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Ariane Web: Conseil d'État 447441, lecture du 4 juillet 2022, ECLI:FR:CECHS:2022:447441.20220704

Décision n° 447441
4 juillet 2022
Conseil d'État

N° 447441
ECLI:FR:CECHS:2022:447441.20220704
Inédit au recueil Lebon
2ème chambre
M. Sébastien Gauthier, rapporteur
M. Philippe Ranquet, rapporteur public
SCP LE BRET-DESACHE ; SCP THOMAS-RAQUIN, LE GUERER, BOUNIOL-BROCHIER, avocats


Lecture du lundi 4 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel (Loiret) à leur verser la somme de 220 561,01 euros en réparation du préjudice résultant de l'inconstructibilité de leur propriété située route d'Orléans, sur le territoire de la commune.

Par deux jugements n° 1600248 des 19 juin et 23 octobre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a, après avoir sursis à statuer, condamné la commune à verser aux requérants la somme de 217 561,01 euros en réparation du préjudice subi.

Par un arrêt n° 18NT04526 du 9 octobre 2020, la cour administrative d'appel de Nantes a, sur appel de la commune, annulé ce jugement et rejeté les demandes indemnitaires de M. A... et Mme D....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2020 et 25 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... et Mme D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret du 13 décembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation ;
- le décret n° 2009-615 du 3 juin 2009 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Sébastien Gauthier, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Philippe Ranquet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desache, avocat de M. A... et de Mme D..., et à la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la commune de Saint-Denis de l'Hôtel ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 24 avril 2008, le maire de Saint-Denis-de-l'Hôtel (Loiret) n'a pas fait opposition à la déclaration préalable déposée, en vue de la réalisation de deux lots à bâtir, par les propriétaires de parcelles situées route d'Orléans sur le territoire de la commune. Par un arrêté du 17 mai 2010, le maire de la commune a rapporté le permis de construire qu'il avait tacitement accordé le 18 mars 2010 à M. A... et Mme D..., acquéreurs de l'un de ces lots, pour la construction d'une maison individuelle, et a sursis à statuer sur leur demande. Par deux arrêtés du 11 juillet 2011 et du 29 novembre 2012, il leur a refusé le permis de construire qu'ils sollicitaient. Par un arrêt du 30 avril 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé l'arrêté du 17 mai 2010 en tant que le maire de la commune a sursis à statuer sur la demande de permis de construire et rejeté la requête en tant qu'elle portait sur la décision de retrait du permis de construire. M. A... et Mme D... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 9 octobre 2020 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a annulé le jugement du 23 octobre 2018 par lequel le tribunal a condamné la commune à leur verser la somme de 217 561,01 euros en réparation du préjudice d'inconstructibilité résultant de la faute de la commune tenant à l'illégalité de l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable du 24 avril 2008.

2. Aux termes de 1'article L. 111-1-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la route départementale 960, qui jouxte le terrain appartenant aux requérants, correspond à l'itinéraire de l'ancienne route nationale 152, que le décret du 13 décembre 1952 portant nomenclature des voies à grande circulation classait comme voie à grande circulation sur le tronçon qui suit la rive droite de la Loire, de Briare à Angers. Aucun acte abrogeant le classement n'ayant été produit, cette voie doit être regardée comme ayant conservé ce caractère, indépendamment de ses changements de numérotation et de son transfert.

4. Il résulte de ce qui précède qu'en retenant qu'à la date de l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable mentionné au point 1, le tronçon de la route départementale 960, entre Châteauneuf-sur-Loire et Saint-Jean-de-Braye, au bord duquel sont situés les terrains en litige, n'était pas une voie à grande circulation à laquelle s'appliquaient les dispositions citées au point 2, la cour administrative d'appel de Nantes a dénaturé les pièces du dossier. Son arrêt doit, en conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, être annulé.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 octobre 2020 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nantes.
Article 3 : La commune de Saint-Denis de l'Hôtel versera la somme de 3 000 euros à M. A... et Mme D... au titre de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., premier requérant nommé, et à la commune de Saint-Denis-de-l'Hôtel.