Conseil d'État
N° 497331
ECLI:FR:CECHR:2025:497331.20250722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Julien Barel, rapporteur
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mardi 22 juillet 2025
Vu la procédure suivante :
La société Imagerie 114 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2014135 du 8 novembre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23PA00101 du 28 juin 2024, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence du montant d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société Imagerie 114 contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août et 29 novembre 2024 et le 14 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Imagerie 114 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de deux questions préjudicielles ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2025, la ministre chargée des comptes publics conclut au rejet du pourvoi. Elle soutient que les moyens soulevés par la société Imagerie 114 ne sont pas fondés et qu'il n'y a pas lieu de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne de question préjudicielle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société Imagerie 114 ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Imagerie 114, qui exerce une activité de radiologie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir requalifié des conventions de remplacement passées avec certains médecins en contrats de mise à disposition de locaux professionnels aménagés, a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée la fraction, s'élevant à 83 %, des honoraires non rétrocédés aux médecins remplaçants. Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Imagerie 114 tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi réclamés. La société Imagerie 114 se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : / - les salariés et les autres personnes qui sont liées par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ; (...) ". Aux termes du 1 de l'article 266 de ce code : " La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ". Aux termes de l'article 261 de ce code : " Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4. (Professions libérales et activités diverses) : / 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 4127-65 du code de la santé publique : " Un médecin ne peut se faire remplacer dans son exercice que temporairement et par un confrère inscrit au tableau de l'ordre ou par un étudiant remplissant les conditions prévues par l'article L. 4131-2. / (...) / Le remplacement est personnel (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-91 du même code : " Toute association ou société entre médecins en vue de l'exercice de la profession doit faire l'objet d'un contrat écrit qui respecte l'indépendance professionnelle de chacun d'eux. / Il en est de même dans les cas prévus aux articles R. 4127-65 (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts applicable aux prestations relevant des soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales ne s'étend pas aux recettes tirées d'autres opérations, telles que les sommes perçues en contrepartie de la mise à disposition de locaux professionnels aménagés à un autre membre d'une profession médicale réglementée exerçant de façon indépendante au sens de l'article 256 A du même code.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au vu des " contrats de remplacement en exercice libéral " conclus entre des médecins associés de la société d'exercice libéral Imagerie 114 et d'autres praticiens libéraux sur le fondement des dispositions du code de la santé publique citées au point 3, l'administration fiscale a estimé que la fraction conservée par la société, égale à 83 %, des sommes perçues par elle des patients auxquels des soins avaient été dispensés par les médecins remplaçants, devait être regardée comme la rémunération, par ces médecins remplaçants, de la mise à disposition des locaux et du matériel utilisés pour l'exercice de leur activité, et ne pouvait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts applicable aux seules prestations relevant des soins médicaux.
6. En premier lieu, d'une part, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation des pièces du dossier et, notamment, des stipulations des conventions de remplacement, que la cour administrative d'appel de Paris a estimé qu'en dépit du fait que le nom de la société Imagerie 114 apparaissait sur les feuilles de soins délivrés par les praticiens remplaçants, de la facturation et de l'encaissement par cette société des honoraires reçus des patients ainsi que de l'engagement de sa responsabilité civile au titre des prestations réalisées, les médecins remplaçants n'agissaient pas au nom et pour le compte de celle-ci. D'autre part, en jugeant, alors qu'aucune des stipulations des conventions de remplacement invoquées par la société requérante ne faisait apparaître de lien de subordination, au sens de l'article 256 A du code général des impôts, cité au point 2, entre le médecin remplaçant et le médecin remplacé ou la société, que la fraction de 83 % des sommes perçues des patients conservée par la société avait pour contrepartie une prestation distincte de mise à disposition de locaux professionnels aménagés au bénéfice des médecins remplaçants et n'était, par suite, pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel de Paris, dont l'arrêt n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ni de contradiction de motifs, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit.
7. En deuxième lieu, si la société Imagerie 114 soutient que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en écartant comme sans incidence sur la qualification de la fraction de 83 % des honoraires conservée par elle la circonstance que certaines des prestations en cause étaient réalisées dans des locaux et avec des matériels appartenant à une autre société, ce moyen est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué dès lorsqu'il ressort des énonciations de cet arrêt que la cour a en outre estimé, par des motifs ressortissant à son appréciation souveraine et non argués de dénaturation, que les allégations de la société n'étaient appuyées d'aucune pièce justificative probante. Ce moyen est par suite inopérant et ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, en jugeant, par des motifs qui ne sont pas entachés d'erreur de droit ni de dénaturation des pièces du dossier, que l'administration fiscale n'avait pas procédé à une reconstitution de recettes mais avait seulement requalifié la fraction des recettes correspondant à une prestation de mise à disposition de locaux professionnels aménagés soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait procédé à une reconstitution de recettes excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe.
9. En dernier lieu, en se fondant, pour écarter l'argumentation de la société Imagerie 114 tirée de l'interprétation donnée de la loi fiscale par le paragraphe 240 des commentaires administratifs publiés les 25 mai 2013 et 4 février 2015 au bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, sur ce qu'elle n'établissait pas, eu égard à la fréquence des remplacements auxquels elle recourait, satisfaire à la condition, à laquelle ces commentaires subordonnent leur bénéfice, tenant au caractère occasionnel de ces remplacements, la cour administrative d'appel de Paris ne s'est, contrairement à ce qui est soutenu, pas méprise sur la portée de ces commentaires.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu, en l'absence de difficulté sérieuse, de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le pourvoi de la société Imagerie 114 doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Imagerie 114 est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Imagerie 114 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 juin 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 22 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Barel
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :
N° 497331
ECLI:FR:CECHR:2025:497331.20250722
Mentionné aux tables du recueil Lebon
9ème - 10ème chambres réunies
M. Julien Barel, rapporteur
CABINET ROUSSEAU, TAPIE, avocats
Lecture du mardi 22 juillet 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Imagerie 114 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 2014135 du 8 novembre 2022, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23PA00101 du 28 juin 2024, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à concurrence du montant d'un dégrèvement intervenu en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de l'appel formé par la société Imagerie 114 contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août et 29 novembre 2024 et le 14 juin 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Imagerie 114 demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de cet arrêt ;
2°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, en application de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de deux questions préjudicielles ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2025, la ministre chargée des comptes publics conclut au rejet du pourvoi. Elle soutient que les moyens soulevés par la société Imagerie 114 ne sont pas fondés et qu'il n'y a pas lieu de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne de question préjudicielle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Bastien Lignereux, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Rousseau, Tapie, avocat de la société Imagerie 114 ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Imagerie 114, qui exerce une activité de radiologie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2017, à l'issue de laquelle l'administration fiscale, après avoir requalifié des conventions de remplacement passées avec certains médecins en contrats de mise à disposition de locaux professionnels aménagés, a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée la fraction, s'élevant à 83 %, des honoraires non rétrocédés aux médecins remplaçants. Par un jugement du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Imagerie 114 tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi réclamés. La société Imagerie 114 se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. - Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / Ne sont pas considérés comme agissant de manière indépendante : / - les salariés et les autres personnes qui sont liées par un contrat de travail ou par tout autre rapport juridique créant des liens de subordination en ce qui concerne les conditions de travail, les modalités de rémunération et la responsabilité de l'employeur ; (...) ". Aux termes du 1 de l'article 266 de ce code : " La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers (...) ". Aux termes de l'article 261 de ce code : " Sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée : / (...) / 4. (Professions libérales et activités diverses) : / 1° Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 4127-65 du code de la santé publique : " Un médecin ne peut se faire remplacer dans son exercice que temporairement et par un confrère inscrit au tableau de l'ordre ou par un étudiant remplissant les conditions prévues par l'article L. 4131-2. / (...) / Le remplacement est personnel (...) ". Aux termes de l'article R. 4127-91 du même code : " Toute association ou société entre médecins en vue de l'exercice de la profession doit faire l'objet d'un contrat écrit qui respecte l'indépendance professionnelle de chacun d'eux. / Il en est de même dans les cas prévus aux articles R. 4127-65 (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts applicable aux prestations relevant des soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales ne s'étend pas aux recettes tirées d'autres opérations, telles que les sommes perçues en contrepartie de la mise à disposition de locaux professionnels aménagés à un autre membre d'une profession médicale réglementée exerçant de façon indépendante au sens de l'article 256 A du même code.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'au vu des " contrats de remplacement en exercice libéral " conclus entre des médecins associés de la société d'exercice libéral Imagerie 114 et d'autres praticiens libéraux sur le fondement des dispositions du code de la santé publique citées au point 3, l'administration fiscale a estimé que la fraction conservée par la société, égale à 83 %, des sommes perçues par elle des patients auxquels des soins avaient été dispensés par les médecins remplaçants, devait être regardée comme la rémunération, par ces médecins remplaçants, de la mise à disposition des locaux et du matériel utilisés pour l'exercice de leur activité, et ne pouvait bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts applicable aux seules prestations relevant des soins médicaux.
6. En premier lieu, d'une part, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation des pièces du dossier et, notamment, des stipulations des conventions de remplacement, que la cour administrative d'appel de Paris a estimé qu'en dépit du fait que le nom de la société Imagerie 114 apparaissait sur les feuilles de soins délivrés par les praticiens remplaçants, de la facturation et de l'encaissement par cette société des honoraires reçus des patients ainsi que de l'engagement de sa responsabilité civile au titre des prestations réalisées, les médecins remplaçants n'agissaient pas au nom et pour le compte de celle-ci. D'autre part, en jugeant, alors qu'aucune des stipulations des conventions de remplacement invoquées par la société requérante ne faisait apparaître de lien de subordination, au sens de l'article 256 A du code général des impôts, cité au point 2, entre le médecin remplaçant et le médecin remplacé ou la société, que la fraction de 83 % des sommes perçues des patients conservée par la société avait pour contrepartie une prestation distincte de mise à disposition de locaux professionnels aménagés au bénéfice des médecins remplaçants et n'était, par suite, pas exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée, la cour administrative d'appel de Paris, dont l'arrêt n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ni de contradiction de motifs, n'a pas inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ni commis d'erreur de droit.
7. En deuxième lieu, si la société Imagerie 114 soutient que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en écartant comme sans incidence sur la qualification de la fraction de 83 % des honoraires conservée par elle la circonstance que certaines des prestations en cause étaient réalisées dans des locaux et avec des matériels appartenant à une autre société, ce moyen est dirigé contre un motif surabondant de l'arrêt attaqué dès lorsqu'il ressort des énonciations de cet arrêt que la cour a en outre estimé, par des motifs ressortissant à son appréciation souveraine et non argués de dénaturation, que les allégations de la société n'étaient appuyées d'aucune pièce justificative probante. Ce moyen est par suite inopérant et ne peut qu'être écarté.
8. En troisième lieu, en jugeant, par des motifs qui ne sont pas entachés d'erreur de droit ni de dénaturation des pièces du dossier, que l'administration fiscale n'avait pas procédé à une reconstitution de recettes mais avait seulement requalifié la fraction des recettes correspondant à une prestation de mise à disposition de locaux professionnels aménagés soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, la cour n'a, contrairement à ce que soutient la société requérante, pas omis de répondre au moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait procédé à une reconstitution de recettes excessivement sommaire et radicalement viciée dans son principe.
9. En dernier lieu, en se fondant, pour écarter l'argumentation de la société Imagerie 114 tirée de l'interprétation donnée de la loi fiscale par le paragraphe 240 des commentaires administratifs publiés les 25 mai 2013 et 4 février 2015 au bulletin officiel des finances publiques - Impôts sous la référence BOI-TVA-CHAMP-30-10-20-10, sur ce qu'elle n'établissait pas, eu égard à la fréquence des remplacements auxquels elle recourait, satisfaire à la condition, à laquelle ces commentaires subordonnent leur bénéfice, tenant au caractère occasionnel de ces remplacements, la cour administrative d'appel de Paris ne s'est, contrairement à ce qui est soutenu, pas méprise sur la portée de ces commentaires.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu, en l'absence de difficulté sérieuse, de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le pourvoi de la société Imagerie 114 doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de la société Imagerie 114 est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Imagerie 114 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 juin 2025 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Olivier Yeznikian, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Julien Barel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 22 juillet 2025.
Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Barel
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Planchette
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :