Conseil d'État
N° 496839
ECLI:FR:inconnue:2025:496839.20250925
Mme Marie Prévot, rapporteure
SCP LE BRET-DESACHE, avocats
Lecture du jeudi 25 septembre 2025
Vu la procédure suivante :
M. C... B... et Mme D... A... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1903332 du 25 août 2022, ce tribunal a prononcé une réduction des impositions contestées au titre des années 2014 et 2015 et rejeté le surplus de leur demande.
Par un arrêt n° 22NC02614 du 20 juin 2024, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 4 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M.et Mme B...
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2014 à 2016, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, consécutivement à la vérification de comptabilité dont la société à responsabilité limitée PIDC, dont M. B... était le gérant de fait et associé égalitaire, a fait l'objet. Par un jugement du 25 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a prononcé une réduction des impositions contestées au titre des années 2014 et 2015 et rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de leur demande.
2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 80 ter du code général des impôts : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. / b Ces dispositions sont applicables : (...) / 2° Dans les sociétés à responsabilité limitée : aux gérants minoritaires ; (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les remboursements de frais de déplacements perçus par un gérant minoritaire, comme par un gérant et associé égalitaire, de société à responsabilité limitée constituent, en principe, même en l'absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable, en application de l'article 80 ter du code général des impôts, dans la catégorie des traitements et salaires, sauf si l'administration établit que les sommes correspondantes n'ont pas fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés au personnel, que leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif, ou que leur versement étant dépourvu de tout lien avec les fonctions de gérant, elles ne présentent pas le caractère d'un élément de rémunération de ces dernières. Dans chacun de ces trois derniers cas, ces sommes sont imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société à responsabilité limitée PIDC a versé à M. B... des remboursements de frais kilométriques au cours des années 2014 et 2015 à raison de l'utilisation par ce dernier de deux véhicules personnels dans le cadre du suivi des chantiers menés par la société, correspondant à une distance parcourue de 41 192 kilomètres en 2014 et de 50 401 kilomètres en 2015. Compte tenu des justificatifs transmis, l'administration n'a admis le caractère professionnel que des seuls trajets correspondant aux réunions de chantier auxquelles il était démontré que M. B... avait effectivement participé et a considéré que, pour le surplus, la justification d'une utilisation à des fins professionnelles n'étant pas rapportée, les remboursements en cause correspondaient à une utilisation privée du véhicule.
5. Après avoir jugé, par des motifs non contestés, que les sommes litigieuses avaient fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés à M. B... à titre de frais professionnels et qu'une telle comptabilisation explicite faisait dès lors obstacle à l'imposition de ces remboursements sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, la cour administrative d'appel a considéré que, dès lors que les sommes allouées à M. B... à titre de remboursements de frais en litige étaient dépourvues de justificatifs, l'administration devait être regardée comme ayant apporté la preuve qu'elles étaient dépourvues de tout caractère professionnel et qu'elles étaient pour ce motif insusceptibles de se rattacher aux fonctions de dirigeant social du requérant. Elle a jugé qu'il y avait, par suite, lieu de faire droit à la demande du ministre tendant à ce que les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts soient substituées à celles du c de l'article 111 du même code comme fondement des impositions litigieuses.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que les remboursements de frais de déplacements perçus par un gérant minoritaire ou égalitaire de société à responsabilité limitée constituent, en principe, même en l'absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires et que la seule circonstance que le caractère professionnel des déplacements dont la société PIDC avait remboursé à M. B... les frais n'avait pas été justifié ne suffisait pas à établir que la prise en charge par la société de ces remboursement et le versement des sommes en cause à M. B... auraient été dépourvus de tout lien avec sa qualité de gérant et n'auraient pas présenté le caractère d'un élément de sa rémunération, la cour a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 20 juin 2024 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... et D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
N° 496839
ECLI:FR:inconnue:2025:496839.20250925
Mme Marie Prévot, rapporteure
SCP LE BRET-DESACHE, avocats
Lecture du jeudi 25 septembre 2025
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. C... B... et Mme D... A... épouse B... ont demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016, ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1903332 du 25 août 2022, ce tribunal a prononcé une réduction des impositions contestées au titre des années 2014 et 2015 et rejeté le surplus de leur demande.
