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Ariane Web: Conseil d'État 444621, lecture du 21 décembre 2021, ECLI:FR:CECHS:2021:444621.20211221

Décision n° 444621
21 décembre 2021
Conseil d'État

N° 444621
ECLI:FR:CECHS:2021:444621.20211221
Inédit au recueil Lebon
4ème chambre
Mme Dorothée Pradines, rapporteur
M. Raphaël Chambon, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats


Lecture du mardi 21 décembre 2021
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu les procédures suivantes :

La présidente de l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis a engagé contre M. D... C... des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de cet établissement puis, en l'absence de décision de cette section disciplinaire dans le délai imparti, devant le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire, sur le fondement de l'article R. 232-31 du code de l'éducation. Par une décision du 8 juillet 2020, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a prononcé la relaxe de M. C....

1° Sous le n° 444621, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 septembre et 16 décembre 2020 et le 19 août 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions présentées devant le CNESER, statuant en matière disciplinaire ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative ;





....................................................................................


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'Université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. C... ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le 9 janvier 2018, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis a engagé, devant la section disciplinaire du conseil académique de cet établissement, des poursuites disciplinaires contre M. C..., professeur des universités. Faute de décision intervenue dans un délai de six mois, la présidente de l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis a saisi de ces poursuites disciplinaires le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) statuant en matière disciplinaire, sur le fondement de l'article R. 232-31 du code de l'éducation, le 9 juillet 2018. Par une décision du 8 juillet 2020, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, a prononcé la relaxe de M. C.... Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation d'une part, l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis d'autre part, demandent au Conseil d'Etat d'annuler cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. C... au pourvoi de l'université :

2. La seule circonstance que la représentante de l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis ait indiqué lors de l'audience devant le CNESER, statuant en matière disciplinaire, que l'université entendait désormais adopter une position neutre quant à l'issue du litige ne saurait faire obstacle à ce que cette université, qui est à l'origine des poursuites disciplinaires dirigées contre M. C..., soit regardée comme justifiant d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de la décision du CNESER, statuant en matière disciplinaire, en date du 8 juillet 2020, ayant relaxé M. C.... Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par M. C... doit être écartée.

Sur le moyen d'insuffisance de motivation présenté par les deux pourvois :

3. Il résulte des énonciations mêmes de la décision attaquée que pour juger M. C... non coupable des faits qui lui étaient reprochés, le CNESER, statuant en matière disciplinaire, après s'être borné à relever que des poursuites disciplinaires avaient été engagées par l'université de Paris VIII Vincennes Saint-Denis à la suite de la dénonciation, par une maître de conférences stagiaire, de faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel susceptibles d'avoir été commis par M. C..., que M. C... contestait l'intégralité de ces faits et estimait que cette dénonciation était en lien avec des dysfonctionnements au sein de son laboratoire auxquels il avait entendu remédier, qu'aucun des témoins convoqués à l'audience n'avait répondu à leur convocation, à l'exception d'un témoin à décharge, que la représentante de l'université à l'audience avait indiqué que son établissement s'en remettait désormais à la sagesse de la juridiction, a jugé qu'" il est apparu aux yeux des juges d'appel qu'il n'existe aucun élément dans le dossier disciplinaire permettant de matérialiser un comportement fautif de nature à justifier le prononcé d'une sanction à l'encontre de M. D... C... ". En statuant ainsi, le CNESER a entaché sa décision d'insuffisance de motivation. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis sont fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent.

4. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... la somme de 3 000 euros que l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis et de l'Etat qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes.



D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 8 juillet 2020 du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire, est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, statuant en matière disciplinaire.
Article 3 : Le surplus des conclusions de l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'université Paris VIII Vincennes Saint-Denis, à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à M. D... C....

Délibéré à l'issue de la séance du 25 novembre 2021 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Carine Soulay, conseillère d'Etat et Mme Dorothée Pradines, maître des requêtes-rapporteure.


Rendu le 21 décembre 2021.
La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes

La rapporteure :
Signé : Mme Dorothée Pradines


La secrétaire :
Signé : Mme A... B...