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Ariane Web: Conseil d'État 450093, lecture du 13 juillet 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:450093.20230713

Décision n° 450093
13 juillet 2023
Conseil d'État

N° 450093
ECLI:FR:CECHR:2023:450093.20230713
Inédit au recueil Lebon
6ème - 5ème chambres réunies
Mme Christine Maugüé , président
Mme Pauline Hot, rapporteur
M. Stéphane Hoynck, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO & GOULET, avocats


Lecture du jeudi 13 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

L'association Lévézou en péril, Mme AM... K..., M. AH... G..., M. AL... G..., Mme H... U..., M. M... et Mme Q... G..., M. V... E..., M. B... et Mme AF... G..., Mme AJ... T..., M. A... AD..., Mme I... AB..., M. D... AB..., M. W... C..., Mme AG... C..., M. O... C..., M. R... et Mme AK... C..., M. AC... J..., M. N... J..., M. L... X..., M. AH... et Mme Y... C..., M. AA... F..., Mme AE... J..., M. P... et Mme AI... S..., M. Z... S... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 juin 2014 par lequel le préfet de l'Aveyron a délivré à la société à responsabilité limitée (SARL) Centrale éolienne de la Croix de Boudets (CECBO) et à la société par actions simplifiée (SAS) Centrale éolienne Le Rajal (CERAJ) le permis de construire six aérogénérateurs et deux postes électriques sur le territoire de la commune de Saint-Beauzély, ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux. Par un jugement n° 1500084 du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté et cette décision.

Par un arrêt avant-dire droit nos 17BX01557 du 26 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel des sociétés SARL Centrale éolienne de la Croix de Boudets et SAS Centrale éolienne Le Rajal, jugé que, sur l'ensemble des moyens invoqués par les requérants, tant en première instance qu'en appel, seuls les moyens tirés de l'insuffisance de motivation des conclusions du commissaire enquêteur et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme étaient de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 juin 2014. Par ce même arrêt, la cour administrative d'appel a estimé que ces illégalités pouvaient être régularisées et a sursis à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, ou de six mois en cas d'enquête publique, à compter de la notification du présent arrêt, pour permettre aux sociétés CECBO et CERAJ de notifier le cas échéant à la cour une mesure de régularisation des illégalités mentionnées aux points 5 et 24 de son arrêt. La cour a également réservé jusqu'en fin d'instance tous les droits et moyens des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué.

Par un arrêt nos 17BX01557 du 29 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 22 mars 2017 du tribunal administratif de Toulouse et rejeté la demande de l'association Lévézou en péril et autres tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 24 février et 21 mai 2021, et le 12 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Lévézou en péril et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ces deux arrêts ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel des sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Centrale éolienne Le Rajal ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et des sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Centrale éolienne Le Rajal la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Hot, auditrice,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Lévézou en péril et autres et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Centrale éolienne de la Croix de Boudets et autre ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 13 juin 2014, le préfet de l'Aveyron a accordé aux sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Le Rajal un permis de construire pour l'édification de six aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire de la commune de Saint-Beauzély (Aveyron). Par un jugement du 22 mars 2017, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cet arrêté. Par un arrêt du 26 novembre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir, d'une part, relevé qu'un des moyens retenus par le tribunal administratif pour annuler le permis litigieux n'était pas fondé et que l'autre moyen était tiré d'un vice susceptible d'être régularisé et, d'autre part, écarté les autres moyens soulevés à l'exception de l'un d'entre eux, dont elle a également considéré qu'il était susceptible de régularisation, a sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 13 juin 2014 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois, ou de six mois en cas d'enquête publique, à compter de la notification de l'arrêt, pour permettre aux sociétés de notifier à la cour une mesure de régularisation des illégalités relevées. Par un arrêt du 29 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse et rejeté la demande de l'association Lévézou en péril et autres tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral précité. Les requérants se pourvoient en cassation contre ces deux arrêts.

