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Ariane Web: Conseil d'État 449067, lecture du 22 novembre 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:449067.20211122

Décision n° 449067
22 novembre 2021
Conseil d'État

N° 449067
ECLI:FR:CECHS:2021:449067.20211122
Inédit au recueil Lebon
8ème chambre
M. François-René Burnod, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats


Lecture du lundi 22 novembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... C..., épouse A..., a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes de 2 675 752,73 euros et 12 746 663,20 euros procédant de deux avis à tiers détenteur émis le 26 septembre 2017, respectivement, par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1989, 1990 et 1991, ainsi que des pénalités correspondantes, et par le comptable du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1992, 1993 et 2016 et de taxe d'habitation au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1800009 du 31 janvier 2019, ce tribunal a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 19PA00701 du 24 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement par Mme C....

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier, 26 avril et 19 octobre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, Mme C... demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la n° loi 85-98 du 25 juillet 1985 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-René Burnod, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme C... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que deux avis à tiers détenteur ont été émis le 26 septembre 2017, d'une part, à hauteur de 2 675 752,73 euros, par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1989, 1990 et 1991, ainsi que des pénalités correspondantes, et, d'autre part, à hauteur de 12 746 663,20 euros, par le comptable du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement de Paris pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de M. et Mme A... au titre des années 1992, 1993 et 2016 et de taxe d'habitation au titre de l'année 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Mme C..., épouse A..., se pourvoit contre l'arrêt du 24 novembre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 31 janvier 2019 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant la décharge de l'obligation de payer les sommes procédant de ces deux avis à tiers détenteur.

2. Aux termes du troisième alinéa de l'article 50 de la loi du 25 juillet 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, alors en vigueur : " La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351-21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration ; sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article 100 ".

3. En premier lieu, il ressort de l'ordonnance du 11 janvier 1999 du juge commissaire du tribunal de commerce de Paris, faisant suite à la demande qui lui a été adressée le 9 décembre 1998 par le receveur général des finances, trésorier-payeur général de la région d'Ile-de-France, toutes deux figurant au dossier, qu'au sein des créances détenues à ces dates par le comptable du service des impôts des particuliers du 6ème arrondissement de Paris et pour le recouvrement desquelles a ultérieurement été émis l'un des deux avis à tiers détenteur en litige, au moins 15 967 087 francs, dus au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales établis au titre des années 1989 et 1990, n'avaient pas été admis à titre définitif au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre des sociétés dont M. A... était l'associé et à la suite de laquelle les époux A... ont eux-mêmes été mis en liquidation judiciaire. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir, ainsi d'ailleurs que l'admet le ministre, qu'en estimant que, par cette ordonnance, l'ensemble des créances mentionnées ci-dessus avaient été définitivement admises à ce passif, la cour administrative d'appel a dénaturé les éléments qui lui étaient soumis.

4. En second lieu, s'agissant des créances du service des impôts des particuliers du 7ème arrondissement, il ressort des écritures d'appel de Mme C... que celle-ci soutenait que le jugement du 2 décembre 2009 du tribunal de commerce de Paris n'avait, compte tenu de son dispositif, que partiellement procédé à la rétraction des jugements ayant prononcé en 1994 la liquidation judiciaire des sociétés dont M. A... était l'associé et à la suite desquels les époux A... avaient eux-mêmes été mis en liquidation judiciaire et qu'en conséquence, elle était fondée à continuer d'opposer à l'administration la forclusion des créances prévue dans les cas mentionnés au 3ème alinéa précité de l'article 50 de la loi du 25 juillet 1985. La cour administrative d'appel n'ayant pas répondu à ce moyen, qui n'était pas inopérant, Mme C... est fondée à soutenir que celle-ci a insuffisamment motivé son arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les impositions correspondantes.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 24 novembre 2020 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est envoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à Mme C... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


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