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Ariane Web: Conseil d'État 461238, lecture du 25 février 2022, ECLI:FR:CEORD:2022:461238.20220225

Décision n° 461238
25 février 2022
Conseil d'État

N° 461238
ECLI:FR:CEORD:2022:461238.20220225
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés


Lecture du vendredi 25 février 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 8 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Agir pour l'environnement, la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès et la Fédération française des apiculteurs professionnels demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté ministériel du 31 janvier 2022 autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame et précisant les cultures qui peuvent être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes suivantes ;

2°) de mettre à la charge de la ministre de la transition écologique et du ministre de l'agriculture et de l'alimentation la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- leur requête est recevable ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, l'exécution de l'arrêté contesté présentera un caractère irréversible eu égard à la contamination définitive des semences plantées par le traitement pesticide qui représente un danger tant pour la santé que pour l'environnement et, d'autre part, la période des semis débute dans trois semaines ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence dès lors qu'il revenait aux autorités européennes d'accorder une dérogation à l'approbation d'une substance active interdite au niveau européen et non à la ministre de la transition écologique et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;
- l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) du 23 décembre 2020, qui dresse un bilan des conséquences de l'usage des produits en cause et sur lequel se fonde l'arrêté contesté, a été établi sans prendre en compte des données déterminantes et sans évaluer certains risques ;
- l'avis du conseil de surveillance, chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en oeuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques, méconnaît l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime en ce que, en premier lieu, sa composition ne présente pas les garanties de déontologie et d'indépendance nécessaires, en deuxième lieu, il est entaché d'une incompétence matérielle dès lors qu'il a dépassé les limites de sa mission qui consistent seulement à l'émission d'avis sur les dérogations, en troisième lieu, l'avis n'est pas rendu public et, en dernier lieu, le conseil de surveillance n'a eu aucune latitude pour vérifier les informations communiquées et n'a pas pu prendre en compte la consultation publique ;
- la consultation publique est entachée d'irrégularité, dès lors que les contributions publiques ont été anonymisées ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation dès lors que, d'une part, le danger justifiant une dérogation à l'interdiction des produits phytosanitaires est hypothétique et n'est nullement avéré et, d'autre part, aucune analyse de probabilité ni réel bilan coût avantage n'ont été effectués ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 53 du règlement (CE) 1107/2009 du 21 octobre 2009 et l'article 5 de la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 dès lors que la dérogation et le projet d'arrêté n'ont pas été notifiés à la Commission européenne ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 4 du règlement (CE) 1107/2009 du 21 octobre 2009 et le règlement d'exécution (UE) 540/2011 du 25 mai 2011 en ce que l'arrêté autorise l'usage et la mise sur le marché d'imidaclopride et de thiaméthoxame ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 53 du règlement (CE) 1107/2009 du 21 octobre 2009 en ce que, d'une part, l'urgence justifiant la nécessité d'une dérogation n'est ni caractérisée ni mentionnée dans l'arrêté, en deuxième lieu, il n'existe pas de circonstances particulières justifiant une dérogation dès lors que la crise économique de la filière n'est ni inédite, ni imputable uniquement à la prolifération de pucerons, en troisième lieu, il est porté une atteinte manifeste à la santé et à l'environnement eu égard à l'impact direct et certain des néonicotinoïdes sur la faune, la qualité des eaux ainsi que sur la santé humaine, en quatrième lieu, la dérogation n'est pas accompagnée de limitation spatiale ou temporelle, en cinquième lieu, le report des dérogations est manifestement inapproprié au but poursuivi dès lors qu'il existe des alternatives chimiques et non chimiques aux pesticides néonicotinoïdes et, en dernier lieu, l'arrêté ne met pas en place un contrôle pratique assorti de sanctions de la dérogation et de ses conséquences environnementales ;
- l'arrêté contesté porte atteinte au principe de non-régression en matière environnementale en ce qu'il induit un grave recul environnemental en participant à l'effondrement de la biodiversité et la destruction des écosystèmes ;
- l'arrêté contesté porte atteinte au principe de précaution dès lors que les néonicotinoïdes mis sur le marché ont un effet nocif sur la santé humaine ou animale ainsi que sur l'environnement ;
- l'arrêté contesté méconnaît la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 en ce que, d'une part, l'arrêté contesté a été adopté dans une logique préventive et spéculative relative à l'impact des pucerons sur la culture de betteraves sucrières et, d'autre part, il méconnaît le plan Ecophyto II+ en ce qu'il ne favorise pas les efforts de recherche d'alternatives à l'utilisation des substances néonicotinoïdes.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre de la transition écologique qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 ;
- la directive (UE) 2015/1535 du 9 septembre 2015 ;
- le règlement (CE)1107/2009 du 21 octobre 2009 ;
- le règlement d'exécution (UE) 540/2011 du 25 mai 2011 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Agir pour l'environnement, la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès et la Fédération française des apiculteurs professionnels et, d'autre part, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;

Ont été entendus lors de l'audience publique du 22 février 2022, à 15 heures :

- les représentants de l'association Agir pour l'environnement, de la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès et de la Fédération française des apiculteurs professionnels

- les représentants du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;

à l'issue de laquelle le juge des référés a clôturé l'instruction ;


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime : " L'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d'action identiques à ceux de ces substances, précisées par décret, et des semences traitées avec ces produits est interdite. / Jusqu'au 1er juillet 2023, des arrêtés conjoints des ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement, pris après avis du conseil de surveillance mentionné au II bis, peuvent autoriser l'emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II dont l'utilisation est interdite en application du droit de l'Union européenne ou du présent code. Ces dérogations sont accordées dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil. / Dans des conditions définies par les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du présent II, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs sont temporairement interdits après l'emploi de semences traitées avec des produits contenant les substances mentionnées au premier alinéa du présent II. ". En vertu de l'article L. 253-8-3 du même code : " Les arrêtés mentionnés au deuxième alinéa du II de l'article L. 253-8 ne peuvent autoriser que l'emploi de semences de betteraves sucrières. " Aux termes du 1 de l'article 53 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil : " Par dérogation à l'article 28 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser, pour une période n'excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue d'un usage limité et contrôlé, lorsqu'une telle mesure s'impose en raison d'un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables. / L'État membre concerné informe immédiatement les autres États membres et la Commission de la mesure adoptée, en fournissant des informations détaillées sur la situation et les dispositions prises pour assurer la sécurité des consommateurs ".

3. Par l'arrêté du 31 janvier 2022, la ministre de la transition écologique et le ministre de l'agriculture et de l'alimentation ont fixé, en application des dispositions du II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime précité, issu de la loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières, les modalités relatives à l'autorisation provisoire de l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame. D'une part, par son article 1er, il autorise la mise sur le marché et l'utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxame pour une durée de cent-vingt jours à compter de son entrée en vigueur dans les conditions fixées par son annexe 1, qui rappelle les conditions de mise sur le marché et d'utilisation des semences de betteraves sucrières traitées avec ces produits. D'autre part, par son article 2 et par l'annexe 2 à laquelle cet article renvoie, il précise les cultures qui pourront être semées, plantées ou replantées au titre des campagnes 2022, 2023, 2024 et 2025 sur les terres qui auront fait l'objet, lors de la campagne 2021 ou, en application du présent arrêté, lors de la campagne 2022, d'une mise en culture de betteraves sucrières dont les semences ont été traitées avec les produits en cause. Son article 3 abroge l'arrêté du 5 février 2021 autorisant provisoirement l'emploi de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiamethoxam pour la campagne 2021.
Sur les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l'Union :

4. D'une part, en premier lieu, les requérantes soutiennent que l'arrêté contesté méconnaîtrait les dispositions du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques dans la mesure où elles ne permettraient pas d'autoriser un produit phytopharmaceutique comprenant une substance active n'ayant pas été approuvée par la Commission européenne. Toutefois, aux termes, d'une part, du 1. de l'article 28 de ce règlement : " Un produit phytopharmaceutique ne peut être mis sur le marché ou utilisé que s'il a été autorisé dans l'État membre concerné conformément au présent règlement. " et, d'autre part, du 1. de l'article 53 du même règlement : " Par dérogation à l'article 28 et dans des circonstances particulières, un État membre peut autoriser, pour une période n'excédant pas cent vingt jours, la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue d'un usage limité et contrôlé, lorsqu'une telle mesure s'impose en raison d'un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables. / L'État membre concerné informe immédiatement les autres États membres et la Commission de la mesure adoptée, en fournissant des informations détaillées sur la situation et les dispositions prises pour assurer la sécurité des consommateurs. " Par un arrêt du 17 mai 2018 (T-429/13 et T. 451/13), le tribunal de l'Union européenne a jugé que " en vertu de l'article 53, paragraphe 1, du règlement no 1107/2009, les États membres peuvent autoriser, pour une période n'excédant pas 120 jours, des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives, y compris pour des utilisations qui ne sont pas approuvées au niveau de l'Union, lorsqu'il n'existe pas de solution de remplacement. (...) cette disposition permet aux États membres d'éviter de graves conséquences pour l'agriculture et vise des situations où il n'existe pas d'autre solution pour lutter contre un ravageur déterminé et plusieurs États membres ont fait usage de cette faculté ". Il résulte en outre de l'instruction que l'utilisation des produits visés par le présent arrêté a été autorisée par d'autres Etats membres de l'Union, à plusieurs reprises, sur le fondement de ces dispositions. Par suite, le moyen tiré de ce que les produits en cause auraient été autorisés en méconnaissance du règlement (CE) n° 1107/2009 n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté.