Par un arrêt n° 22NC02614 du 20 juin 2024, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par M. et Mme B... contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de leur demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 août et 4 novembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Prévot, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M.et Mme B...
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2014 à 2016, M. et Mme B... ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, consécutivement à la vérification de comptabilité dont la société à responsabilité limitée PIDC, dont M. B... était le gérant de fait et associé égalitaire, a fait l'objet. Par un jugement du 25 août 2022, le tribunal administratif de Nancy a prononcé une réduction des impositions contestées au titre des années 2014 et 2015 et rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme B... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'ils avaient formé contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté le surplus de leur demande.
2. Aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 80 ter du code général des impôts : " a Les indemnités, remboursements et allocations forfaitaires pour frais versés aux dirigeants de sociétés sont, quel que soit leur objet, soumis à l'impôt sur le revenu. / b Ces dispositions sont applicables : (...) / 2° Dans les sociétés à responsabilité limitée : aux gérants minoritaires ; (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais (...) ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme des revenus distribués : (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / d. La fraction des rémunérations qui n'est pas déductible en vertu du 1° du 1 de l'article 39 (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que les remboursements de frais de déplacements perçus par un gérant minoritaire, comme par un gérant et associé égalitaire, de société à responsabilité limitée constituent, en principe, même en l'absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable, en application de l'article 80 ter du code général des impôts, dans la catégorie des traitements et salaires, sauf si l'administration établit que les sommes correspondantes n'ont pas fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés au personnel, que leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif, ou que leur versement étant dépourvu de tout lien avec les fonctions de gérant, elles ne présentent pas le caractère d'un élément de rémunération de ces dernières. Dans chacun de ces trois derniers cas, ces sommes sont imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société à responsabilité limitée PIDC a versé à M. B... des remboursements de frais kilométriques au cours des années 2014 et 2015 à raison de l'utilisation par ce dernier de deux véhicules personnels dans le cadre du suivi des chantiers menés par la société, correspondant à une distance parcourue de 41 192 kilomètres en 2014 et de 50 401 kilomètres en 2015. Compte tenu des justificatifs transmis, l'administration n'a admis le caractère professionnel que des seuls trajets correspondant aux réunions de chantier auxquelles il était démontré que M. B... avait effectivement participé et a considéré que, pour le surplus, la justification d'une utilisation à des fins professionnelles n'étant pas rapportée, les remboursements en cause correspondaient à une utilisation privée du véhicule.
5. Après avoir jugé, par des motifs non contestés, que les sommes litigieuses avaient fait l'objet d'une comptabilisation explicite en tant que remboursements octroyés à M. B... à titre de frais professionnels et qu'une telle comptabilisation explicite faisait dès lors obstacle à l'imposition de ces remboursements sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, la cour administrative d'appel a considéré que, dès lors que les sommes allouées à M. B... à titre de remboursements de frais en litige étaient dépourvues de justificatifs, l'administration devait être regardée comme ayant apporté la preuve qu'elles étaient dépourvues de tout caractère professionnel et qu'elles étaient pour ce motif insusceptibles de se rattacher aux fonctions de dirigeant social du requérant. Elle a jugé qu'il y avait, par suite, lieu de faire droit à la demande du ministre tendant à ce que les dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts soient substituées à celles du c de l'article 111 du même code comme fondement des impositions litigieuses.
6. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que les remboursements de frais de déplacements perçus par un gérant minoritaire ou égalitaire de société à responsabilité limitée constituent, en principe, même en l'absence de justificatifs, un élément de sa rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires et que la seule circonstance que le caractère professionnel des déplacements dont la société PIDC avait remboursé à M. B... les frais n'avait pas été justifié ne suffisait pas à établir que la prise en charge par la société de ces remboursement et le versement des sommes en cause à M. B... auraient été dépourvus de tout lien avec sa qualité de gérant et n'auraient pas présenté le caractère d'un élément de sa rémunération, la cour a commis une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, M. et Mme B... sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 20 juin 2024 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à M. et Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C... et D... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.