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Ariane Web: Conseil d'État 449040, lecture du 6 avril 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:449040.20210406

Décision n° 449040
6 avril 2021
Conseil d'État

N° 449040
ECLI:FR:CECHR:2021:449040.20210406
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Martin Guesdon, rapporteur
M. Laurent Cytermann, rapporteur public


Lecture du mardi 6 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Par deux mémoires, enregistrés les 25 janvier et 22 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-1447 du 25 novembre 2020 portant diverses mesures en matière de santé et de famille dans la fonction publique, l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Fonction publique demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article 7 de cette ordonnance.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- le code pénal ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Martin Guesdon, auditeur,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Aux termes du I de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 : " Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service ". L'article 7 de l'ordonnance du 25 novembre 2020 introduit à ce même article un VIII, qui dispose que " Nonobstant toutes dispositions contraires, peuvent être communiqués, sur leur demande, aux services administratifs placés auprès de l'autorité à laquelle appartient le pouvoir de décision et dont les agents sont tenus au secret professionnel, les seuls renseignements médicaux ou pièces médicales dont la production est indispensable pour l'examen des droits définis par le présent article ".

3. L'UNSA Fonction publique soutient que les dispositions précitées de l'article 7 de l'ordonnance du 25 novembre 2020 porte atteinte au droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen.

Sur les interventions de l'association des DRH des grandes collectivités et de l'association nationale de médecine professionnelle des personnels territoriaux :

4. Ces associations justifient d'un intérêt suffisant à l'annulation des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 25 novembre 2020. Leurs interventions sont, par suite, recevables.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Les dispositions contestées sont applicables au litige et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et les dispositifs d'une décision du Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles méconnaissent le droit au respect de la vie privée garanti par l'article 2 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 en l'absence de garanties suffisantes soulève une question présentant un caractère sérieux. Dans ces conditions, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.



D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de l'association des DRH des grandes collectivités et de l'association nationale de médecine professionnelle des personnels territoriaux sont admises.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 25 novembre 2020 est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Fonction publique, à l'association des DRH des grandes collectivités, à l'association nationale de médecine professionnelle des personnels territoriaux, au Premier ministre et à la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
Copie sera transmise au ministre des armées, au ministre des solidarités et de la santé, au ministre de l'économie, des finances et de la relance ainsi qu'au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.