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Ariane Web: Conseil d'État 489781, lecture du 1 décembre 2023, ECLI:FR:CEORD:2023:489781.20231201

Décision n° 489781
1 décembre 2023
Conseil d'État

N° 489781
ECLI:FR:CEORD:2023:489781.20231201
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés


Lecture du vendredi 1 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'enjoindre à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de retirer sans délai son nom des listes des personnalités politiques et, à titre subsidiaire, de supprimer la mention de son appartenance au parti politique " Reconquête " ;

2°) de mettre à la charge de l'Arcom la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite en ce que le maintien de son nom sur la liste des personnalités politiques appartenant au parti politique " Reconquête " lui interdit l'accès aux médias audiovisuels et nuit ce faisant à la promotion de son roman ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'entreprendre, à la liberté d'expression, à la liberté de création artistique et à la liberté d'accès aux oeuvres culturelles.


Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;



Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : " La communication au public par voie électronique est libre. / L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise (...) par le respect (...) du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même loi : " L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des services de radio et de télévision, en particulier pour les émissions d'information politique et générale. / Les services de radio et de télévision transmettent les données relatives aux temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique selon les conditions de périodicité et de format que l'autorité détermine. L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique communique chaque mois aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et aux responsables des différents partis politiques représentés au Parlement le relevé des temps d'intervention des personnalités politiques dans les journaux et les bulletins d'information, les magazines et les autres émissions des programmes. Ce relevé est également publié dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ".

3. M. A... B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de retirer sans délai son nom des listes des personnalités politiques établies en application des dispositions citées au point 2 et, à titre subsidiaire, de supprimer la mention de son appartenance au parti " Reconquête ". Pour justifier l'urgence particulière qui s'attache selon lui au prononcé de cette injonction, il fait valoir qu'il vient de publier un roman, disponible en librairie depuis le 23 novembre 2023, dont il ne pourrait assurer la promotion en raison du refus des médias audiovisuels de lui accorder un temps de parole au motif, selon eux, que ce temps devrait être décompté comme un temps d'intervention au titre du parti " Reconquête ".

4. Toutefois, à supposer, d'une part, que les listes procédant, pour l'appréciation du respect du pluralisme politique, au décompte des temps d'intervention des personnalités politiques dans les émissions des programmes des services de radio et de télévision, établies par les éditeurs de ces services et transmises à l'Arcom en application des dispositions précitées de l'article 13 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, se fondent sur une liste nominative édictée et tenue à jour par l'Arcom elle-même et, d'autre part, que cette liste comprenne le nom du requérant à la date de la présente requête, ce qu'aucun élément au dossier ne permet de vérifier alors que le dernier relevé produit mentionnant le temps de parole de M. B... date du mois de septembre 2022 et est donc antérieur à la rupture des liens de celui-ci avec le parti " Reconquête ", en date du 5 décembre 2022 selon l'attestation jointe à la présente requête, l'obligation de décompte de son temps de parole qui découlerait de l'absence de mise à jour de cette liste ne saurait en tout état de cause, par elle-même, interdire tout accès de M. B... aux médias audiovisuels pour la promotion de son livre. Dès lors, la condition d'urgence particulière requise pour que le juge des référés puisse prendre à très bref délai des mesures conservatoires sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne saurait en tout état de cause être regardée comme remplie.

5. La requête de M. B... doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 de ce code.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
Fait à Paris, le 1er décembre 2023
Signé : Suzanne von Coester