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Ariane Web: Conseil d'État 456830, lecture du 7 avril 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:456830.20230407

Décision n° 456830
7 avril 2023
Conseil d'État

N° 456830
ECLI:FR:CECHR:2023:456830.20230407
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Matias de Sainte Lorette, rapporteur
Mme Céline Guibé, rapporteur public
SCP LESOURD, avocats


Lecture du vendredi 7 avril 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La société générale de textile Balsan, représentée par M. B... C... en sa qualité de mandataire liquidateur amiable, a demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les véhicules utilisés par les sociétés mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2000. Par un jugement n° 1700143 du 4 juillet 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19X03513 du 20 juillet 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 septembre et 20 décembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la société générale de textile Balsan, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lesourd, avocat de la société générale de textile Balsan ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a notifié le 16 janvier 2001 à la société générale de textile Balsan (SGTB) un avis de mise en recouvrement portant sur la taxe sur les véhicules utilisés par les sociétés due, selon ses propres déclarations, pour la période d'octobre 1999 à septembre 2000. Par un jugement du 10 janvier 2001, le tribunal de commerce de Châteauroux a arrêté le plan de redressement organisant la cession de l'entreprise. Un premier liquidateur amiable de la société SGBT a été désigné par un jugement de ce même tribunal de commerce du 2 juillet 2008 et a été remplacé en cette qualité par M. C... à compter du 28 octobre suivant. M. C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la société SGTB, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juillet 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel contre le jugement du 4 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 1844-8 du code civil, applicable aux sociétés : " La dissolution de la société entraîne sa liquidation, hormis les cas prévus à l'article 1844-4 et au troisième alinéa de l'article 1844-5. Elle n'a d'effet à l'égard des tiers qu'après sa publication ". Aux termes de l'article L. 237-2 du code de commerce, applicable aux diverses sociétés commerciales : " La société est en liquidation dès l'instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit sauf dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article 1844-5 du code civil. Sa dénomination sociale est suivie de la mention " société en liquidation ". / La personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation, jusqu'à la clôture de celle-ci. / La dissolution d'une société ne produit ses effets à l'égard des tiers qu'à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés ".

3. Aux termes de l'article L. 622-9 du code de commerce, dans sa rédaction alors applicable : " Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur ". Il résulte de ces dispositions que les droits et actions du débiteur qu'elles visent incluent ceux qui se rapportent, le cas échéant, aux dettes fiscales de celui-ci, et, par suite, aux actes de la procédure d'imposition le concernant, tels que les avis de mise en recouvrement, qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur son patrimoine. Dès lors, c'est au liquidateur que doit être adressé, dès la date du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, un avis de mise en recouvrement des impositions dues par la société en liquidation. Par suite, si jusqu'à la date à laquelle l'administration a été informée de cette liquidation judiciaire, et au plus tard à la date de publication du jugement prononçant la mise en liquidation, la notification d'un avis de mise en recouvrement faite non au liquidateur mais à la seule société a pour effet d'interrompre, en application de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, la prescription prévue aux articles L. 169 et suivants de ce livre, elle ne saurait être regardée comme régulière au regard des dispositions de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales.

4. Dès lors, en se fondant sur les dispositions de l'article
1844-8 du code civil pour juger que l'avis de mise en recouvrement avait été valablement notifié à la société requérante le 16 janvier 2001, de sorte qu'il avait pu faire courir le délai de recours et que sa réclamation préalable obligatoire formée le 23 juin 2016 était tardive, au motif que cet avis lui avait été notifié avant la publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales du jugement du 10 janvier 2001 du tribunal de commerce de Châteauroux arrêtant le plan de redressement organisant la cession de l'entreprise, alors qu'à supposer que la société se fût trouvée en liquidation par l'effet de ce jugement, il convenait d'appliquer les dispositions de l'article L. 622-9 du code de commerce telles qu'interprétées au point 3, la cour a méconnu le champ d'application de la loi.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi, que M. B... C..., agissant en qualité de liquidateur amiable de la société SGTB, est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 20 juillet 2021 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B... C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la société générale de textile Balsan, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... C..., agissant en qualité de mandataire liquidateur amiable de la société générale de textile Balsan, et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 15 mars 2023 où siégeaient :
Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Nathalie Escaut, M. Alexandre Lallet, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes-rapporteur.

Rendu le 7 avril 2023.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
Le rapporteur :
Signé : M. Matias de Sainte Lorette
La secrétaire :
Signé : Mme Wafak Salem
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :


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