Conseil d'État
N° 441377
ECLI:FR:CECHR:2021:441377.20210625
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 25 juin 2021
Vu la procédure suivante :
L'office public de l'habitat (OPH) Aube Immobilier a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2018 pour un montant de 53 044 euros à raison d'un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes situé à Sainte-Savine (Aube). Par un jugement n° 1900508 du 23 avril 2020, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 juin et 23 septembre 2020 et le 15 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OPH Aube Immobilier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'OPH Aube Immobilier ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'OPH Aube immobilier a été assujetti au titre de l'année 2018 à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères dans les rôles de la commune de Sainte-Savine (Aube), à raison de locaux occupés par un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). L'administration a informé l'OPH Aube Immobilier de ce que ce rehaussement procédait de la détermination de la valeur locative de l'immeuble selon la méthode applicable aux locaux professionnels en vertu de l'article 1498 du code général des impôts, en lieu et place de la méthode prévue par l'article 1496 pour les locaux affectés à l'habitation, qui avait précédemment été appliquée. L'OPH Aube Immobilier se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
2. Aux termes du I de l'article 1496 du code général des impôts : " La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux. " Aux termes de l'article 1498 de ce code, dans sa version issue de la codification, par la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, des dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 applicables aux impositions établies à compter de 2017 : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter. / Elle est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II ". Enfin, aux termes du décret du 10 octobre 2011 fixant les sous-groupes et catégories de locaux professionnels en vue de l'évaluation de leur valeur locative, pris pour l'application de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, applicable aux impositions établies à compter de 2017 et aujourd'hui codifié à l'article 310 Q de l'annexe 2 au même code : " Pour l'application du second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, les propriétés bâties mentionnées au premier alinéa de ce même I sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : / (...) / Sous-groupe VIII : cliniques et établissements du secteur sanitaire et social : / (...) / Catégorie 3 : maisons de repos, maisons de retraite (médicalisées ou non) ".
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations, notamment lorsque l'administration procède, en application de l'article 1508 du code général des impôts, au redressement des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties d'un contribuable pour insuffisance d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502 du même code. Toutefois, l'administration n'est pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsque, estimant que des locaux dont la valeur locative avait été déterminée selon une autre méthode relèvent du champ de l'article 1498 de ce code, elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation de ceux-ci. En conséquence, en estimant, par une appréciation exempte de dénaturation, que le service avait, en l'espèce, effectué une nouvelle évaluation sans remettre en cause les éléments déclarés par le contribuable, au motif que les biens taxables devaient être regardés, non comme des locaux d'habitation, mais comme des locaux professionnels au sens de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En second lieu, ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit et dénaturé les faits en jugeant que l'OPH Aube Immobilier avait été mis en mesure de présenter ses observations à la suite de la réception d'un courrier du 29 août 2018, qui sont dirigés, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, contre un motif surabondant du jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Dès lors qu'il est constant que les locaux en litige sont occupés par un EHPAD, maison de retraite, ils sont inclus dans la liste des sous-groupes et catégories de locaux professionnels prévue par les dispositions aujourd'hui codifiées à l'article 310 Q de l'annexe 2 au code général des impôts citées au point 2 et ainsi placés dans le champ de l'article 1498 de ce code aux fins de détermination de leur valeur locative. Par suite, en jugeant, par une motivation suffisante, que les locaux en litige avaient été régulièrement évalués selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
6. Enfin, saisi uniquement d'une argumentation tirée de ce que la valeur locative des locaux en litige aurait dû être déterminée suivant la méthode applicable aux locaux d'habitation, il n'appartenait pas au tribunal de relever d'office le moyen tiré de ce que ces locaux auraient été éligibles à l'exonération prévue par le 1° de l'article 1382 du code général des impôts en faveur des locaux appartenant à des établissements publics d'assistance, alors au demeurant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que les conditions en seraient remplies. Par suite, le tribunal n'a ni méconnu son office, ni commis d'erreur de droit en ne recherchant pas d'office si l'immeuble en cause entrait dans le champ de cette exonération.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH Aube Immobilier n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'OPH Aube Immobilier est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Office public de l'habitat Aube Immobilier et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
N° 441377
ECLI:FR:CECHR:2021:441377.20210625
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
Mme Ophélie Champeaux, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
Lecture du vendredi 25 juin 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
L'office public de l'habitat (OPH) Aube Immobilier a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2018 pour un montant de 53 044 euros à raison d'un établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes situé à Sainte-Savine (Aube). Par un jugement n° 1900508 du 23 avril 2020, ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 23 juin et 23 septembre 2020 et le 15 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'OPH Aube Immobilier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Ophélie Champeaux, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'OPH Aube Immobilier ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'OPH Aube immobilier a été assujetti au titre de l'année 2018 à des cotisations supplémentaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d'enlèvement des ordures ménagères dans les rôles de la commune de Sainte-Savine (Aube), à raison de locaux occupés par un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). L'administration a informé l'OPH Aube Immobilier de ce que ce rehaussement procédait de la détermination de la valeur locative de l'immeuble selon la méthode applicable aux locaux professionnels en vertu de l'article 1498 du code général des impôts, en lieu et place de la méthode prévue par l'article 1496 pour les locaux affectés à l'habitation, qui avait précédemment été appliquée. L'OPH Aube Immobilier se pourvoit en cassation contre le jugement du 23 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
2. Aux termes du I de l'article 1496 du code général des impôts : " La valeur locative des locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile est déterminée par comparaison avec celle de locaux de référence choisis, dans la commune, pour chaque nature et catégorie de locaux. " Aux termes de l'article 1498 de ce code, dans sa version issue de la codification, par la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, des dispositions de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 applicables aux impositions établies à compter de 2017 : " I. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie, autres que les locaux mentionnés au I de l'article 1496, que les établissements industriels mentionnés à l'article 1499 et que les locaux dont la valeur locative est déterminée dans les conditions particulières prévues à l'article 1501, est déterminée selon les modalités prévues aux II ou III du présent article. / Les propriétés mentionnées au premier alinéa sont classées dans des sous-groupes, définis en fonction de leur nature et de leur destination. A l'intérieur d'un sous-groupe, elles sont classées par catégories, en fonction de leur utilisation, de leurs caractéristiques physiques, de leur situation et de leur consistance. Les sous-groupes et catégories de locaux sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. / II. - A. - La valeur locative de chaque propriété bâtie ou fraction de propriété bâtie mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif à la date de référence du 1er janvier 2013, sous réserve de la mise à jour prévue au III de l'article 1518 ter. / Elle est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au 2 du B du présent II à la surface pondérée du local définie au C du présent II ". Enfin, aux termes du décret du 10 octobre 2011 fixant les sous-groupes et catégories de locaux professionnels en vue de l'évaluation de leur valeur locative, pris pour l'application de l'article 34 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, applicable aux impositions établies à compter de 2017 et aujourd'hui codifié à l'article 310 Q de l'annexe 2 au même code : " Pour l'application du second alinéa du I de l'article 1498 du code général des impôts, les propriétés bâties mentionnées au premier alinéa de ce même I sont classées selon les sous-groupes et catégories suivants : / (...) / Sous-groupe VIII : cliniques et établissements du secteur sanitaire et social : / (...) / Catégorie 3 : maisons de repos, maisons de retraite (médicalisées ou non) ".
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, lorsqu'une imposition est assise sur la base d'éléments qui doivent être déclarés par le redevable, l'administration ne peut établir, à la charge de celui-ci, des droits excédant le montant de ceux qui résulteraient des éléments qu'il a déclarés qu'après l'avoir, conformément au principe général des droits de la défense, mis à même de présenter ses observations, notamment lorsque l'administration procède, en application de l'article 1508 du code général des impôts, au redressement des bases de la taxe foncière sur les propriétés bâties d'un contribuable pour insuffisance d'évaluation résultant du défaut ou de l'inexactitude des déclarations des propriétés bâties prévues aux articles 1406 et 1502 du même code. Toutefois, l'administration n'est pas tenue de mettre le contribuable à même de présenter des observations lorsque, estimant que des locaux dont la valeur locative avait été déterminée selon une autre méthode relèvent du champ de l'article 1498 de ce code, elle procède, sans modifier les éléments déclarés par le contribuable, à une nouvelle évaluation de ceux-ci. En conséquence, en estimant, par une appréciation exempte de dénaturation, que le service avait, en l'espèce, effectué une nouvelle évaluation sans remettre en cause les éléments déclarés par le contribuable, au motif que les biens taxables devaient être regardés, non comme des locaux d'habitation, mais comme des locaux professionnels au sens de l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit.
4. En second lieu, ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés de ce que le tribunal aurait commis une erreur de droit et dénaturé les faits en jugeant que l'OPH Aube Immobilier avait été mis en mesure de présenter ses observations à la suite de la réception d'un courrier du 29 août 2018, qui sont dirigés, compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 3, contre un motif surabondant du jugement.
Sur le bien-fondé des impositions :
5. Dès lors qu'il est constant que les locaux en litige sont occupés par un EHPAD, maison de retraite, ils sont inclus dans la liste des sous-groupes et catégories de locaux professionnels prévue par les dispositions aujourd'hui codifiées à l'article 310 Q de l'annexe 2 au code général des impôts citées au point 2 et ainsi placés dans le champ de l'article 1498 de ce code aux fins de détermination de leur valeur locative. Par suite, en jugeant, par une motivation suffisante, que les locaux en litige avaient été régulièrement évalués selon la méthode prévue à l'article 1498 du code général des impôts, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis.
6. Enfin, saisi uniquement d'une argumentation tirée de ce que la valeur locative des locaux en litige aurait dû être déterminée suivant la méthode applicable aux locaux d'habitation, il n'appartenait pas au tribunal de relever d'office le moyen tiré de ce que ces locaux auraient été éligibles à l'exonération prévue par le 1° de l'article 1382 du code général des impôts en faveur des locaux appartenant à des établissements publics d'assistance, alors au demeurant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qui lui était soumis que les conditions en seraient remplies. Par suite, le tribunal n'a ni méconnu son office, ni commis d'erreur de droit en ne recherchant pas d'office si l'immeuble en cause entrait dans le champ de cette exonération.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH Aube Immobilier n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'OPH Aube Immobilier est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Office public de l'habitat Aube Immobilier et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.