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Ariane Web: Conseil d'État 460922, lecture du 11 février 2022, ECLI:FR:CEORD:2022:460922.20220211

Décision n° 460922
11 février 2022
Conseil d'État

N° 460922
ECLI:FR:CEORD:2022:460922.20220211
Inédit au recueil Lebon



Lecture du vendredi 11 février 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu les procédures suivantes :
I. Sous le n° 460922, par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Cercle Droit et Liberté, l'association des Victimes du Coronavirus Covid-19 France, la société YS Group, M. L... N..., Mme AL... N..., M. AJ... G..., Mme B... BA..., Mme AO... AM..., M. C... AF..., M. S... U..., M. W... X..., M. AN... Z..., Mme K... AG..., M. AT... M..., Mme Q... H..., M. V... H..., M. AS... N..., M. AI... J..., Mme AA... E..., M. F... AD..., Mme Y... P... et M. R... AP... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- ils justifient d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, le passe vaccinal porte atteinte à leurs libertés et leur limite l'accès à certains lieux et transports publics et, d'autre part, la subordination de l'accès aux restaurants à un passe vaccinal a des conséquences économiques ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des dispositions contestées du décret attaqué ;
- le décret contesté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, d'une part, le passe vaccinal peut être interprété comme une sanction du refus de vaccination qui vise à exclure les personnes non-vaccinées de la société et, d'autre part, leur exclusion de la vie sociale n'est pas justifiée par des impératifs de santé publique ;
- il méconnaît l'article 6 de cette même convention, l'interdiction faite aux personnes non-vaccinées d'accéder à de nombreux lieux n'étant pas une mesure de prévention d'un trouble à l'ordre public mais une sanction, sans possibilité de recours ;
- il porte atteinte de manière disproportionnée et inconventionnelle au droit de disposer de son corps, le passe vaccinal constituant une obligation d'injection, sans preuve de son innocuité et de l'absence d'effets indésirables graves des vaccins, alors qu'il n'est pas nécessaire que l'ensemble de la population soit vaccinée ;
- il méconnaît le e) du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 dès lors que la vaccination massive des personnes de moins de 60 ans et sans comorbidité n'empêche pas la propagation croissante du virus et ne réduit pas significativement l'engorgement des hôpitaux ;
- il est disproportionné en ce que l'accès aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux pour les personnes non-vaccinées est limité aux seuls motifs d'ordre familial ou de santé ;
- le certificat de rétablissement qui peut être utilisé comme passe vaccinal, exclut les personnes en mesure de présenter un test sérologique attestant de la présence d'anticorps en proportion significative et les personnes contaminées il y a plus de six mois et qui n'ont pas été hospitalisées.



II. Sous le n° 460923, par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les requérants visés au point I demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils reprennent les mêmes moyens que ceux visés au I.



III. Sous le n° 460936, par une requête, enregistrée le 28 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association VIA - La Voie du Peuple demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que le décret contesté porte une atteinte irréversible aux libertés fondamentales ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la disposition attaquée ;
- le décret contesté porte atteinte au droit au respect de la vie privée dès lors qu'il restreint l'accès à certains lieux publics pour les personnes non-vaccinées et impose de fait une obligation vaccinale à l'ensemble des citoyens ;
- il méconnaît plusieurs stipulations de droit européen, notamment l'article 26 de la convention d'Oviedo ;
- il porte une atteinte disproportionnée au principe d'égalité et au droit à l'accès aux soins puisqu'il restreint l'accès aux services et établissements de santé pour les personnes non-vaccinées, alors même que la vaccination n'empêche pas la transmission de la covid-19 ;
- il porte atteinte aux droits de la défense dès lors que les avocats non-vaccinés ne peuvent plus emprunter les transports interrégionaux dans le cadre de l'exercice de leur métier.