Sur l'arrêt avant-dire droit du 26 novembre 2019 :

En ce qui concerne les moyens écartés :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le permis ou la décision prise sur la déclaration préalable doit respecter les préoccupations d'environnement définies aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du code de l'environnement. Le projet peut n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si, par son importance, sa situation ou sa destination, il est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement ". Ces dispositions ne permettent pas à l'autorité administrative de refuser un permis de construire, mais seulement de l'accorder sous réserve du respect de prescriptions spéciales relevant de la police de l'urbanisme, telles que celles relatives à l'implantation ou aux caractéristiques des bâtiments et de leurs abords, si le projet de construction est de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement.

3. En relevant qu'il résultait de l'instruction que le pétitionnaire avait prévu un ensemble de mesures de protection des chiroptères communiquées au service instructeur et en considérant que ces engagements devaient être regardés comme étant pris en compte par l'arrêté du 13 juin 2014, qui vise les compléments apportés par la société, pour en déduire que le préfet de l'Aveyron n'avait pas méconnu les dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme en prenant l'arrêté litigieux, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

4. En deuxième lieu, les motifs par lesquels la cour administrative d'appel de Bordeaux a retenu que l'arrêté en litige doit être considéré comme une autorisation environnementale soumise à un contentieux de pleine juridiction en application de l'article 15 de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 présentent un caractère surabondant et ne peuvent donc être utilement contestés devant le juge de cassation.

5. En troisième lieu, l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à l'espèce, disposait que : " Lorsque la demande concerne la construction de bâtiments ou d'ouvrages devant être desservis par des équipements publics, le plan de masse visé à l'alinéa précédent indique le tracé de ces équipements et les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages y seront raccordés. A défaut d'équipements publics, le plan de masse indique les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement ". Le raccordement, à partir de son poste de livraison, d'une installation de production d'électricité au réseau électrique se rattache à une opération distincte de la construction de cette installation et est sans rapport avec la procédure de délivrance du permis de construire l'autorisant.

6. Il résulte de ce qui précède qu'en relevant que les conditions de raccordement n'avaient pas à figurer dans le dossier de demande de permis de construire du parc éolien projeté, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 425-9 du code de l'urbanisme, issu du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 entré en vigueur le 1er juillet 2007 : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. "

8. En relevant que s'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les avis du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense, tous deux favorables mais assortis de prescriptions, auraient été joints au dossier soumis à enquête publique, ce seul élément, en l'absence d'autres circonstances, n'était pas de nature à avoir privé le public d'une information sans laquelle il n'aurait pu participer effectivement, à l'enquête et n'a pas exercé une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur le sens de la décision en litige, la cour administrative d'appel de Bordeaux, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 424-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision autorise un projet soumis à étude d'impact, elle est accompagnée d'un document comportant les informations prévues à l'article L. 122-1 du code de l'environnement ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice de l'application des dispositions des articles L. 11-1-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et L. 126-1 du présent code relatives à la motivation des déclarations d'utilité publique et des déclarations de projet, lorsqu'une décision d'octroi ou de refus de l'autorisation concernant le projet soumis à l'étude d'impact a été prise, l'autorité compétente en informe le public et, sous réserve du secret de la défense nationale, met à sa disposition les informations suivantes : / - la teneur de la décision et les conditions dont celle-ci est le cas échéant assortie ; / - les motifs qui ont fondé la décision ; / - les lieux où peuvent être consultées l'étude d'impact ainsi que, le cas échéant, les principales mesures destinées à éviter, réduire et si possible compenser les effets négatifs importants du projet ". Ces dispositions, qui exigent que soit portée à la connaissance du public une information supplémentaire explicitant les motifs et les considérations qui ont fondé la décision, ne sauraient être interprétées comme imposant une motivation de celle-ci qui serait une condition de sa légalité. Par suite, la circonstance que les informations prévues par les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code de l'environnement n'ont pas été jointes aux arrêtés contestés est sans incidence sur leur légalité. Dans ces conditions, en relevant que la circonstance que les informations prévues par l'article L. 122-1 du code de l'environnement n'avaient pas été jointes à l'arrêté litigieux était sans incidence sur sa légalité, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.

10. En sixième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

11. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Bordeaux a relevé que l'article 2 de l'arrêté litigieux imposait le respect d'un plan de gestion sonore ainsi que l'obligation de mise en place d'un contrôle in situ ayant pour objectif de le renforcer et de l'améliorer, et en a déduit que les prescriptions en cause étaient suffisantes. Ce faisant, elle n'a pas commis d'erreur de droit. Il résulte de ce qui précède que le moyen correspondant doit être écarté.

12. En septième lieu, aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient au juge d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21.

13. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a examiné tant la qualité du site naturel et urbain sur lequel l'exploitation de l'installation est projetée, marqué par la présence de monuments historiques, du mont Seigne et du Puech du Pal, de lieuxdits remarquables tels que Mauriac et de la Gineste, du parc régional des Grandes Causses, et par l'inscription au Patrimoine mondial de l'UNESCO des Causses des Cévennes, que l'impact de l'autorisation projetée sur ces paysages et ces sites. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas la qualité des paysages et des sites doit être écarté.

14. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire ".

15. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel a relevé que le classement au Patrimoine mondial de l'UNESCO des Causses des Cévennes était postérieur à la date à prendre en compte en vertu de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme pour apprécier la légalité de l'arrêté en litige. Si l'inscription du site des Causses des Cévennes au patrimoine mondial de l'UNESCO ne constitue pas une disposition d'urbanisme au sens de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, l'erreur commise sur ce point par la cour est dépourvue de toute incidence, la cour ayant constaté que le classement des Causses des Cévennes n'avait, en tout état de cause, pas à être pris en compte pour apprécier la légalité de l'arrêté en litige, eu égard à l'effet de cristallisation des règles d'urbanisme à la date du refus illégal initialement opposé à la demande de permis de construire des sociétés requérantes.

16. En neuvième lieu, pour écarter le moyen tiré de ce que le projet en litige, en s'ajoutant aux parcs existants à proximité, crée un effet de saturation visuelle, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rappelé, sans entacher son arrêt d'erreur de droit sur ce point, l'autorité de chose jugée attachée aux motifs du jugement du 11 juin 2013, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision implicite de rejet opposée par le préfet à la demande des pétitionnaires, en jugeant qu'en estimant que le projet en litige présentait un risque de saturation du paysage proche et lointain, le préfet avait commis une erreur d'appréciation.

En ce qui concerne l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

17. En dixième lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".

18. Lorsque le juge administratif décide de recourir à l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le requérant de première instance peut contester le jugement avant dire droit en tant qu'il a écarté comme non-fondés les moyens dirigés contre l'autorisation initiale d'urbanisme et en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1. Toutefois, à compter de la délivrance du permis destiné à régulariser le vice relevé dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire droit, les conclusions présentées par le requérant de première instance et dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sont privées d'objet. Il s'ensuit qu'en l'espèce, à compter de la régularisation des vices relevés par la cour administrative d'appel dans son arrêt avant-dire droit du 26 novembre 2019, les conclusions dirigées contre cet arrêt, en tant qu'il a mis en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, sont privées d'objet.

19. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Lévézou en Péril et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt avant-dire droit du 26 novembre 2019, s'agissant du surplus de leurs conclusions.

Sur l'arrêt du 29 décembre 2020 :

20. En premier lieu, aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Le commissaire-enquêteur (...) établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. Le commissaire enquêteur (...) consigne, dans un document séparé, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables ou non à l'opération. Le commissaire enquêteur (...) transmet au préfet le dossier de l'enquête avec le rapport et les conclusions motivées dans un délai d'un mois à compter de la date de clôture de l'enquête ". Il résulte de ces dispositions que le commissaire enquêteur doit, d'une part, établir un rapport relatant le déroulement de l'enquête et procéder à un examen des observations recueillies lors de celle-ci, en résumant leur contenu et, d'autre part, indiquer dans un document séparé, ses conclusions motivées sur l'opération, en tenant compte de ces observations, mais sans être tenu de répondre à chacune d'elles.

21. Pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'exigence de motivation des conclusions du nouveau commissaire-enquêteur désigné après l'arrêt avant-dire droit, la cour a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que l'intéressé a analysé dans son rapport de manière synthétique et par thèmes les observations du public formulées devant lui, sans que la circonstance qu'il se soit fondé, pour répondre aux observations du public, sur les éléments produits par le maître de l'ouvrage ne soit de nature à révéler qu'il ne se serait pas personnellement approprié les éléments du dossier d'enquête, d'autre part qu'il a apprécié l'impact de l'exploitation projetée sur le paysage dans plusieurs parties de son rapport, notamment dans la partie 2.3 consacrée à la présentation du projet en y décrivant les caractéristiques du paysage, l'impact du projet et les perceptions visuelles ainsi que les co-visibilités depuis différents points de vue, avant d'assortir son avis de réserves et de recommandations.

22. En deuxième lieu, lorsque le juge administratif prescrit la conduite d'une nouvelle enquête publique, les éléments d'une précédente procédure peuvent être réutilisés, malgré leur ancienneté, à la condition toutefois qu'aucun changement de fait ou de droit ne soit intervenu les rendant obsolètes. Par suite, en relevant, aux termes d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les éléments de la note technique produite par la Ligue de protection des oiseaux du Lot-et-Garonne, en date du 24 juin 2019, concluant à une adaptation faible des oiseaux aux éoliennes, ainsi que la note technique Eurobats, de novembre 2020, rappelant que la Grande Noctule est classée parmi les espèces grandement vulnérables, ne suffisent pas, à eux seuls, à établir que les données de l'étude d'impact initiale, au demeurant complétée par le pétitionnaire lors de la nouvelle instruction de sa demande faisant suite à l'injonction prononcé par le tribunal administratif de Toulouse dans son jugement du 11 juin 2013, seraient devenus obsolètes, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit.

23. Enfin, il résulte des dispositions rappelées au point 17 que lorsque le juge estime que le permis de construire, de démolir ou d'aménager qui lui est déféré est entaché d'un vice entraînant son illégalité, mais susceptible d'être régularisé par la délivrance d'un permis modificatif, il peut, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, après avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le principe de l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, constater, par une décision avant-dire droit, que les autres moyens ne sont pas fondés, et surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour permettre, selon les modalités qu'il détermine, la régularisation du vice qu'il a relevé. Lorsque le juge administratif estime par un premier jugement, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de l'acte attaqué est susceptible d'être régularisé et sursoit en conséquence à statuer par application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, les motifs de ce premier jugement qui écartent les autres moyens sont au nombre des motifs qui constituent le soutien nécessaire du dispositif du jugement qui clôt finalement l'instance, si ce second jugement rejette les conclusions à fin d'annulation en retenant que le vice relevé dans le premier jugement a été régularisé, dans le délai imparti, par la délivrance d'une mesure de régularisation.

24. Dès lors, en jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-26 du code de l'urbanisme en raison de l'impact environnemental du projet sur le vautour Fauve et le busard centré, écarté par la cour dans son arrêt avant-dire droit, était inopérant, la cour administrative d'appel de Bordeaux n'a pas commis d'erreur de droit.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et des sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Centrale éolienne Le Rajal qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Lévézou en Péril et autres la somme de 3 000 euros à verser aux sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Centrale éolienne Le Rajal, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.






D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt avant-dire droit du 26 novembre 2019 en tant qu'il met en oeuvre l'article L 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'association Lévézou en Péril et autres est rejeté.
Article 3 : L'association Lévézou en Péril et autres verseront solidairement la somme de 3 000 euros aux sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Centrale éolienne Le Rajal au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association Lévézou en Péril, première dénommée pour l'ensemble des requérantes, aux sociétés Centrale éolienne de la Croix de Boudets et Centrale éolienne Le Rajal et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l'issue de la séance du 31 mai 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d'Etat et Mme Pauline Hot, auditrice-rapporteure.

Rendu le 13 juillet 2023.


La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Pauline Hot
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse