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Ariane Web: Conseil d'État 443879, lecture du 11 octobre 2021, ECLI:FR:CECHR:2021:443879.20211011

Décision n° 443879
11 octobre 2021
Conseil d'État

N° 443879
ECLI:FR:CECHR:2021:443879.20211011
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Frédéric Gueudar Delahaye, rapporteur
Mme Mireille Le Corre, rapporteur public
CABINET COLIN - STOCLET, avocats


Lecture du lundi 11 octobre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler la décision du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 16 août 2018 par laquelle il a confirmé, sur recours hiérarchique, la décision du 15 mars 2018 par laquelle la rectrice de la région académique Occitanie a refusé, pour le calcul de sa pension de retraite, de comptabiliser au titre de la catégorie active les services qu'elle a accomplis du 21 octobre 1985 au 20 octobre 1987, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de prendre en compte, pour le calcul de sa pension de retraite, la période du 21 octobre 1985 au 20 octobre 1987 dans le décompte des services dans un emploi classé dans la catégorie active. Par un jugement n° 1802693 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 9 septembre et 9 décembre 2020 et 11 mai 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.





Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Colin - Stoclet, avocat de Mme A... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A..., fonctionnaire sur un emploi de contrôleur au sein du ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT), a été reçue au concours d'institutrice et a été placée en détachement en tant qu'élève-institutrice du 21 octobre 1985 au 20 octobre 1987, avant d'être titularisée le 21 octobre 1987. Elle a été nommée professeure des écoles à compter du 1er septembre 2003. Elle a déposé le 12 octobre 2017 une demande de départ anticipé à la retraite au 1er septembre 2018 sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un courrier du 15 mars 2018, la rectrice de la région académique Occitanie l'a informée qu'elle ne pouvait bénéficier de cette disposition au motif que la période de détachement du 21 octobre 1985 au 20 octobre 1987 ne pouvait être considérée comme accomplie en catégorie active, et qu'ainsi elle ne totalisait que 14 ans, 5 mois et 2 jours de services classés en catégorie active, que son taux de pension était donc fixé à 44,798% et que sa pension était affectée d'une décote de 20 trimestres. Sur recours hiérarchique de la requérante, le ministre de l'éducation nationale a, par courrier du 16 août 2018, confirmé la décision de la rectrice d'académie. Mme A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article 45 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. (...) / Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement (...) ".

3. D'une part, aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, applicable au présent litige : " I. - La liquidation de la pension intervient : / 1° Lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d'âge, ou s'il a atteint, à la date de l'admission à la retraite, l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou de cinquante-sept ans s'il a accompli au moins quinze ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. / Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. La nomenclature en est établie par décret en Conseil d'Etat ; / (...) ".

4. D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article L. 73 de ce même code : " Les avantages spéciaux attachés à l'accomplissement de services dans des emplois classés dans la catégorie active, définie à l'article L. 24, sont maintenus en faveur des fonctionnaires détachés dans un emploi classé dans cette catégorie pour exercer des fonctions de même nature que celles assumées dans le cadre d'origine ainsi qu'en faveur des fonctionnaires détachés pour exercer des fonctions de membre du Gouvernement, un mandat électif ou syndical, qui n'ont pas changé de catégorie durant leur position de détachement. Ces mêmes avantages sont maintenus en faveur des fonctionnaires détachés hors d'Europe, soit dans les administrations des territoires d'outre-mer, soit auprès d'un service français de coopération technique ou culturelle, soit auprès d'Etats étrangers ou d'organisations internationales ". Ces dispositions se bornent à régir le maintien des avantages attachés à l'accomplissement des services dans un emploi classé dans la catégorie active lorsqu'un agent qui exerce celui-ci est détaché dans d'autres emplois.

5. Les dispositions de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite citées au point 3 ont pour objet, en accordant une possibilité de liquidation anticipée de la pension en cas d'accomplissement de quinze années de services dans des emplois classés dans la catégorie active, de tenir compte du risque particulier ou des fatigues exceptionnelles que présentent certains emplois. Par suite, les services accomplis par un fonctionnaire en détachement dans un emploi classé dans la catégorie active qui exerce effectivement des fonctions correspondant à cet emploi doivent être pris en compte au titre de cet article, quelles que soient les fonctions qu'il exerçait ou qu'il avait vocation à exercer dans son corps d'origine.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le ministre de l'éducation nationale avait pu refuser de prendre en compte, au titre de la catégorie active pour le calcul des droits à pension, la durée des services effectués par Mme A... durant la période précédant sa titularisation comme institutrice pendant laquelle elle était en détachement, dès lors que son emploi dans son corps d'origine ne relevait pas de la catégorie active et ne correspondait pas à des fonctions de même nature et alors même que les deux années accomplies en qualité d'élève institutrice comportaient l'exercice effectif de ces fonctions, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Dès lors, son jugement doit être annulé.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. Il ressort des pièces du dossier que, pendant la période du 21 octobre 1985 au 20 octobre 1987, Mme A... a été placée en position de détachement en tant qu'élève-institutrice et il n'est pas contesté qu'elle a effectivement exercé, pendant cette période, les fonctions d'institutrice, emploi classé dans la catégorie active pour l'application des dispositions de l'article L.24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale ne pouvait limiter à la seule durée des services accomplis par Mme A... comme institutrice titulaire, soit 14 ans, 5 mois et 2 jours, la durée retenue au titre des services effectués dans la catégorie active sans prendre en compte la durée des services effectués dans ces mêmes fonctions, en position de détachement en qualité d'institutrice stagiaire. Par suite, Mme A... est fondée à demander l'annulation de sa décision et à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire procéder à un nouveau calcul de ses droits à pension.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros à verser à Mme A..., pour l'ensemble de la procédure, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de Nîmes est annulé.
Article 2 : La décision du ministre du ministre de l'éducation nationale du 16 août 2018 est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports de procéder à la révision de la pension de Mme A... en intégrant la période du 21 octobre 1985 au 20 octobre 1987 dans le calcul de la durée des services dans un emploi classé dans la catégorie active prévue à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 4 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


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