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Ariane Web: Conseil d'État 436578, lecture du 4 février 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:436578.20210204

Décision n° 436578
4 février 2021
Conseil d'État

N° 436578
ECLI:FR:CECHS:2021:436578.20210204
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
Mme Dominique Agniau-Canel, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du jeudi 4 février 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 6 juillet 2018 par laquelle le directeur départemental des territoires a rejeté sa réclamation relative au montant de la taxe d'aménagement due au titre de travaux au lieu-dit Nogles à La-Vineuse-Sur-Frégande. Par un jugement n° 1802329 du 30 septembre 2019, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à sa demande.

Par un pourvoi enregistré le 9 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
-le code général des impôts ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dominique Agniau-Canel, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a déposé une déclaration préalable, le 9 janvier 2017, pour l'aménagement d'une grange en atelier de loisirs et pour la pose de quatre châssis de fenêtre dans la toiture. Une décision de non-opposition à cette déclaration a été prise par arrêté du 30 janvier 2017. Le 18 janvier 2018, M. B... a été informé du montant de la taxe d'aménagement due au titre de ce projet, soit 6795 euros. Le 22 février 2018, un titre de perception a été émis, d'un montant de 3398 euros, correspondant à la première fraction de la somme de 6795 euros. A la suite d'une visite sur place le 22 mai 2020 de la direction départementale des territoires de Saône-et-Loire, M. B... a été informé, par un courrier du 18 juin 2018, que la montant de sa taxe d'aménagement était réduit à 3908 euros, son assiette ayant été rectifiée. Après rejet de sa réclamation contentieuse, M. B... a saisi le tribunal administratif de Dijon qui, par un jugement du 30 septembre 2019, a fait droit à sa demande et a prononcé la décharge de la taxe d'aménagement à laquelle il était assujetti. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales se pourvoit en cassation contre ce jugement.

2. L'article L. 331-6 du code de l'urbanisme dispose que : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, sous réserve des dispositions des articles L. 331-7 à L. 331-9 (..) ". Selon l'article L. 331-7 du même code, " Sont exonérés de la part communale ou intercommunale de la taxe : / 3° Dans les exploitations et coopératives agricoles, les surfaces de plancher des serres de production, celles des locaux destinés à abriter les récoltes, à héberger les animaux, à ranger et à entretenir le matériel agricole, celles des locaux de production et de stockage des produits à usage agricole, celles des locaux de transformation et de conditionnement des produits provenant de l'exploitation (...) ". Enfin, en application de l'article R. 331-1 du même code : " Sont assujetties à la taxe d'aménagement les opérations de construction soumises à déclaration préalable ou à permis de construire qui ont pour effet de changer la destination des locaux mentionnés au 3° de l'article L. 331-7. ". Il résulte de ces dispositions que des opérations de reconstruction nécessitant une autorisation d'urbanisme, ayant pour effet un changement de destination de surfaces de plancher agricoles, donnent lieu à la taxe d'aménagement.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge de fond qu'un changement de destination pour une superficie de 153 m² était mentionné dans la déclaration préalable de M. B.... La direction départementale des territoires de Sâone-et-Loire a constaté, à la suite de sa visite sur place, d'une part, que les locaux en rez-de-chaussée de la grange, servant autrefois d'étable et d'écurie, étaient désormais utilisés à titre de locaux accessoires à l'habitation et ne constituaient pas de nouvelles surfaces taxables et, d'autre part, qu'avaient été créés de nouveaux planchers à l'étage, servant autrefois de fenil, d'une superficie de 88 m², désormais utilisés pour l'exposition des oeuvres de M. B..., sans lien avec une activité agricole. La surface finalement retenue pour le calcul de la taxe d'aménagement due au titre du changement de destination de locaux agricoles autrefois exonérés a alors été ramenée à 88 m².

4. Pour accorder la décharge des cotisations de taxe d'aménagement en litige, le tribunal administratif a relevé qu'en décidant, à la suite de cette visite, de réduire le montant de la taxe, l'administration avait, implicitement mais nécessairement, considéré que la grange avait intégralement perdu sa destination agricole, et qu'il n'y avait dès lors pas de surface créée par changement de destination. En interprétant ainsi la décision attaquée comme la reconnaissance de la perte de la destination agricole de l'ensemble du bâtiment, alors qu'il résultait des termes mêmes de sa réponse au recours gracieux de M. B... que l'administration avait explicitement qualifié la transformation des fenils du premier étage en atelier de loisirs de changement de destination, nécessitant une déclaration préalable donnant lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, le tribunal s'est mépris sur sa portée. Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son jugement doit, par suite, être annulé.

5. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Célice-Texidor-Périer, avocat de M. B....



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 septembre 2019 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Dijon.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à Monsieur A... B....