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Ariane Web: Conseil d'État 473732, lecture du 9 février 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:473732.20240209

Décision n° 473732
9 février 2024
Conseil d'État

N° 473732
ECLI:FR:CECHR:2024:473732.20240209
Mentionné aux tables du recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Anne Redondo, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
SARL LE PRADO - GILBERT, avocats


Lecture du vendredi 9 février 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 3 décembre 2019 par le président de la métropole de Lyon en vue de recouvrer un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 4 515,44 euros au titre de la période du 1er août 2013 au 31 mars 2016 et, d'autre part, de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement n° 1909914 du 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 mai et 2 août 2023 et le 15 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Doumic-Seiller, son avocat, au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mme A... et à la SARL Le Prado, Gilbert, avocat de la métropole de Lyon ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de Mme A..., la caisse d'allocations familiales du Rhône lui a indiqué, par un courrier du 21 juillet 2016, qu'elle était notamment redevable d'un indu de revenu de solidarité active de 4 515,44 euros. Par une décision du 6 décembre 2016, le président de la métropole de Lyon a, sur recours administratif préalable obligatoire de Mme A..., confirmé la récupération de cet indu. La métropole de Lyon a ensuite émis, le 16 mars 2017, un avis des sommes à payer à l'encontre de Mme A... pour le recouvrement de cette somme. Par un jugement du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé cet avis des sommes à payer pour un motif de régularité en la forme, ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le président de la métropole de Lyon a rejeté le recours administratif formé par Mme A... contre ce titre et, d'autre part, rejeté pour tardiveté les conclusions de la requérante dirigées contre la décision du 6 décembre 2016. Le président de la métropole de Lyon a ensuite émis, le 3 décembre 2019, un nouvel avis des sommes à payer. Par un jugement du 6 juillet 2022, contre lequel Mme A... se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire et à la décharge de l'obligation de payer la somme correspondante.

2. Aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles, applicable à la métropole de Lyon et à son président en vertu des articles L. 3611-3 et L. 3641-2 du code général des collectivités territoriales : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / (...) Sauf si le bénéficiaire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois, l'organisme mentionné au premier alinéa procède au recouvrement de tout paiement indu de revenu de solidarité active par retenues sur les montants à échoir. / A défaut, l'organisme mentionné au premier alinéa peut également, dans des conditions fixées par décret, procéder à la récupération de l'indu par retenues sur les échéances à venir dues au titre [d'autres] prestations (...). Après la mise en oeuvre de la procédure de recouvrement sur prestations à échoir, l'organisme chargé du service du revenu de solidarité active transmet (...) les créances du département au président du conseil départemental. (...) Le président du conseil départemental constate la créance du département et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement (...) ". Aux termes de l'article L. 262-47 du code de l'action sociale et des familles, également applicable au président de la métropole de Lyon : " Toute réclamation dirigée contre une décision relative au revenu de solidarité active fait l'objet, préalablement à l'exercice d'un recours contentieux, d'un recours administratif auprès du président du conseil départemental (...) ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 1° En l'absence de contestation, le titre de recettes individuel ou collectif émis par la collectivité territoriale ou l'établissement public local permet l'exécution forcée d'office contre le débiteur. / Toutefois, l'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local suspend la force exécutoire du titre. / L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le destinataire d'un titre exécutoire émis pour le recouvrement d'un indu de revenu de solidarité active est recevable à contester, à l'occasion de son recours contre cet acte, dans un délai de deux mois suivant la notification de ce dernier, le bien-fondé de la créance correspondante, alors même que la décision de récupérer cet indu serait devenue définitive et que les conclusions dirigées contre cette décision auraient été rejetées par le juge pour tardiveté, un tel jugement de rejet pour irrecevabilité n'étant pas revêtu de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la contestation du bien-fondé de la créance soulevée à l'occasion de la contestation du titre exécutoire.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 6 décembre 2016 par laquelle le président de la métropole de Lyon a confirmé, sur son recours administratif préalable, l'indu de revenu de solidarité active, a été rejetée pour irrecevabilité en raison de sa tardiveté. En opposant l'autorité relative de la chose ainsi jugée aux conclusions de Mme A... tendant à la contestation du bien fondé de cet indu, présentées à l'occasion du litige portant sur le titre exécutoire émis à son encontre afin de le recouvrer, le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est fondée à demander pour ce motif l'annulation du jugement qu'elle attaque, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi.

7. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la métropole de Lyon une somme de 2 500 euros à verser à cette société.


D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 6 juillet 2022 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Lyon.
Article 3 : La métropole de Lyon versera à la SCP Doumic-Seiller, avocat de Mme A..., une somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et à la métropole de Lyon.
Délibéré à l'issue de la séance du 31 janvier 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, Mme Célia Verot, M. Jean-Dominique Langlais, M. Alban de Nervaux, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et Mme Anne Redondo, maîtresse des requêtes-rapporteure.

Rendu le 9 février 2024.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Anne Redondo
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber


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