Conseil d'État
N° 446026
ECLI:FR:CECHS:2021:446026.20210422
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Manon Chonavel, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
Lecture du jeudi 22 avril 2021
Vu la procédure suivante :
M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'élection de M. D... E... lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lisses en vue de l'élection des conseillers municipaux. Par un jugement n° 2004028 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'élection de M. E... en qualité de conseiller municipal et a proclamé élue Mme G... I....
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la protestation de M. F... et de valider son élection ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 avril 2021, présentée par M. E... ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... H..., auditrice,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lisses, M. D... E... a été élu en qualité de conseiller municipal. Il relève appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi d'une protestation de M. F..., a annulé son élection et déclaré Mme G... I... élue à sa place.
2. Aux termes de l'article L. 228 du code électoral : " Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection. "
Sur la régularité du jugement :
3. D'une part, il résulte de ses termes mêmes que le jugement écarte la fin de non-recevoir soulevée devant lui par M. E..., tirée de l'irrecevabilité de conclusions tendant à l'annulation de l'élection d'un seul conseiller municipal. Il ne saurait être regardé comme ayant omis d'y statuer au motif qu'il n'aurait pas visé de façon détaillée l'argumentation apportée à son soutien.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative : " Les requêtes en matière d'élections municipales et cantonales sont présentées, instruites et jugées dans les formes prescrites par le présent code, par le code électoral et par les lois particulières en la matière ". Aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. / Dans l'un et l'autre cas, la notification est faite, dans les trois jours de l'enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l'élection est contestée qui sont avisés en même temps qu'ils ont cinq jours pour tout délai à l'effet de déposer leurs défenses au greffe (...) ". Aux termes de l'article R. 120 du même code : " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...) ". Il résulte de ces dispositions que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative qui prévoient que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes, les tribunaux administratifs ne sont tenus de communiquer que la protestation et qu'il appartient aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance des autres mémoires ultérieurement enregistrés ou des mémoires en défense au greffe du tribunal administratif.
5. Il ressort des pièces du dossier du tribunal administratif que M. F... avait versé à l'instruction un courrier de la direction générale des finances publiques établissant qu'il était inscrit au rôle de la taxe d'habitation et de la taxe foncière de la commune de Lisses, ce dont il résultait qu'il était éligible dans cette commune en application des dispositions de l'article L. 228 du code électoral, citées au point 2, de sorte qu'il avait qualité pour agir devant le tribunal administratif en vertu de l'article L. 248 du code électoral, qui ouvre à " tout électeur et tout éligible " le droit de contester les opérations électorales de la commune. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la circonstance que cette pièce, produite par M. F... postérieurement à l'introduction de sa protestation, n'aurait pas été communiquée à M. E..., n'est pas de nature à caractériser une atteinte au caractère contradictoire de l'instruction.
Sur le litige :
6. En premier lieu, la circonstance que l'article L. 264 du code électoral impose que les listes de candidatures aux élections municipales soient composées alternativement d'un candidat de chaque sexe ne fait nullement obstacle, contrairement à ce que soutient M. E..., à ce que le juge de l'élection soit régulièrement saisi d'une protestation concluant à l'annulation de l'élection d'un unique candidat.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. E..., élu comme il a été dit le 28 juin 2020 en qualité de conseiller municipal de Lisses, n'était pas électeur dans cette commune. Si M. E... soutient qu'il était néanmoins éligible en application des dispositions de l'article L. 228 du code électoral, citées au point 2, au motif qu'il devait être inscrit au rôle des contributions directes de la commune le 1er janvier 2020, il lui appartient d'en justifier par des pièces ayant date certaine, sans que l'attestation du directeur départemental des finances publiques du 27 janvier 2020, versée à l'instruction par le protestataire, selon laquelle, sous réserve d'une modification de la situation de M. E..., les documents présentés par celui-ci lui permettent d'être inscrit au rôle de l'année 2020 des impôts directs locaux dans la commune de Lisses, soit à elle seule de nature à l'établir. Pour justifier qu'il devait être inscrit au rôle des contributions directes de la commune de Lisses le 1er janvier 2020, M. E... se prévaut de l'activité professionnelle d'agent immobilier qu'il soutient y avoir exercé depuis le dernier trimestre 2019. Toutefois, d'une part, le chiffre d'affaire éventuellement engendré par celle-ci avait vocation à être imposé au titre de l'impôt sur le revenu de l'intéressé, qui réside à Sceaux, dès lors qu'elle était exercée sous le régime des micro-entreprises prévu à l'article 50-0 du code général des impôts. D'autre part, aucun des documents qu'il a produits en première instance, se rapportant tous à la création de cette activité, à savoir un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements (SIRENE) de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en date du 18 septembre 2019, une notification d'affiliation à la sécurité sociale pour les indépendants du 24 septembre 2019, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne du 30 septembre 2019 accusant réception de la déclaration de sa nouvelle situation de micro-entrepreneur et une déclaration trimestrielle de chiffre d'affaires du 4 octobre 2019 à la l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), ne mentionnant d'ailleurs aucun montant, ne permet d'établir qu'il était ou devait être inscrit au rôle des contributions directes communales de Lisses au 1er janvier 2020 au titre d'une contribution directe locale. M. E... n'apporte en appel aucune pièce nouvelle pour en justifier. Par suite, et sans que cette circonstance soit de nature à caractériser une rupture d'égalité entre les candidats selon leur activité professionnelle, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé par un jugement qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, qu'il était inéligible et qu' il y avait lieu de d'annuler son élection et de proclamer élue à sa place, en qualité de conseiller municipal de Lisses, Mme G... I..., première candidate non élue de la liste conduite par M. A..., sur laquelle M. E... était lui-même candidat.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. E... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. F....
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.
N° 446026
ECLI:FR:CECHS:2021:446026.20210422
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme Manon Chonavel, rapporteur
M. Vincent Villette, rapporteur public
Lecture du jeudi 22 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler l'élection de M. D... E... lors des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lisses en vue de l'élection des conseillers municipaux. Par un jugement n° 2004028 du 20 octobre 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé l'élection de M. E... en qualité de conseiller municipal et a proclamé élue Mme G... I....
Par une requête, enregistrée le 6 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la protestation de M. F... et de valider son élection ;
3°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 avril 2021, présentée par M. E... ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... H..., auditrice,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. A l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 28 juin 2020 dans la commune de Lisses, M. D... E... a été élu en qualité de conseiller municipal. Il relève appel du jugement du 20 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles, saisi d'une protestation de M. F..., a annulé son élection et déclaré Mme G... I... élue à sa place.
2. Aux termes de l'article L. 228 du code électoral : " Sont éligibles au conseil municipal tous les électeurs de la commune et les citoyens inscrits au rôle des contributions directes ou justifiant qu'ils devaient y être inscrits au 1er janvier de l'année de l'élection. "
Sur la régularité du jugement :
3. D'une part, il résulte de ses termes mêmes que le jugement écarte la fin de non-recevoir soulevée devant lui par M. E..., tirée de l'irrecevabilité de conclusions tendant à l'annulation de l'élection d'un seul conseiller municipal. Il ne saurait être regardé comme ayant omis d'y statuer au motif qu'il n'aurait pas visé de façon détaillée l'argumentation apportée à son soutien.
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative : " Les requêtes en matière d'élections municipales et cantonales sont présentées, instruites et jugées dans les formes prescrites par le présent code, par le code électoral et par les lois particulières en la matière ". Aux termes de l'article R. 119 du code électoral : " Les réclamations contre les opérations électorales doivent être consignées au procès-verbal, sinon être déposées, à peine d'irrecevabilité, au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour qui suit l'élection, à la sous-préfecture ou à la préfecture. Elles sont immédiatement adressées au préfet qui les fait enregistrer au greffe du tribunal administratif. / Les protestations peuvent également être déposées directement au greffe du tribunal administratif dans le même délai. / Dans l'un et l'autre cas, la notification est faite, dans les trois jours de l'enregistrement de la protestation, aux conseillers dont l'élection est contestée qui sont avisés en même temps qu'ils ont cinq jours pour tout délai à l'effet de déposer leurs défenses au greffe (...) ". Aux termes de l'article R. 120 du même code : " Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation au greffe (...) ". Il résulte de ces dispositions que, par dérogation aux dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative qui prévoient que la requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes, les tribunaux administratifs ne sont tenus de communiquer que la protestation et qu'il appartient aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance des autres mémoires ultérieurement enregistrés ou des mémoires en défense au greffe du tribunal administratif.
5. Il ressort des pièces du dossier du tribunal administratif que M. F... avait versé à l'instruction un courrier de la direction générale des finances publiques établissant qu'il était inscrit au rôle de la taxe d'habitation et de la taxe foncière de la commune de Lisses, ce dont il résultait qu'il était éligible dans cette commune en application des dispositions de l'article L. 228 du code électoral, citées au point 2, de sorte qu'il avait qualité pour agir devant le tribunal administratif en vertu de l'article L. 248 du code électoral, qui ouvre à " tout électeur et tout éligible " le droit de contester les opérations électorales de la commune. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la circonstance que cette pièce, produite par M. F... postérieurement à l'introduction de sa protestation, n'aurait pas été communiquée à M. E..., n'est pas de nature à caractériser une atteinte au caractère contradictoire de l'instruction.
Sur le litige :
6. En premier lieu, la circonstance que l'article L. 264 du code électoral impose que les listes de candidatures aux élections municipales soient composées alternativement d'un candidat de chaque sexe ne fait nullement obstacle, contrairement à ce que soutient M. E..., à ce que le juge de l'élection soit régulièrement saisi d'une protestation concluant à l'annulation de l'élection d'un unique candidat.
7. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que M. E..., élu comme il a été dit le 28 juin 2020 en qualité de conseiller municipal de Lisses, n'était pas électeur dans cette commune. Si M. E... soutient qu'il était néanmoins éligible en application des dispositions de l'article L. 228 du code électoral, citées au point 2, au motif qu'il devait être inscrit au rôle des contributions directes de la commune le 1er janvier 2020, il lui appartient d'en justifier par des pièces ayant date certaine, sans que l'attestation du directeur départemental des finances publiques du 27 janvier 2020, versée à l'instruction par le protestataire, selon laquelle, sous réserve d'une modification de la situation de M. E..., les documents présentés par celui-ci lui permettent d'être inscrit au rôle de l'année 2020 des impôts directs locaux dans la commune de Lisses, soit à elle seule de nature à l'établir. Pour justifier qu'il devait être inscrit au rôle des contributions directes de la commune de Lisses le 1er janvier 2020, M. E... se prévaut de l'activité professionnelle d'agent immobilier qu'il soutient y avoir exercé depuis le dernier trimestre 2019. Toutefois, d'une part, le chiffre d'affaire éventuellement engendré par celle-ci avait vocation à être imposé au titre de l'impôt sur le revenu de l'intéressé, qui réside à Sceaux, dès lors qu'elle était exercée sous le régime des micro-entreprises prévu à l'article 50-0 du code général des impôts. D'autre part, aucun des documents qu'il a produits en première instance, se rapportant tous à la création de cette activité, à savoir un certificat d'inscription au répertoire des entreprises et des établissements (SIRENE) de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en date du 18 septembre 2019, une notification d'affiliation à la sécurité sociale pour les indépendants du 24 septembre 2019, un courrier de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne du 30 septembre 2019 accusant réception de la déclaration de sa nouvelle situation de micro-entrepreneur et une déclaration trimestrielle de chiffre d'affaires du 4 octobre 2019 à la l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), ne mentionnant d'ailleurs aucun montant, ne permet d'établir qu'il était ou devait être inscrit au rôle des contributions directes communales de Lisses au 1er janvier 2020 au titre d'une contribution directe locale. M. E... n'apporte en appel aucune pièce nouvelle pour en justifier. Par suite, et sans que cette circonstance soit de nature à caractériser une rupture d'égalité entre les candidats selon leur activité professionnelle, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé par un jugement qui n'est entaché d'aucune contradiction de motifs, qu'il était inéligible et qu' il y avait lieu de d'annuler son élection et de proclamer élue à sa place, en qualité de conseiller municipal de Lisses, Mme G... I..., première candidate non élue de la liste conduite par M. A..., sur laquelle M. E... était lui-même candidat.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. E... doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. F....
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. F... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... E..., à M. C... F... et au ministre de l'intérieur.