5. En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que l'arrêté contesté méconnaît les exigences résultant de l'article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009 dès lors que cet arrêté ne répond pas à une situation d'urgence, puisqu'il n'est fait état d'aucune " circonstances particulières " justifiant la dérogation contestée, les risques de maladies de la betterave imputables aux pucerons n'étant ni nouveaux ni particulièrement forts en 2022 ; que l'arrêté ne met pas en place un " usage limité et contrôlé ", puisqu'il ne fixe aucune limite spatiale et que les substances toxiques en cause continueront à être présentes dans les sols bien au-delà de la durée de 120 jours fixée par l'arrêté ; qu'il n'est pas démontré que la dérogation s'impose " en raison d'un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables ", l'étude de l'Anses sur les alternatives à l'autorisation de l'utilisation de produits contenant des néonicotinoïdes soulignant au contraire l'existence de plusieurs solutions alternatives possibles, dont quatre au moins sont disponibles à court terme.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que la betterave sucrière a fait l'objet, lors de la campagne 2020, du fait de l'infestation des cultures par des pucerons vecteurs de la jaunisse de la betterave et faute qu'aient pu être utilisés des produits contenant des néonicotinoïdes en raison de l'interdiction qui résultait de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime dans sa version alors en vigueur, d'importantes pertes de production ce qui a conduit le législateur, ainsi que cela est rappelé au point 6 de la présente décision, à revenir sur l'interdiction d'usage de ces produits, pour la betterave sucrière et pour une période limitée, en prévoyant la délivrance de dérogations dans les conditions fixées par l'article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009. S'agissant de la dérogation accordée par l'arrêté contesté pour la campagne 2022, il résulte de l'instruction, notamment des échanges lors de l'audience publique, que le risque d'une nouvelle infestation massive par des pucerons porteurs des maladies de la betterave au printemps 2022 est sérieux et qu'il n'existe pas encore, à ce stade, malgré les recherches en cours, d'autres moyens disponibles pour maîtriser effectivement ce danger pour la production agricole concernée, tout au moins pour la campagne 2022. En outre, si l'arrêté ne comporte pas de limitation géographique, il résulte de son objet même, conformément à l'article L. 253-8-3 du code rural et de la pêche maritime, qu'il ne peut concerner que les zones dans lesquelles est cultivée la betterave sucrière, lesquelles ne représentent que 1,5 % de la surface agricole utile française et sont concentrées en pratique dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France et dans le Grand-Est. Par ailleurs, ainsi que l'administration l'a confirmé lors de l'audience publique, non seulement l'usage des semences autorisées par l'arrêté attaqué, limité à 120 jours pour la campagne 2022 et pour les seules betteraves sucrières, ne peut être réalisé que conformément aux prescriptions rappelées par l'annexe 1 de l'arrêté, mais il est également soumis au respect des prescriptions générales encadrant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, notamment en ce qui concerne le respect des distances par rapport à des zones d'habitation ou à des cours d'eau. Par suite, nonobstant la répétition, en 2022, du recours à cette dérogation, alors même que le législateur n'a admis la possibilité d'y recourir que jusqu'en 2023, le moyen tiré de ce que les conditions posées par l'article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009 ne sont pas respectées n'est pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté.

7. En dernier lieu, si les requérantes soutiennent que l'arrêté n'a pas été notifié à la Commission européenne et aux autres Etats membres en méconnaissance de l'article 53 du règlement (UE) n° 1107/2009 ainsi que de l'article 7 de la directive (UE) n° 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, il résulte en tout état de cause de l'instruction que l'arrêté contesté a fait l'objet d'une notification à la Commission. Par suite, le moyen tiré du défaut de notification à la Commission européenne n'est pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté.

8. D'autre part, si les requérantes soutiennent que l'arrêté attaqué est contraire aux objectifs de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, il résulte de ce qui a été dit plus haut que cet arrêté relève du régime spécifique établi par le règlement (UE) n° 1107/2009. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'objectif de la directive 2009/128/CE tendant au développement des méthodes ou techniques de substitution à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et du plan national " Ecophyto II+ " pris pour son application, ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté contesté.

En ce qui concerne les autres moyens :

9. Les moyens tirés de la méconnaissance du principe de précaution, qui vise en réalité la loi elle-même, du principe de non-régression de la protection de l'environnement, qui n'est pas opérant contre l'arrêté qui se borne à mettre en oeuvre la dérogation instituée par la loi elle-même, de la motivation de l'arrêté, qui présente un caractère règlementaire, de l'irrégularité de l'avis du conseil de surveillance, de l'avis demandé à l'Anses et de la procédure de consultation du public, ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté attaqué.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence, que la requête présentée par l'association Agir pour l'environnement et autres doit être rejetée.


O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de l'association Agir pour l'environnement, la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès et la Fédération française des apiculteurs professionnels est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Agir pour l'environnement, la Confédération paysanne, la fédération Nature et progrès, la Fédération française des apiculteurs professionnels et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée à la ministre de la transition écologique.
Fait à Paris, le 25 février 2022
Signé : Fabien Raynaud