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Ariane Web: Conseil d'État 497676, lecture du 2 juillet 2025, ECLI:FR:CECHR:2025:497676.20250702

Décision n° 497676
2 juillet 2025
Conseil d'État

N° 497676
ECLI:FR:CECHR:2025:497676.20250702
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Emile Blondet, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SAS BOUCARD, CAPRON, MAMAN, avocats


Lecture du mercredi 2 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2100159 du 5 avril 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 22NC01435 du 11 juillet 2024, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 6 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Emile Blondet, auditeur,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boucard, Capron, Maman, avocat de M. B... ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... B... était le gérant et associé majoritaire de la société de droit luxembourgeois Romary. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration, estimant que les virements effectués au cours des années 2015 et 2016 à son profit par cette société, respectivement pour des montants totaux de 359 557 euros et de 900 000 euros, constituaient des répartitions imposables en tant que revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 3° de l'article 120 du code général des impôts, l'a assujetti au titre de ces années à des suppléments d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et de contribution sur les hauts revenus. Après avoir vainement réclamé contre ces impositions supplémentaires, ainsi que les pénalités correspondantes, M. B... en a demandé la décharge au tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement du 5 avril 2022, a rejeté sa demande. Il se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 11 juillet 2024 par lequel la cour administrative de Nancy a rejeté l'appel qu'il a formé contre ce jugement.

Sur l'existence de revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2015 et 2016 :

2. En premier lieu, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, a jugé que la circonstance que la société Romary ait, en 2015 et 2016, enregistré en comptabilité, au débit de son compte courant d'associé, des sommes correspondant à celles en litige n'était pas de nature, en l'absence notamment de document permettant d'établir la durée et le taux des avances alléguées, à établir que les versements effectués à son profit par cette société auraient dû être regardés comme des prêts et non comme des répartitions, la circonstance que cette société ait également enregistré dans son compte courant d'associé et en produits financiers des sommes constitutives d'intérêts étant sans incidence à cet égard.

3. En deuxième lieu, c'est sans erreur de droit que la cour administrative d'appel a pu juger que les sommes versées à M. B... constituaient des répartitions au sens du 3° de l'article 120 du code général des impôts sans rechercher s'il y avait lieu de qualifier l'attribution de ces sommes de définitive ou non.

4. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel de Nancy aurait commis une erreur de droit en ne retenant pas que seule la différence positive résultant de la variation d'une année sur l'autre des soldes débiteurs du compte courant ouvert dans les écritures de la société Romary à son nom pouvait légalement être incluse dans son revenu imposable est nouveau en cassation et ne peut, dès lors et en tout état de cause, qu'être écarté comme inopérant.

Sur l'assujettissement aux contributions sociales de la somme de 350 000 euros versée le 8 juin 2015 :

5. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale : " Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul État membre (...) ". Aux termes du 1 de l'article 14 du même règlement : " Les articles 11 à 13 ne sont pas applicables en matière d'assurance volontaire ou facultative continuée (...) ". En application de ces dispositions, les personnes qui relèvent du champ du règlement ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre, déterminée selon les règles définies aux articles 11 à 16 de ce règlement, ce qui exclut dès lors toute possibilité de cumul de plusieurs législations nationales pour une même période.

6. En vertu de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution sociale généralisée et auquel renvoient les dispositions instituant les autres contributions sociales recouvrées simultanément, les contributions sociales sur les revenus du patrimoine, qui portent notamment sur les revenus de capitaux mobiliers, sont assises, contrôlées et recouvrées selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ".

7. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que si les contributions sociales sur les revenus du patrimoine sont assises, contrôlées et recouvrées selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu, l'assiette de ces contributions ne peut toutefois comprendre les revenus perçus par le contribuable à une date où il relevait à titre obligatoire, au sens du règlement européen du 29 avril 2004, de la législation de sécurité sociale d'un autre Etat membre que la France.

8. Par suite, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en énonçant que la décharge dont est susceptible de bénéficier un contribuable assujetti à des contributions sociales sur les revenus du patrimoine suppose de tenir compte de son affiliation en matière de sécurité sociale sur l'année au titre de laquelle ces revenus sont imposés.

9. Toutefois, la cour a aussi jugé, par des motifs qui ne sont pas critiqués en cassation, que M. B... n'établissait pas qu'il était affilié à titre obligatoire au régime de sécurité social luxembourgeois à la date du versement des sommes litigieuses et a retenu qu'il devait être regardé comme ayant été affilié sur l'ensemble de l'année 2015 au seul régime de sécurité sociale française, en particulier à la date du 8 juin 2015 où il a encaissé la somme de 350 000 euros de la société Romary. Ce motif justifie le dispositif retenu par sur ce point par l'arrêt attaqué, de telle sorte que l'erreur de droit précédemment relevée est demeurée sans incidence. Ce moyen doit, dès lors, être écarté comme inopérant.

10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... n'avait pas soulevé devant la cour administrative d'appel de Nancy de moyen distinct tiré de la méconnaissance du paragraphe 160 des commentaires administratifs publiés le 11 février 2014 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) sous la référence BOI-RPPM-RCM-30-20-30, lequel, au demeurant, n'était pas applicable au présent litige. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour n'aurait pas insuffisamment motivé son arrêt en ne répondant pas à cette argumentation ne peut qu'être écarté.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a) 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".

12. Pour juger que l'administration avait été fondée à majorer, en application du a de l'article 1729 du code général des impôts, les impositions supplémentaires mises à la charge de M. B..., la cour administrative d'appel s'est fondée sur ce que, à la faveur de ses fonctions de gérant et de sa qualité d'associé prépondérant de la société Romary, il s'était assuré de manière systématique d'importants revenus en franchise d'impôt en appréhendant les bénéfices de cette société sous couvert de prêts, sans qu'ait d'incidence l'absence de dissimulation de son compte courant d'associé et des virements effectués à son profit par la société Romary. En statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font alors obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.


D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 juin 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, Mme Emilie Bokdam-Tognetti, M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Emile Blondet, auditeur-rapporteur.

Rendu le 2 juillet 2025.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Emile Blondet
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle