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Ariane Web: Conseil d'État 458434, lecture du 19 décembre 2023, ECLI:FR:CECHR:2023:458434.20231219

Décision n° 458434
19 décembre 2023
Conseil d'État

N° 458434
ECLI:FR:CECHR:2023:458434.20231219
Publié au recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Catherine Brouard-Gallet, rapporteur
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public
SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL, avocats


Lecture du mardi 19 décembre 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

La Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT (FGMM CFDT), M. D... F..., M. C... B..., Mme G... A... et M. H... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 17 novembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale et, d'autre part, la décision du 1er décembre 2020 par laquelle le même directeur régional a validé l'avenant à l'accord collectif majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l'emploi de la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale. Par un jugement n°s 2100564 et 2101426/3-3 du 13 avril 2021, le tribunal administratif a annulé ces deux décisions.

Par un arrêt n°s 21PA03298, 21PA03306 du 14 septembre 2021, la cour administrative d'appel de Paris a, sur appels de la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale et de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté la demande présentée par la FGMM CFDT et autres.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 15 novembre 2021, les 15 février et 4 novembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, M. D... F..., M. C... B..., Mme G... A... et M. H... E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale et de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-1414 du 31 décembre 1991 ;
- la décision du Tribunal des conflits n° 4189 du 8 juin 2020 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Fédération générale des mines et de la métallurgie, de M. F..., de M. B..., de Mme A... et de M. E... et à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par une décision du 17 novembre 2020, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France a validé l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale (AAA) et que par une décision du 1er décembre 2020, il a validé un avenant à cet accord. Par un jugement du 13 avril 2021, sur demande de la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT (FGMM CFDT) et de quatre salariés de la société AAA, le tribunal administratif de Paris a annulé ces deux décisions. La FGMM CFDT et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 14 septembre 2021 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur appels de la société AAA et du ministre chargé du travail, annulé le jugement du 13 avril 2021 du tribunal administratif de Paris et rejeté la demande de première instance.

Sur le cadre juridique :

En ce qui concerne le contrôle par l'autorité administrative des obligations de l'employeur en matière de prévention des risques pour, durant la réorganisation de l'entreprise, assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs à l'occasion de la conclusion d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise :

S'agissant de l'obligation pour l'administration de procéder à un tel contrôle :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / (...) ". Aux termes de l'article L.1233-24-1 du même code : " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en oeuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité social et économique, quel que soit le nombre de votants, ou par le conseil d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L.2321-9. (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-24-2 : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, en particulier les conditions dans lesquelles ces modalités peuvent être aménagées en cas de projet de transfert d'une ou de plusieurs entités économiques prévu à l'article L. 1233-61, nécessaire à la sauvegarde d'une partie des emplois ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; / 5° Les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement prévues à l'article L. 1233-4 ". L'article L. 1233-24-4 dispose que : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité économique et social fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur ". Aux termes de l'article L. 1233-57-2 : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en oeuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ".

3. En outre, s'agissant de la procédure d'information et de consultation mentionnée au point précédent, il résulte des dispositions de l'article L. 1233-28 du code du travail que l'employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours doit réunir et consulter le comité social et économique. A ce titre, le I de l'article L. 1233-30 du même code, dispose, s'agissant des entreprises ou établissements qui emploient habituellement au moins cinquante salariés, que l'employeur réunit et consulte le comité sur " 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et le cas échéant , les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité social et économique prévue au présent article. (...) " et que le CSE tient au moins deux réunions. Aux termes de l'article L. 1233-31 du code du travail dans sa version applicable au litige : " L'employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. / Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre de licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l'ordre des licenciements ; / 4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l'établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économique envisagées ; / 7° Le cas échéant, les conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dont la rédaction est, pour l'essentiel, issue de celle résultant de la loi du 31 décembre 1991 modifiant le code du travail et le code de la santé publique en vue de favoriser la prévention des risques professionnels et portant transposition de directives européennes relatives à la santé et à la sécurité du travail, en l'espèce, la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". En vertu de l'article L. 4121-2 du même code, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement de principes généraux de prévention, au nombre desquels figurent l'évaluation des risques qui ne peuvent pas être évités, la planification de la prévention en y intégrant, notamment, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales, et la prise de mesures protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle.

5. Il résulte, en premier lieu, de l'ensemble de ces dispositions que s'il incombe à l'employeur de prendre des mesures pour prévenir les conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, en application des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail mentionné au point 4, et de les mettre en oeuvre, conformément aux dispositions de l'article L. 4121-2 du code du travail mentionné au même point, il est loisible aux signataires d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi de cette entreprise, eu égard à la liberté contractuelle qui découle des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel se réfère celui de la Constitution du 4 octobre 1958, d'adopter de telles mesures.

6. En second lieu, il incombe à l'autorité administrative, saisie d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une société, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A ce titre, il lui revient de contrôler tant la régularité de l'information et, sous les réserves énoncées à l'article L. 1233-30 du code du travail, cité au point 3, de la consultation, du comité social et économique que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, lesquelles peuvent également figurer, en tout ou partie, dans l'accord collectif, ce contrôle n'étant pas séparable du contrôle auquel elle est tenue en application des articles du même code cités au point 2.

S'agissant des modalités du contrôle de l'administration :

1°) Lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi :

7. Aux termes de l'article L. 1233-57-5 du code du travail : " Toute demande tendant, avant transmission de la demande de validation ou d'homologation, à ce qu'il soit enjoint à l'employeur de fournir les éléments d'information relatifs à la procédure en cours ou de se conformer à une règle de procédure prévue par les textes législatifs, les conventions collectives ou un accord collectif est adressée à l'autorité administrative. Celle-ci se prononce dans un délai de cinq jours ". Aux termes de l'article L. 1233-57-6 du même code : " L'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, le cas échéant aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. / L'employeur répond à ces observations et adresse copie de sa réponse aux représentants du personnel et, le cas échéant, aux organisations syndicales ". Enfin, selon l'article L. 1233-57-4, l'autorité administrative notifie à l'employeur la décision de validation dans un délai de quinze jours à compter de la réception de l'accord collectif. Aux termes de l'article D. 1233-14-1 du même code : " Le délai prévu à l'article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du dossier complet. / Le dossier est complet lorsqu'il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et, lorsqu'un accord est conclu en application de l'article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative peut, durant la procédure d'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, d'une part, adresser des observations et des propositions à l'employeur concernant le déroulement de cette procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32 du code du travail qui sont en outre communiquées au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord est engagée, aux organisations syndicales représentatives, d'autre part, enjoindre à l'employeur de fournir des informations, telles celles relatives aux conséquences de la réorganisation en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail des travailleurs et, en présence de telles conséquences, aux actions arrêtées pour les prévenir et en protéger les travailleurs.

2°) Au moment de la validation de l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi d'une entreprise :

9. Il résulte des dispositions citées aux points 2 à 4 que lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire conclu en application de l'article L. 1233-24-1 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative, en application de l'article L. 1233-57-3 du même code, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, seul compétent, que la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel a été régulière et que cet accord et le plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu sont conformes aux exigences résultant des dispositions législatives et des stipulations conventionnelles qui les régissent et qui sont mentionnées à cet article.

10. S'agissant du contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, il découle de ce qui a été dit aux points 5 et 6, en premier lieu, qu'il incombe à l'administration, dans le cadre de son contrôle global de la régularité de la procédure d'information et de consultation, de vérifier que l'employeur a adressé au comité social et économique, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité ou à des observations ou des injonctions formulées par l'administration, parmi tous les éléments utiles qu'il doit lui transmettre pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause, des éléments relatifs à l'identification et à l'évaluation des conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, ainsi que, en présence de telles conséquences, les actions projetées pour les prévenir et en protéger les travailleurs, de façon à assurer leur sécurité et protéger leur santé physique et mentale. A cet égard, lorsque l'accord collectif majoritaire fixant le plan de sauvegarde de l'emploi soumis à validation porte notamment sur les conséquences de la réorganisation de l'entreprise sur la santé ou la sécurité des travailleurs, l'administration doit seulement vérifier la régularité de l'information du comité social et économique sur ces éléments, ainsi qu'il résulte des dispositions du I de l'article L. 1233-30 du code du travail cité au point 3.

11. En second lieu, il appartient à l'administration, dans le cadre du contrôle qui lui incombe lorsqu'elle est saisie d'une demande de validation d'un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi, de vérifier, au vu d'abord de ces éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi conformément à ce qui est dit au point 8, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs. A cet égard, l'administration, pour apprécier si ces exigences sont satisfaites, doit accorder une importance particulière à la circonstance que de telles mesures figurent dans un accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi.

Sur le pourvoi :

12. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, le 22 septembre 2020, l'administration a adressé à la société AAA un courrier d'observations, en application des articles L. 1233-57 et L. 1233-57-6 du code du travail, concernant notamment la prévention des risques psychosociaux. Il lui était rappelé, à cet égard, qu'il lui revenait " de contrôler, dans le cadre de l'instruction du plan de sauvegarde de l'emploi, le respect des obligations découlant de l'article L. 4121-1 du code du travail en matière de prévention des risques (santé, sécurité, conditions de travail) ". Il lui était également demandé " de procéder à une identification précise des risques susceptibles d'être générés par le projet de réorganisation, notamment une évaluation de la charge de travail (avant / après) et, si des risques sont identifiés, un plan de prévention adapté dont les actions varieront selon la typologie de risques, à des mesures concrètes prises par la direction pour informer et rassurer les salariés tout au long de la procédure, à d'éventuels recours à des prestataires, ... en vue de leur expertise " et de lui " communiquer tout élément utile sur les moyens de [sa] prévention afin [de pouvoir] en apprécier la pertinence ". Le 3 novembre 2020, l'administration a adressé à la société AAA un constat d'incomplétude dressant la liste des éléments dont elle considérait qu'ils faisaient défaut dans le dossier de demande de validation de l'accord collectif, notamment un plan de prévention développant les diverses mesures énumérées dans le chapitre 2 de l'accord collectif majoritaire signé le 16 octobre 2020, le cahier des charges des prestataires choisis en matière de prévention des risques liés au plan de sauvegarde de l'emploi afin d'apprécier la pertinence des mesures retenues, la mise à jour du " document unique - évaluation des risques " (DUER) concernant le plan de sauvegarde de l'emploi, les actions concrètes et les moyens concédés aux représentants du personnel du CSE. La société AAA a adressé aux membres du CSE, préalablement à la réunion du 10 novembre 2020, ainsi qu'à l'administration, une note d'information complémentaire sur les mesures d'évaluation et de prévention des risques afférents au projet de réorganisation qui répondait aux points soulevés dans le constat d'incomplétude du 3 novembre 2020. L'administration a constaté le caractère complet du dossier de demande de validation de l'accord collectif le 13 novembre 2020.

13. En premier lieu, en écartant le moyen, au demeurant inopérant compte tenu de l'office du juge de l'excès de pouvoir saisi d'un recours dirigé contre une décision de validation ou d'homologation d'un plan de sauvegarde de l'emploi, tiré de ce qu'il n'était pas établi, au vu des mentions de la décision attaquée, que l'administration avait procédé au contrôle du respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé des physique et mentale des travailleurs, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces des dossiers qui lui étaient soumis.

14. En deuxième lieu, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en prenant en compte, s'agissant du contrôle des mesures prises par l'employeur pour prévenir les risques identifiés pour la santé ou la sécurité des travailleurs et les en protéger, non seulement le contenu de l'accord collectif majoritaire du 16 octobre 2020 mais aussi celui de la note du 10 novembre 2020 relative aux mesures d'évaluation et de prévention des risques afférents au projet de réorganisation.

15. En troisième lieu, le motif par lequel la cour a retenu que le tribunal administratif aurait pris en considération le seul contenu de l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi présentant un caractère surabondant, le moyen tiré de l'erreur de droit qui entacherait ce motif ne peut qu'être écarté comme inopérant.

16. En quatrième et dernier lieu, la cour a relevé, s'agissant de la régularité de la procédure d'information et de consultation des institutions représentatives du personnel, que les mesures relatives à la prise en compte des risques psychosociaux ont été débattues lors des réunions du 9 juillet 2020, du 2 septembre 2020 relative à l'actualisation du document unique sur l'évaluation des risques, du 14 octobre 2020 lors de laquelle a été présenté et discuté le rapport de l'expert-comptable du CSE, du 19 octobre 2020, le procès-verbal de cette réunion indiquant que les membres du comité avaient voté sur le point relatif aux mesures sociales. Elle a également constaté que la société AAA a adressé aux membres du CSE, en vue de la réunion extraordinaire du 10 novembre 2020, une " note d'information complémentaire sur les mesures d'évaluation et de prévention des risques afférents au projet de réorganisation ", complétée par onze annexes. En jugeant au vu de ces éléments, qu'elle a appréciés sans les dénaturer, que la procédure d'information et de consultation du CSE avait en l'espèce été régulière, la cour a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la FGMM CFDT et autres doit être rejeté, y compris en ce qu'il comporte des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la FGMM CFDT et autres une somme au titre de ce même article.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Fédération générale des mines et de la métallurgie et autres est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération générale des mines et de la métallurgie CFDT, premier requérant dénommé, à la société Assistance Aéronautique et Aérospatiale et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.


Voir aussi