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Ariane Web: Conseil d'État 433954, lecture du 7 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:433954.20211007

Décision n° 433954
7 octobre 2021
Conseil d'État

N° 433954
ECLI:FR:CECHR:2021:433954.20211007
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public
SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER, avocats


Lecture du jeudi 7 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Par un jugement n° 1500445 du 30 août 2017, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17NT03233 du 28 juin 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de M. et Mme C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et le 27 novembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. A... Mme B... C... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... a, le 11 mai 2012, apporté à la société D... des parts sociales de la société E... qu'il détenait depuis 2005. La plus-value d'apport constatée à cette occasion a été placée sous le régime de sursis d'imposition prévu à l'article 150-0 B du code général des impôts. Il ressort également des pièces du même dossier que le 4 juin 2012, M. C... a apporté les parts sociales de la société D...reçues en contrepartie de l'apport du 11 mai 2012, à la société F..., en cours de constitution. La société F... a, le 2 octobre 2012, procédé à une réduction de son capital social par voie de rachat partiel de ses propres titres. M. C... a alors vendu une partie des parts sociales de la société F... reçues en contrepartie de l'apport du 4 juin 2012 et déclaré une plus-value de cession. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration a estimé que les conditions prévues au 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts pour bénéficier du taux d'imposition optionnel de 19 % n'étaient pas remplies et qu'il convenait d'appliquer le taux dérogatoire de 24 % prévu au A du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013. M. et Mme C... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur appel contre le jugement du 30 août 2017 du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté leur demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 en conséquence de cette rectification.

2. Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, (...) de valeurs mobilières (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 150-0 B du même code : " Les dispositions de l'article 150-0 A ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (...) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ". Aux termes de l'article 150-0 D de ce code : " 9. En cas de vente ultérieure ou de rachat mentionné au 6 du II de l'article 150-0 A de titres reçus à l'occasion d'une opération mentionnée à l'article 150-0 B (...) le gain net est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres échangés, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange ". En application des dispositions combinées de l'article 150-0 B et du 9 de l'article 150-0 D du code général des impôts, l'imposition des plus-values réalisées dans le cadre d'un apport de titres intervient l'année de la cession des titres reçus en échange, avec prise en compte, pour la détermination du gain de cession, du prix d'acquisition des titres apportés.

3. Aux termes de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 applicable aux gains nets et profits réalisés à compter du 1er janvier 2013 : " 2. Les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont pris en compte pour la détermination du revenu net global défini à l'article 158. / 2 bis. Par dérogation au 2 du présent article, les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A peuvent être, sur option du contribuable, imposés au taux forfaitaire de 19 % lorsque les conditions suivantes sont remplies : / a) La société dont les titres ou droits sont cédés exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale (...). Cette condition s'apprécie de manière continue pendant les dix années précédant la cession ou, si la société est créée depuis moins de dix ans, depuis sa création ; / b) Les titres ou droits détenus par le cédant, directement ou par personne interposée (...) doivent avoir été détenus de manière continue au cours des cinq années précédant la cession. / (...) / c) Les titres ou droits détenus par le cédant, directement ou par personne interposée (...) doivent avoir représenté, de manière continue pendant au moins deux ans au cours des dix années précédant la cession des titres ou droits, au moins 10 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés ; / d) Les titres ou droits détenus par le cédant, directement ou par personne interposée (...) doivent représenter au moins 2 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société dont les titres ou droits sont cédés à la date de la cession ; / e) Le contribuable doit avoir exercé au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés, de manière continue au cours des cinq années précédant la cession et dans les conditions prévues au 1° de l'article 885 O bis, l'une des fonctions mentionnées à ce même 1° ou avoir exercé une activité salariée au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés. (...) ".

4. Aux termes des dispositions du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 : " A- Par dérogation au 2 de l'article 200 A du code général des impôts, (...) les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A du même code, à l'exception des gains mentionnés au 2 du II du même article, (...) réalisés en 2012, sont imposables au taux forfaitaire de 24 %. / Les gains nets mentionnés à l'article 150-0 A du code général des impôts réalisés au titre de l'année 2012 peuvent, sur option du contribuable, être imposés dans les conditions prévues au 2 bis de l'article 200 A du même code, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2013, lorsque l'ensemble des conditions prévues à ce même 2 bis sont remplies ".

5. Les dispositions dérogatoires du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, notamment celles qui sont relatives au taux optionnel de 19 % prévu par le 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2013 lorsque les conditions prévues à ce même 2 bis sont remplies, s'appliquent aux gains nets de cession mentionnés à l'article 150-0 A du même code, réalisés au titre de l'année 2012, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que ces gains soient issus de la vente ou du rachat de titres reçus à l'occasion d'opérations ayant relevé de l'article 150-0 B du même code.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions du 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2013 n'étaient pas applicables, en vertu du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, à la plus-value réalisée par M. C... en octobre 2012 lors du rachat, par la société F..., de ses propres titres au motif que ces dispositions dérogatoires ne s'appliquaient pas aux plus-values ayant bénéficié d'un sursis d'imposition sur le fondement de l'article 150-0 B du même code.

7. Toutefois, il ressort des énonciations non contestées sur ce point de l'arrêt attaqué que la société F... a été créée au cours de l'année 2012. Dès lors, la condition prévue au e du 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts tenant à l'exercice par le contribuable d'une fonction dirigeante ou d'une activité salariée au sein de la société dont les titres ou droits sont cédés pendant une période de cinq ans précédant la cession n'est pas satisfaite. Par suite, en application des dispositions du IV de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, la plus-value en litige, qui ne pouvait bénéficier du taux d'imposition optionnel de 19 % prévu par le 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts, était imposable au taux de 24 %. Ce motif, qui n'appelle l'appréciation d'aucun élément de fait, justifie le dispositif de la décision attaquée et doit être substitué à celui, erroné, retenu par la cour.

8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 septembre 2021 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Frédéric Aladjidi, M. Bertrand Dacosta, présidents de chambre ; Mme Anne Egerszegi, Mme Nathalie Escaut, M. Thomas Andrieu, M. Alexandre Lallet, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 7 octobre 2021.


Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette


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