'une carte communale antérieurement au 27 mars 2014, le maire est compétent pour délivrer le permis de construire au nom de la commune lorsqu'une délibération du conseil municipal l'a prévu, ce n'est toutefois qu'à la condition que le transfert définitif de cette compétence de l'Etat à la commune ne soit pas déjà intervenu en application des dispositions de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure à la loi du 2 juillet 2003.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Mormoiron s'est dotée d'une carte communale approuvée par délibération de son conseil municipal du 27 décembre 2001, sans décider à cette occasion que les permis de construire seraient délivrés au nom de l'Etat. Dès lors, il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'approbation de la carte communale a eu pour effet de transférer définitivement à la commune la compétence de l'Etat en matière de délivrance des permis de construire.
6. Par suite, en jugeant que le permis de construire délivré par le maire de Mormoiron à M. C... le 25 mai 2015 l'avait été par la commune au nom de l'Etat, de sorte que le préfet n'était pas recevable à former un recours contre cette décision qu'il avait le pourvoi de retirer, la cour a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Mormoiron et de M. C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de Mormoiron et à M. A... C....
N° 433139
ECLI:FR:CECHS:2020:433139.20201118
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Bénédicte Fauvarque-Cosson, rapporteur
Mme Marie Sirinelli, rapporteur public
SCP ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mercredi 18 novembre 2020
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le préfet de Vaucluse a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 mai 2015 par lequel le maire de Mormoiron a délivré à M. A... C... un permis de construire destiné à régulariser l'extension d'un bâtiment agricole et le changement partiel de destination de ce hangar en logement. Par un jugement n 1503176 du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ce déféré.
Par un arrêt n° 17MA03896 du 28 mai 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par le préfet de Vaucluse contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 18 septembre 2019 au secrétariat du Conseil d'Etat, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;
- la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 ;
- l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 ;
- la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... D..., conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. C... et de la commune de Mormoiron ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 25 mai 2015, le maire de Mormoiron a délivré à M. C... un permis de construire destiné à régulariser l'extension d'un hangar agricole et le changement partiel de destination de ce hangar en logement. Par un jugement du 18 juillet 2017, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté comme irrecevable le déféré formé par le préfet de Vaucluse contre cet arrêté au motif que la délivrance des permis de construire dans la commune relevant de la compétence de l'Etat, il appartenait au préfet, s'il l'estimait illégal, de le retirer. Le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel que le préfet de Vaucluse a formé contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 31 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, applicable à la date d'approbation de la carte communale de Mormoiron, le 27 décembre 2001 : " Dans les communes où une carte communale ou un plan local d'urbanisme a été approuvé, le permis de construire est délivré par le maire au nom de la commune. Toutefois, lors de sa délibération approuvant la carte communale, le conseil municipal peut décider que les permis de construire sont délivrés au nom de l'Etat (...). / Le transfert de compétence au maire agissant au nom de la commune est définitif (...) ".
3. L'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme a ensuite été modifié par l'article 68 de la loi du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat pour prévoir, de même que l'article L. 422-1 du même code qui en a repris les dispositions à compter du 1er octobre 2007 par l'effet de l'article 15 de l'ordonnance du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme, que le transfert, aux communes qui se dotaient de cartes communales, de la compétence pour délivrer les permis de construire n'intervenait que " si le conseil municipal en a décidé ainsi ", tout en rappelant que, lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif. Enfin, cet article L. 422-1 a été modifié par le V de l'article 134 de la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové pour prévoir que : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire (...) est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale après la date de publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové. Dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale avant cette date, le maire est compétent, au nom de la commune, après délibération du conseil municipal. En l'absence de décision du conseil municipal, le maire est compétent, au nom de la commune, à compter du 1er janvier 2017. Lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, il est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes (...) ".
4. Ni les dispositions de la loi du 2 juillet 2003, ni celles de la loi du 24 mars 2014 n'ont entendu remettre en cause la compétence du maire pour délivrer le permis de construire au nom de la commune dans toutes les communes où le transfert de compétence à cette collectivité était déjà intervenu, à titre définitif, en vertu des dispositions de l'article L. 421 2-1 du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure. Par suite, s'il résulte des dispositions de l'article L. 422-1 de ce code, dans leur rédaction issue de la loi du 24 mars 2014, que, dans les communes qui s'étaient dotées d'une carte communale antérieurement au 27 mars 2014, le maire est compétent pour délivrer le permis de construire au nom de la commune lorsqu'une délibération du conseil municipal l'a prévu, ce n'est toutefois qu'à la condition que le transfert définitif de cette compétence de l'Etat à la commune ne soit pas déjà intervenu en application des dispositions de l'article L. 421-2-1 du code de l'urbanisme dans leur rédaction antérieure à la loi du 2 juillet 2003.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Mormoiron s'est dotée d'une carte communale approuvée par délibération de son conseil municipal du 27 décembre 2001, sans décider à cette occasion que les permis de construire seraient délivrés au nom de l'Etat. Dès lors, il résulte des dispositions citées ci-dessus que l'approbation de la carte communale a eu pour effet de transférer définitivement à la commune la compétence de l'Etat en matière de délivrance des permis de construire.
6. Par suite, en jugeant que le permis de construire délivré par le maire de Mormoiron à M. C... le 25 mai 2015 l'avait été par la commune au nom de l'Etat, de sorte que le préfet n'était pas recevable à former un recours contre cette décision qu'il avait le pourvoi de retirer, la cour a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est fondé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 28 mai 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Mormoiron et de M. C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de Mormoiron et à M. A... C....