Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 457751, lecture du 22 juin 2023, ECLI:FR:CECHS:2023:457751.20230622

Décision n° 457751
22 juin 2023
Conseil d'État

N° 457751
ECLI:FR:CECHS:2023:457751.20230622
Inédit au recueil Lebon
6ème chambre
Mme I de Silva, président
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Nicolas Agnoux, rapporteur public
ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats


Lecture du jeudi 22 juin 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un nouveau mémoire, enregistrés les 22 octobre 2021 et 4 avril 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération départementale des chasseurs du Gard demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision par laquelle la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier a implicitement refusé de retirer ou, à défaut, d'abroger la grille nationale de réduction de l'indemnisation établie le 10 mars 2015 ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier de procéder au retrait ou, à défaut, à l'abrogation de la grille nationale de réduction de l'indemnisation établie le 10 mars 2015, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision n° 2021-963 QPC du Conseil constitutionnel du 20 janvier 2022 ;
- le code de l'environnement ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la Fédération départementale des chasseurs du Gard ;



Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 20 août 2021, la Fédération départementale des chasseurs du Gard a demandé au président de la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier de retirer ou, à défaut, d'abroger la grille nationale de réduction de l'indemnisation arrêtée par cette commission le 10 mars 2015 en application des articles L. 426-3 et R. 426-5 du code de l'environnement. Elle demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande par le président de la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier.

2. Aux termes de l'article L. 426-1 du code de l'environnement : " En cas de dégâts causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles soit par les sangliers, soit par les autres espèces de grand gibier soumises à plan de chasse, l'exploitant qui a subi un dommage nécessitant une remise en état, une remise en place des filets de récolte ou entraînant un préjudice de perte de récolte peut réclamer une indemnisation sur la base de barèmes départementaux à la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs ". Aux termes de l'article L. 426-3 de ce code : " L'indemnisation mentionnée à l'article L. 426-1 pour une parcelle culturale n'est due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal. (...) / En tout état de cause, l'indemnité fait l'objet d'un abattement proportionnel. / En outre, cette indemnité peut être réduite s'il est constaté que la victime des dégâts a une part de responsabilité dans la commission des dégâts. La Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier, visée à l'article L. 426-5, détermine les principales règles à appliquer en la matière. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 426-5 du même code : " (...) La fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs prend à sa charge les dépenses liées à l'indemnisation et à la prévention des dégâts de grand gibier. (...) ".

3. La grille nationale de réduction de l'indemnisation établie par la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier le 10 mars 2015 prévoit les cas justifiant une réduction de l'indemnisation des dégâts de gibier, en application des articles L. 426-3 et R. 426-5 du code de l'environnement. Au nombre de ces cas figure celui tenant au " refus du réclamant de faciliter et de participer à la mise en place d'une prévention dans le respect des dispositions du schéma départemental de gestion cynégétique en dehors des zones présentant les dégâts significativement les plus importants du département " (cas n° 5). Au titre des " observations " mentionnées en marge de ces dispositions, la commission précise que : " (...) La prévention, mise en oeuvre dans les zones présentant les dégâts significativement les plus importants du département, est entièrement à la charge de la Fédération ou des chasseurs sauf contractualisation particulière avec le réclamant. Dans ce cas de figure, aucune réduction ne pourra être appliquée sur ce fondement ".

4. En premier lieu, par une décision n° 2021-963 QPC du 20 janvier 2022, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du troisième alinéa de l'article L. 421-5 du code de l'environnement, de l'article L. 426-3 du même code et des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 426-5 de ce code étaient conformes au principe d'égalité devant les charges publiques et au droit de propriété. Dès lors, le moyen tiré de l'inconstitutionnalité de ces dispositions ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les mentions relatives au cas n° 5 de la grille du 10 mars 2015 citées au point 3, qui se bornent à déterminer, selon les termes de l'article L. 426-3 du code de l'environnement, les principales règles à appliquer pour la réduction de l'indemnité, sont suffisamment claires et précises. Par suite, le moyen tiré de leur inintelligibilité doit être écarté.

6. En troisième lieu, si les requérants critiquent les observations mentionnées en marge des mentions du cas n° 5 citées au point 3, celles-ci ne sauraient avoir ni pour objet ni pour effet de créer des obligations nouvelles à la charge des fédérations départementales de chasseurs. Par suite, les moyens tirés de ce qu'il résulterait de ces mentions des sujétions mises à la charge des fédérations départementales excédant celles prévues par la loi, en méconnaissance de leurs statuts ainsi que du code de l'environnement, du code du travail et du code rural et de la pêche maritime, qui par leur caractère injustifié et exorbitant porteraient atteinte à la liberté d'association, au principe d'égalité devant les charges publiques et au droit de propriété garantis par la Constitution et par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que la requête de la Fédération départementale des chasseurs du Gard ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de la Fédération départementale des chasseurs du Gard est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération départementale des chasseurs du Gard, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Copie en sera adressée à la Commission nationale d'indemnisation des dégâts de gibier.