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Ariane Web: Conseil d'État 441402, lecture du 28 avril 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:441402.20210428

Décision n° 441402
28 avril 2021
Conseil d'État

N° 441402
ECLI:FR:CECHS:2021:441402.20210428
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme Cécile Vaullerin, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP BUK LAMENT - ROBILLOT, avocats


Lecture du mercredi 28 avril 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er juillet 2016 par lequel le maire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) a délivré à M. E... un permis de construire une maison individuelle sur la parcelle cadastrée AE n° 550, située 18 avenue Jules Verne, sur le territoire de cette commune. Par un jugement n° 1607714 du 5 mars 2019, le tribunal administratif a annulé cet arrêté.

Par un arrêt nos 19NT01716, 19NT01721 du 28 février 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels formés par M. E... et la commune de Saint-Brévin-les-Pins contre ce jugement.

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin et 24 septembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... E... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B..., la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... F..., auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. E... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 1er juillet 2016, le maire de Saint-Brévin-les-Pins (Loire-Atlantique) a délivré à M. E... un permis de construire une maison individuelle d'habitation. Par un jugement du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a jugé que le projet méconnaissait les dispositions de l'article Ua 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune et que ce vice n'était pas susceptible d'être régularisé dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. M. E... se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qui a rejeté son appel formé contre ce jugement. Les conclusions de son pourvoi doivent toutefois être regardées comme ne tendant à l'annulation de cet arrêt qu'en tant qu'il refuse de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

2. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". L'article L. 600-5-1 de ce code dispose : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.

4. Après avoir retenu que le projet en litige, qui prévoyait une implantation à trois mètres de la limite séparative, soit à une distance inférieure à la hauteur du bâtiment, n'était pas conforme aux dispositions l'article Ua 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Saint-Brévin-les-Pins, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée, pour refuser de faire application des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme précités, sur la circonstance que la régularisation affecterait la conception générale du projet et serait, en outre, de nature influer sur sa perception visuelle et son insertion dans l'environnement. En statuant ainsi, sans se limiter à rechercher si une mesure de régularisation impliquerait d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que M. E... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. E... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 28 février 2020 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. E... tendant à la mise en oeuvre des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, devant la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. E... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C... E..., à M. et Mme D... B... et à la commune de Saint-Brevin-les-Pins.