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Décision n° 450285
2 février 2024
Conseil d'État

N° 450285
ECLI:FR:CECHR:2024:450285.20240202
Publié au recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP SPINOSI, avocats


Lecture du vendredi 2 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur la requête de l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a annulé les articles L. 233-1 et L. 233-2 de ce code en tant qu'ils excluent le droit au séjour de plus de trois mois de l'enfant à charge du citoyen de l'Union européenne qui vient faire des études ou suivre une formation professionnelle en France lorsqu'il n'est pas son descendant direct, annulé l'article L. 554-1 du même code en tant qu'il exclut l'accès au marché du travail des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une décision de transfert en application du règlement (UE) n° 604/2013 et sursis à statuer sur les conclusions de cette requête dirigées contre l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur la question suivante :

En cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399, l'étranger en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut-il se voir opposer une décision de refus d'entrée, lors des vérifications effectuées à cette frontière, sur le fondement de l'article 14 de ce règlement, sans que soit applicable la directive 2008/115/CE '

Par un arrêt n° C-143/22 du 21 septembre 2023, la Cour de justice de l'Union européenne s'est prononcée sur cette question.

Par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 14 novembre 2023 et 16 janvier 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet des conclusions de la requête sur lesquelles le Conseil d'Etat n'a pas statué.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 21 décembre 2023, l'association ADDE et autres concluent aux mêmes fins que leur requête et à ce que la Cour de justice de l'Union européenne soit de nouveau saisie d'une question préjudicielle tendant à déterminer si, lorsque le ressortissant d'un pays tiers est repris, en application d'un accord ou d'un arrangement existant à la date d'entrée en vigueur de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, par un État membre autre que celui dans lequel il a été appréhendé, les normes et procédures communes de retour prévues par cette directive doivent être appliquées, en tout ou partie, par l'Etat membre requérant.

La Défenseure des droits, en application de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2001, a présenté des observations, enregistrées les 30 octobre et 10 novembre 2023 et le 18 janvier 2024.

Une séance orale d'instruction a été tenue par la 2ème chambre de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 15 novembre 2023.


Vu les autres pièces du dossier, y compris celles visées par la décision du Conseil d'Etat du 24 février 2022 ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêt C-143/22 de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 septembre 2023 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes ;

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de l'association ADDE et autres ;




Considérant ce qui suit :

1. La seconde phrase de l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile résultant de l'ordonnance du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une décision de refus d'entrée peut être prise à l'encontre d'un étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'admission sur le territoire français prévues au titre I du livre III de ce même code lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire des contrôles sur cette frontière, dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen). Par les conclusions de leur requête sur lesquelles il n'a pas été statué par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 24 février 2022, l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) et autres demandent l'annulation pour excès de pouvoir de cette seconde phrase.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le cadre juridique :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 14 du règlement (UE) 2016/399, inséré dans le titre II de ce règlement relatif aux frontières extérieures de l'Union : " 1. L'entrée sur le territoire des États membres est refusée au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas l'ensemble des conditions d'entrée énoncées à l'article 6, paragraphe 1, et qui n'appartient pas à l'une des catégories de personnes visées à l'article 6, paragraphe 5. Cette disposition est sans préjudice de l'application des dispositions particulières relatives au droit d'asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour. / 2. L'entrée ne peut être refusée qu'au moyen d'une décision motivée indiquant les raisons précises du refus. La décision est prise par une autorité compétente habilitée à ce titre par le droit national. Elle prend effet immédiatement. (...) / 3. Les personnes ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée ont le droit de former un recours contre cette décision. Les recours sont formés conformément au droit national. (...) / L'introduction d'un tel recours n'a pas d'effet suspensif à l'égard de la décision de refus d'entrée. / (...) / 4. Les gardes-frontières veillent à ce qu'un ressortissant de pays tiers ayant fait l'objet d'une décision de refus d'entrée ne pénètre pas sur le territoire de l'État membre concerné. / (...) ". L'article 32 de ce même règlement prévoit que lorsque le contrôle aux frontières intérieures est réintroduit dans les conditions prévues au chapitre II du titre III, les dispositions pertinentes du titre II de ce règlement, relatif aux frontières extérieures, " s'appliquent mutatis mutandis ".

3. Selon l'article 2, paragraphe 2, de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, qui fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " 2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers : / a) faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée conformément à l'article [14] du code frontières Schengen (...) ".

4. En deuxième lieu, selon l'article 3, paragraphes 3 et 4 de la directive 2008/115/CE, une décision de retour est une décision déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour dans son pays d'origine, dans un autre pays tiers où il décide de retourner et sera admis ou dans un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux. Les pays de transit ainsi mentionnés sont des pays tiers à l'Union européenne avec lesquels des accords ou arrangements de réadmission ont été conclus par l'Union ou par l'un des Etats membres de celle-ci. Selon l'article 6, paragraphe 1, de cette directive, les États membres doivent prendre une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions prévues aux paragraphes 2 à 5 du même article. Le paragraphe 3 de cet article 6 permet aux États membres de s'abstenir de prendre une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire si ce ressortissant d'un pays tiers est repris par un autre État membre en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux existant à la date d'entrée en vigueur de la directive.

5. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, par son arrêt du 7 juin 2016, Affum (C-47/15), que, selon les termes et l'économie de la directive 2008/115/CE, la situation d'un ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier qui est repris par un État membre autre que celui dans lequel il a été appréhendé, en application d'un accord ou d'un arrangement au sens de l'article 6, paragraphe 3, de cette directive, reste régie par cette directive et que l'État membre qui décide de remettre celui-ci à un autre État membre en application de cette disposition agit dans le cadre des normes et des procédures communes établies par ladite directive. Elle a également rappelé que, dès lors que cette décision de remise constitue l'une des mesures prévues par la directive 2008/115/CE pour mettre fin au séjour irrégulier du ressortissant d'un pays tiers et une étape préparatoire à l'éloignement de celui-ci du territoire de l'Union, l'État membre concerné doit, eu égard aux objectifs de cette directive, adopter cette décision avec diligence et dans les meilleurs délais afin que ce ressortissant soit transféré au plus vite vers l'État membre responsable de la procédure de retour.

6. En dernier lieu, en réponse à la question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat dans la présente affaire, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, par son arrêt du 21 septembre 2023, ADDE (C-143/22) que " le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), et la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, doivent être interprétés en ce sens que lorsqu'un État membre a réintroduit des contrôles à ses frontières intérieures, il peut adopter, à l'égard d'un ressortissant d'un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s'exercent de tels contrôles, une décision de refus d'entrée, en vertu d'une application mutatis mutandis de l'article 14 de ce règlement, pour autant que les normes et les procédures communes prévues par cette directive soient appliquées à ce ressortissant en vue de son éloignement ".

7. Il résulte de la combinaison de ces différentes dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que si un Etat membre peut, en cas de rétablissement des contrôles aux frontières intérieures, prendre à l'encontre d'un ressortissant d'un pays tiers qui se présente à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire une décision ne visant pas le retour de l'intéressé dans son pays d'origine, une telle décision ne peut être prise qu'en vue de sa reprise par l'Etat membre dont il provient, en application d'un accord ou d'un arrangement existant à la date d'entrée en vigueur de la directive 2008/115/CE, dans le cadre des normes et des procédures communes établies par cette directive.

Sur la légalité des dispositions attaquées :

8. Aux termes de l'article L. 332-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'admission prévues au titre I peut faire l'objet d'une décision de refus d'entrée, sans préjudice des dispositions particulières relatives au droit d'asile et à la protection internationale ou à la délivrance de visas de long séjour. " En vertu des articles L. 332-2 et L. 332-3 du même code, la procédure de refus d'entrée est applicable aux ressortissants de pays tiers qui se présentent aux frontières extérieures de l'Union sans remplir les conditions pour y séjourner prévues à l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016. Les dispositions litigieuses rendent applicable cette procédure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du même règlement lors de vérifications effectuées à une frontière intérieure à l'égard de tout étranger ne satisfaisant pas aux conditions d'admission sur le territoire français.

9. Ainsi, alors que l'Etat membre qui édicte, à l'occasion de contrôles réalisés à ses frontières intérieures, un refus d'entrée à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers prend une décision qui entre dans le champ d'application de la directive 2008/115/CE, les dispositions litigieuses prévoient cette possibilité sans la limiter au cas où de telles décisions sont prises soit en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat membre dont il provient, à qui incombera, le cas échéant, de prendre une décision de retour, soit en vue de prendre lui-même une décision de retour. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir que la seconde phrase de l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance du 16 décembre 2020, est incompatible, dans cette mesure, avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et à en demander l'annulation en tant qu'elle ne limite pas l'édiction de refus d'entrée aux frontières intérieures aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat membre dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009.

Sur le régime applicable en l'état de la législation aux refus d'entrée édictés aux frontières intérieures à la suite de l'annulation prononcée :

10. En premier lieu, l'annulation pour excès de pouvoir résultant des motifs énoncés au point 9 maintient la possibilité, sur le fondement des dispositions demeurant en vigueur de la seconde phrase de l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de prendre une décision de refus d'entrée à l'égard de l'étranger qui ne satisfait pas aux conditions d'admission sur le territoire lors de vérifications à une frontière intérieure en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures, dans le cas où une telle décision est prise en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009.

11. A cet égard, l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en oeuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. " Aux termes de l'article L. 621-2 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire de cet Etat, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État, en vigueur au 13 janvier 2009. " Aux termes de l'article L. 621-3 du même code : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français sans se conformer aux stipulations des paragraphes 1 et 2 de l'article 19, du paragraphe 1 de l'article 20, et des paragraphes 1 et 2 de l'article 21, de cette convention, relatifs aux conditions de circulation des étrangers sur les territoires des parties contractantes, ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. " Il résulte de ces dispositions que l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à la convention de Schengen qui se trouve irrégulièrement sur le territoire français peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention de Schengen qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en vertu d'accords ou d'arrangements bilatéraux.

12. En second lieu, il appartient au législateur de définir, dans le respect des exigences pertinentes de la directive 2008/115/CE, les règles applicables à la situation de l'étranger ayant irrégulièrement franchi une frontière intérieure sur laquelle les contrôles ont été rétablis et qui a fait l'objet d'un refus d'entrée dans la perspective de sa réadmission par l'Etat dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009.

13. En l'état de la législation, la situation d'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet d'un refus d'entrée à l'issue d'un contrôle à une frontière intérieure en vue de sa réadmission par l'Etat membre dont il provient est régie par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier par les dispositions suivantes, qui sont applicables. D'une part, selon les articles L. 813-1 et L. 813-3 de ce code, si un étranger n'est pas en mesure de justifier, à l'occasion d'un contrôle, de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français, conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale le temps strictement exigé par l'examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives susceptibles d'être prises à son égard, dans la limite de vingt-quatre heures à compter du début du contrôle. D'autre part, en vertu du 4° de l'article L. 700-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions du livre VII de ce code, relatives à l'exécution des décisions d'éloignement sont applicables aux décisions de remise d'un étranger aux autorités d'un autre Etat. Il résulte notamment du 4° de l'article L. 731-1 et de l'article L. 741-1 de ce code que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée initiale de quarante-huit heures, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision de remise dont il fait l'objet lorsqu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision. Enfin, dans le cas où l'intéressé souhaite présenter une demande d'asile, les conditions d'enregistrement et d'examen de cette demande, qu'ils relèvent de la compétence de la France ou d'un autre Etat, sont fixées par les dispositions du livre V du même code.

14. Il résulte tout de ce qui précède que la seconde phrase de l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être annulée en tant qu'elle ne limite pas l'édiction de refus d'entrée aux frontières intérieures, lorsque le contrôle à ces frontières est rétabli, aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat membre dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009. Il n'y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l'Union européenne, comme le demandent les associations requérantes, la question, dont ne dépend pas la solution du présent recours pour excès de pouvoir, de savoir si, lorsque le ressortissant d'un pays tiers est repris, en application d'un tel accord ou arrangement, par un État membre autre que celui dans lequel il a été appréhendé, les normes et procédures communes de retour prévues par cette directive doivent être appliquées, en tout ou partie, par l'Etat membre requérant.


D E C I D E :
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Article 1er : La seconde phrase de l'article L. 332-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est annulée en tant qu'elle ne limite pas l'édiction de refus d'entrée aux frontières intérieures aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission de l'intéressé par l'Etat membre dont il provient en application d'un accord ou d'un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), première requérante dénommée, et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré à l'issue de la séance du 22 janvier 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. Olivier Rousselle, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Benoît Delaunay, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 2 février 2024.


Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard