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Ariane Web: Conseil d'État 450330, lecture du 27 juillet 2022, ECLI:FR:CECHR:2022:450330.20220727

Décision n° 450330
27 juillet 2022
Conseil d'État

N° 450330
ECLI:FR:CECHR:2022:450330.20220727
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Philippe Bachschmidt , rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public


Lecture du mercredi 27 juillet 2022
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 mars et 3 juin 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur sa demande tendant à la mise à disposition sur le site Légifrance de l'ensemble des arrêtés préfectoraux à caractère réglementaire ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les dispositions du 2° du I et du 2° du II de l'article 1er du décret du 8 septembre 2020 relatif à la modernisation du service public de diffusion du droit par l'internet ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux contre ces dispositions ;

3°) à titre subsidiaire, au cas où ces dispositions seraient regardées comme indivisibles des autres dispositions du décret du 8 septembre 2020, d'annuler pour excès de pouvoir ce décret dans son intégralité.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2002-1064 du 7 août 2002 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;



Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier en date du 28 octobre 2020, M. A... B... a saisi le Premier ministre d'une demande tendant à la mise à disposition sur le site Légifrance de l'ensemble des arrêtés préfectoraux à caractère réglementaire. Par le même courrier, il a également saisi le Premier ministre d'un recours gracieux contre, d'une part, le 2° du I de l'article 1er du décret du 8 septembre 2020 relatif à la modernisation du service public de diffusion du droit par l'internet, en tant qu'il a prévu que le site Légifrance ne mettrait plus à disposition du public " les décisions et arrêts du Conseil constitutionnel, du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et du tribunal des conflits ", mais " les décisions et arrêts transmis par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'Etat, la Cour de cassation et le tribunal des conflits ", c'est-à-dire uniquement une sélection de décisions et d'arrêts, et, d'autre part, le 2° du II du même article, en tant qu'il a supprimé la disposition selon laquelle le site Légifrance " rend compte de l'actualité législative, réglementaire et juridictionnelle ". M. B... demande l'annulation pour excès de pouvoir des refus implicites opposés à ses demandes ainsi que des dispositions qu'il conteste du décret du 8 septembre 2020.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet relative à la mise à disposition des arrêtés préfectoraux à caractère réglementaire sur le site Légifrance :

2. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l'internet : " Il est créé un service public de la diffusion du droit par l'internet. / Ce service a pour objet de faciliter l'accès du public aux textes en vigueur ainsi qu'à la jurisprudence. / Il met gratuitement à la disposition du public les données suivantes : / 1° Les actes à caractère normatif suivants, présentés tels qu'ils résultent de leurs modifications successives : / a) La Constitution, les codes, les lois et les actes à caractère réglementaire émanant des autorités de l'Etat ; / b) Les conventions collectives nationales ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension (...) ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Il est créé un site dénommé Légifrance (...), placé sous la responsabilité du secrétaire général du Gouvernement et exploité par la direction de l'information légale et administrative. / Ce site donne accès, directement, par l'établissement de liens ou par une interface de programmation, à l'ensemble des données mentionnées à l'article 1er (...) ". Il résulte de l'économie générale de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, que le site Légifrance a vocation à mettre à la disposition du public les actes à caractère normatif émanant des autorités de l'Etat à compétence nationale, notamment leurs actes à caractère réglementaire.

3. Les arrêtés préfectoraux à caractère réglementaire ne sont pas des actes émanant d'une autorité de l'Etat à compétence nationale. Dès lors, ces arrêtés, qui sont au demeurant publiés au recueil des actes administratifs des préfectures, lesquels sont accessibles en ligne, ne peuvent être regardés comme des actes à caractère réglementaire émanant des autorités de l'Etat au sens et pour l'application du décret du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l'internet.

4. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet opposée par le Premier ministre à sa demande tendant à la mise à disposition sur le site Légifrance de l'ensemble des arrêtés préfectoraux à caractère réglementaire.

Sur les conclusions dirigées contre le décret du 8 septembre 2020 :

5. L'article 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose que : " Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d'accès aux règles de droit applicables aux citoyens. / Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller. / Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat. " Le législateur a ainsi entendu subordonner à l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat la définition d'éventuelles règles de portée générale encadrant l'organisation par les autorités administratives de l'accès aux règles de droit qu'elles édictent, mais non les conditions dans lesquelles chaque autorité administrative met en oeuvre cette liberté d'accès aux règles de droit.

6. Le décret du 7 août 2002 relatif au service public de la diffusion du droit par l'internet, de même que le décret du 8 septembre 2020 relatif à la modernisation du service public de diffusion du droit par l'internet qui l'a modifié, ne comportent pas de règles de portée générale encadrant l'organisation par les autorités administratives de l'accès aux règles de droit, mais créent, dans le cadre fixé par les dispositions législatives mentionnées au point 5, un service public de la diffusion du droit par l'internet concernant principalement l'accès à certaines règles de droit édictées par l'Etat, ainsi que le site Légifrance, qui contribue à la mise en oeuvre de ce service public. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, le Conseil d'Etat n'avait pas à être consulté préalablement à l'édiction du décret attaqué.

7. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions du 2° du I et du 2° du II de l'article 1er du décret du 8 septembre 2020 relatif à la modernisation du service public de diffusion du droit par l'internet.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Premier ministre, que la requête de M. B... doit être rejetée.



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la Première ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 1er juillet 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, Mme Anne Egerszegi, M. Thomas Andrieu, M. Alexandre Lallet, M. Alain Seban, conseillers d'Etat et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 27 juillet 2022.

Le président :
Signé : M. Christophe Chantepy

Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt

La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana



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