IV. Sous le n° 461010, par une requête et trois mémoires complémentaires, enregistrés les 1er, 5, 6 et 7 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AQ... AB..., représentant unique de 601 requérants réunis au sein d'un collectif dénommé " Les navigants Libres ", demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'article 1er du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire ;

2°) d'enjoindre au Premier ministre de modifier l'article 47-1 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 pour permettre le déplacement des personnels navigants techniques et commerciaux salariés des compagnies aériennes ayant leur base d'exploitation en France sur présentation d'un test antigénique et d'un justificatif.



Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors qu'il est porté atteinte à la liberté d'aller et venir et qu'ils risquent de voir leur contrat de travail suspendu, sans solde ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- le décret contesté porte atteinte au droit à recevoir les traitements et soins les plus appropriés à son état de santé, le passe vaccinal les contraignant à recevoir des soins et traitements dont ils n'ont pas besoin ;
- il porte une atteinte disproportionnée à liberté d'aller et venir, à la liberté de réunion et à la liberté de conscience, un risque individuel et collectif existant en raison des effets secondaires de la vaccination, inadaptée aux fonctions de personnel naviguant.

Par un mémoire distinct, enregistré le 6 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, ils concluent à ce que soit transmise au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionalité tirée de ce que l'article 1er de la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit, notamment la liberté de conscience.



V. Sous le n° 461095, par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 2022, l'association Je ne suis pas un danger ! demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire modifieŽ par le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 ;

2°) d'ordonner toutes mesures utiles afin de faire cesser l'atteinte grave et manifestement illégale portée par ce décret à la liberté d'aller et de venir, celle de se réunir, le droit d'expression collective des idées et des opinions, le droit au respect à la vie privée et de mener une vie familiale normale ainsi qu'au droit à l'emploi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- elle justifie d'un intérêt à agir ;
- la condition d'urgence est satisfaite en ce que ses membres soumis au passe vaccinal ne peuvent pas exercer librement leurs libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- il est porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la liberté de se réunir, au droit d'expression collective des idées et des opinions, au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit de mener une vie familiale normale, à la liberté de travail et à la liberté d'entreprendre dès lors que le décret contesté subordonne l'accès à certains lieux à la présentation du passe vaccinal et que le vaccin n'empêche pas la transmission du virus et ne permet pas de lutter contre la propagation du virus de la covid-19.



VI. Sous le n° 461146, par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 4 février 2022, Mme I...AK... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) à titre principal, de suspendre l'exécution de l'article 47-1, du I de l'article 1er, de l'annexe 1 et du 3° de l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 modifieŽ par le décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les mesures générales à la gestion de la sortie de crise sanitaire issues du décret attaqué ne sont pas proportionnées aux risques sanitaires encourus, ni appropriées aux circonstances, ni nécessaires ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- le décret attaqué méconnaît la convention d'Oviedo, les vaccins étant toujours en expérimentation et leur injection nécessitant le consentement libre et éclairé des personnes vaccinées, l'innocuité du vaccin n'étant en outre pas démontrée ;
- il méconnaît les articles 8, 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde et de droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que la limitation de l'accès aux transports publics interrégionaux et à certains lieux publics pour les personnes non-vaccinées les contraint à recourir à la vaccination ;
- il porte atteinte a` la liberteŽ d'aller et venir et à la liberteŽ personnelle dès lors que l'obligation du port du masque pour accéder à certains lieux de la vie quotidienne n'est pas justifiée par le contexte sanitaire ;
- les conditions de délivrance d'un certificat de rétablissement portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, les personnes non-vaccinées mais guéries étant privée de leur bénéfice alors que le dernier test positif date de plus de six mois.



VII. Sous le n° 461285, par une requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 8 février 2022, M. T...D..., le parti Les Patriotes, Mme AR... AC..., M. AE... A... et Mme AH... O... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'article 1er du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils soutiennent que :
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les mesures générales à la gestion de la sortie de crise sanitaire issues du décret attaqué ne sont pas proportionnées aux risques sanitaires encourus, ni appropriées aux circonstances, ni nécessaires ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- il méconnaît les articles 3, 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde et de droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît le e) du II de l'article 1er de la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 dès lors que la vaccination massive des personnes de moins de 60 ans n'est pas de nature à empêcher la prorogation du virus et à réduire significativement l'engorgement des hôpitaux ;
- il est disproportionné en ce que l'accès aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux pour les personnes non-vaccinées est limité aux seuls motifs d'ordre familial ou de santé ;
- les conditions de délivrance d'un certificat de rétablissement portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.



VIII. Sous le n° 461287, par une requête, enregistrée le 8 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les requérants visés au point VII demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution du décret n° 2022-51 du 22 janvier 2022 modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Ils reprennent les mêmes moyens que ceux visés au VII.


Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Convention d'Oviedo du 4 avril 1997 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 ;
- la loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022 ;
- le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ;
- la décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022 du Conseil constitutionnel ;
- le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Selon l'article L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Les requêtes visées ci-dessus, présentées sur le fondement des articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative, tendent toutes à la suspension des dispositions du décret du 22 janvier 2022 modifiant le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance.

Sur le cadre juridique :

3. L'article 1er de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique a modifié le paragraphe II de l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire afin notamment de permettre au Premier ministre de subordonner l'accès à certains lieux à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19, dit " passe vaccinal ". Ces dispositions prévoient que le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisir et des activités de restauration ou de débit de boissons ainsi qu'aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux. Cette règle s'applique également aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux, sauf motif impérieux d'ordre familial ou de santé ou en cas d'urgence faisant obstacle à l'obtention du justificatif requis, sous réserve de présenter le résultat d'un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19.

4. Sur ce fondement, le décret du 22 janvier 2022 a modifié le décret du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de la crise sanitaire pour fixer les conditions d'application de ce dispositif. Notamment, le 5° de son article 1er a modifié l'article 47-1 du décret du 1er juin 2021 pour prévoir que les personnes âgées d'au moins 16 ans doivent, pour être accueillies dans les établissements, lieux, services et événements mentionnés aux II et III de l'article, présenter un justificatif de leur statut vaccinal attestant d'un schéma vaccinal complet dans les conditions définies au 2° de l'article 2-2 du même décret. A défaut de présentation d'un tel justificatif, l'accès à l'établissement, au lieu, au service ou à l'évènement est refusé, sauf pour les personnes bénéficiant d'un certificat de rétablissement délivré dans les conditions mentionnées au 3° de l'article 2-2 ou justifiant d'une contre-indication médicale à la vaccination dans les conditions prévues à l'article 2-4.

Sur les demandes en référé :

En ce qui concerne la question prioritaire de constitutionnalité :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

6. Le Conseil constitutionnel a déjà déclaré conforme à la Constitution la disposition litigieuse, dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022. Aucun changement de circonstances survenu depuis cette décision n'est de nature à justifier que la conformité de cette disposition à la Constitution soit à nouveau examinée par le Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne les autres moyens :

7. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2022-835 DC du 21 janvier 2022, les dispositions de la loi du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire mentionnées au point 1 ne sauraient être regardées, eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées, comme instaurant une obligation de vaccination. Elles opèrent une conciliation équilibrée entre, d'une part, les droits et libertés constitutionnellement garantis que sont notamment la liberté d'aller et venir, le droit au respect de la vie privée, le droit de se réunir et le droit d'expression collective des idées et des opinions et, d'autre part, l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé. Par suite, les requérants ne sont manifestement pas fondés à soutenir que les dispositions qu'ils attaquent, qui font application de celles de la loi du 22 juin 2022, ont institué une obligation vaccinale dans des conditions portant une atteinte disproportionnée à la vie privée ainsi qu'aux principes d'égalité, d'accès aux soins appropriés, d'aller et venir, de réunion, de liberté de conscience, de liberté d'entreprendre ou, en tout état de cause, d'expression collective des idées et des opinions.
8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, les requérants ne sont manifestement pas fondés à soutenir que les dispositions attaquées ou, par voie d'exception, celles de la loi du 22 janvier 2022, porteraient atteinte aux stipulations de la convention d'Oviedo du 4 avril 1997 et à l'article 3, portant interdiction des peines ou traitements inhumains et dégradants, à l'article 8, portant droit au respect de la vie privée et familiale, et à l'article 9, garantissant la liberté de pensée et de conscience, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à son article 6, le droit au recours n'étant nullement en jeu, et en état de cause à son article 14 interdisant la discrimination.

9. En troisième lieu, il ne peut utilement être soutenu que le décret attaqué, en ce qu'il couvre toutes les personnes de moins de 60 ans sans comorbidités, méconnaîtrait les objectifs poursuivis par l'article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de sortie de la crise sanitaire dès lors que, comme il a été dit, cette situation résulte directement de la loi du 22 janvier 2022.

10. En quatrième lieu, s'agissant de l'obtention d'un certificat de rétablissement, en maintenant l'exigence posée par le décret du 1er juin 2022 d'un résultat positif à un examen de dépistage RT-PCR ou à un test antigénique réalisés plus de onze jours et moins de six mois auparavant, à l'exclusion de tout autre test sérologique ou certificat médical, lesquels ne sont pas de nature à attester du niveau de protection contre une infection de la covid-19, le Premier ministre n'a pas pris une mesure disproportionnée. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait illégal en ce qu'il n'a pas modifié les conditions d'octroi de ce certificat n'est en tout état de cause manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la disposition.
11. En dernier lieu, l'exception d'urgence prévue par les dispositions citées au point 3 pour effectuer un déplacement de longue distance par transport public interrégional est invocable par tout citoyen comme par son avocat pour les convocations administratives et judiciaires ainsi que pour les déplacements pour se rendre chez un professionnel du droit pour un acte ou une démarche qui ne peuvent être réalisés à distance ou différés. Toutefois, l'urgence ne peut être reconnue comme faisant obstacle à l'obtention d'un justificatif de statut vaccinal que lorsque la convocation ou le rendez-vous en cause a été fixé à un délai inférieur à celui nécessaire pour l'obtention d'un schéma vaccinal complet, estimé à 3 ou 4 semaines pour les vaccins à ARN messager. La personne qui dispose d'un délai supérieur pour se rendre à la convocation ou au rendez-vous en cause ne peut ainsi se prévaloir de cette exception d'urgence, dès lors qu'elle dispose du temps nécessaire, soit pour réaliser un schéma vaccinal complet, soit pour organiser son déplacement selon d'autres modalités. En outre, l'épidémie restant à un niveau particulièrement actif, le passe vaccinal est de nature à assurer la protection des individus dans les transports interrégionaux, qui favorisent les brassages sur l'ensemble du territoire national et où les personnes restent à proximité les unes des autres pendant de longues durées en milieux clos. Par suite, le choix du Premier ministre de subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ne porte pas, en l'état de l'instruction et à la date de la présente ordonnance, une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés invoqués, notamment les droits de la défense.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est manifestement de nature à caractériser une atteinte grave et manifestement illégale portée à une liberté fondamentale ou à créer un doute sérieux sur la légalité des dispositions attaquées. Leurs conclusions, y compris celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent dès lors qu'être rejetés par la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. AB..., représentant unique de la requête n° 461010.
Article 2 : Les requêtes de l'association Cercle Droit et Liberté, première dénommée des requêtes n°s 460922 et 460923, de l'association VIA - La voie du Peuple, de M. AB..., représentant unique de la requête n° 461010, de l'association Je ne suis pas un danger !, de Mme AK... et de M. D..., premier dénommé des requêtes n°s 461285 et 461287 sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Cercle Droit et Liberté, première dénommée des requêtes n°s 460922 et 460923, à l'association VIA - La voie du Peuple, à M. AQ... AB..., représentant unique de la requête n° 461010, à l'association Je ne suis pas un danger !, à Mme I...AK... et à M. T...D..., premier dénommé des requêtes n°s 461285 et 461287.
Fait à Paris, le 11 février 2022
Signé : Damien Botteghi